SE MÉFIER DE L'EAU QUI DORT...
Monsieur Bermutier est juge d'instruction.
Monsieur Bermutier est un monsieur bien comme il faut, que son métier mit en contact avec des êtres pas toujours très reluisants sans qu'ils soient forcément condamnables par la justice des hommes.
Monsieur Bermutier est captivant lorsqu'il conte ces aventures presque policières légèrement teintées d'un fantastique sobre mais inquiétant.
Monsieur Bermutier aime maintenir son public des salons feutrés et des belles dames des années folles dans cette troublante incertitude des affaires jamais totalement élucidées.
Monsieur Bermutier semble apprécier ces êtres un peu doubles, ni totalement maléfiques, ni véritablement innocents. Il est d'ailleurs fort envisageable que ce juge réputé incorruptible cache lui-même quelque lourd secret...
Très librement inspiré de cinq nouvelles du normand et génial
Guy de Maupassant, ce
Monsieur Bermutier oscille entre hommage et recréation. Prenant appui sur un graphisme des plus plaisants, le dessinateur et scénariste belge
Maarten Vande Wiele propose ainsi une relecture de quelques uns des contes de l'auteur du Horla. Loin de la France de la fin du XIXème, de ses jupes bouffantes et de ses personnages à canotier tout droit sortis d'un tableau d'un Renoir, l'inspiration est franchement aux années dites folles, art-déco, feutrées et modernes à la fois. Les amateurs y retrouveront un peu de ces atmosphères dignes d'un de ces téléfilms britanniques mettant en scène le fameux détective belge Hercule Poirot sous les traits de l'acteur anglais
David Suchet. le dessin, à base d'aquarelles raffinées mais sans ostentation, que des traits à l'encre soutiennent juste ce qu'il faut pour donner corps aux personnages, est esthétiquement beau et des plus agréables à admirer.
Hélas, la trame des cinq chapitres reste un peu légère, imprécise, sans vraie tension - quand ce n'est pas tout simplement une absence de résolution de l'affaire qui laisse le lecteur sur sa faim - ni suspense. On peine à y reconnaître cet art du conte qui fit les beaux (et courts) jours de Guy de
Maupassant. Même lorsque
Maarten Vande Wiele s'essaie au récit modestement étrange, équivoque, qui sont la marque d'un certain nombre des nouvelles de son glorieux prédécesseur, si le niveau graphique est bien de la partie, la force narrative indispensable n'y est vraiment pas. C'est fort dommage car il ne manque pas grand chose à cet ouvrage vraiment très plaisant au regard pour s'avérer un livre de première qualité. Malheureusement le compte n'y est pas et le lecteur refermera l'album en éprouvant un certain sentiment d'incomplétude, de projet manqué.
Pour les plus curieux souhaitant relire les nouvelles ayant inspiré l'album, voici ce qu'il fut possible de trouver (l'auteur "oublie" de mentionner ses sources, ce qui n'est guère élégant...).
La première mention est le titre de chaque chapitre du présent livre, la seconde celui de la nouvelle d'origine. Entre parenthèses, le recueil original du vivant
De Maupassant :
Fantômes : Apparition (
Clair de lune)
La main : La main (
Contes du jour et de la nuit)
La mère : La Mère aux monstres (
Toine)
Le cauchemar : La nuit (
Clair de lune)
Un journal intime : La Confession (
Toine)
A noter que ce
Monsieur Bermutier n'apparaît historiquement que dans la nouvelle intitulée "La main". L'idée de le transmuer en témoin et raconteur des histoires à suivre étant cependant tout à fait enthousiasmante, n'était la faiblesse de l'ensemble.