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EAN : 9782251452814
340 pages
Les Belles Lettres (04/02/2022)
5/5   3 notes
Résumé :
1941. L’année où tout bascule. L’Europe tombe entre les mains d’Hitler. La barbarie fait son nid partout où la raison guidait le monde.
Au même moment à New York, trois événements signent le commencement d’aventures apparemment très distinctes. Saint-Exupéry arrive à Manhattan. Il y rédige le mythique Petit prince. James Burnham publie son ouvrage Managerial revolution. Il y décrit la montée en puissance d’une nouvelle classe sociale : les managers. À quelque... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai eu du mal avec l'introduction, mais le livre a ensuite été un gros coup de coeur. L'auteur décrit en fait l'histoire de nos modes de vie managérialisés, du tournant des années 20 aux années de mobilisation industrielle et leur prolongement dans la guerre froide. C'est assez lumineux, même si l'écriture est exigeante. D'autres, de Karl Marx (que Schumpeter qualifiait de « prophète ») à Walter Benjamin avait déjà pensé et même pressenti la nature religieuse de notre capitalisme. Mais le livre dévoile (quel paradoxe…) les processus très apocalyptiques de nos économies managérialisées. le management est en fait, un vaste exercice d'ingénierie temporelle (la guerre a joué un rôle méconnu là-dedans). Il nous dépossède en fait de notre futur, des possibilités de devenir par ce qu'il advient autour de nous. Tout va trop vite, tout est accéléré et rythmé afin d'impatienter pour mieux innover en permanence (il y a des liens avec la pensée de Rosa cité dans le livre). La modernité et ses logiques de progrès, l'individualisme et le « management scientifique » (déjà soucieux de cadencer le travail) avaient déjà commencé à reconfigurer nos sociétés. Mais la « digitalité » (comme représentation et connectivité) a incarné un changement encore plus radical. Toute la surface de nos expériences de consommateurs, de travailleurs, de citoyens, de parents, sont désormais recouvertes par le management digitalisé dont parle François-Xavier de Vaujany. Avec une conséquence désastreuse : la perte de profondeur de nos expériences ; et avec elle, une difficulté croissante à faire société…
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Un livre passionnant sur l'histoire américaine du management et son lien avec le capitalisme. Il montre que la mobilisation industrielle américaine a été un moment de refonte des processus organisationnels américains. Sur fond de pays en crise dans les années 30, dans l'impasse d'un désir pour le futur complètement éteint, une nouvelle "machine" américaine s'est mise en place. le management n'a plus été seulement calcul et optimisation. Il s'est fait de plus en plus apocalyptique au sens étymologique, c'est-à-dire "dévoilement" et "révélation" de ce qui se passe dans le présent et surtout de ce qui est à venir. Après avoir commodifié l'espace, le capitalisme a commodifié le temps (en particulier futur), à grand renfort de ce qui va s'institutionnaliser avec et après la seconde guerre mondiale : le marketing et l'innovation ou plus généralement, un management digitalisé. le livre de François-Xavier de Vaujany explore la genèse américaine, emprunte d'une histoire américaine, de ce capitalisme managérial. A partir d'une analyse massive d'archives combiné avec une auto-ethnographie très philosophique, il montre avec finesse les processus et les enjeux de cette grande transformation. Sans tomber dans le piège de la solution, il ouvre de nouvelles voies de problématisation du monde digital à partir d'une "éthique du voyage".
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J'ai bien mis un mois et demi à le lire... Difficile, complexe, exigeant. le triple récit est une super idée. Il constitue finalement trois points d'entrée différents dans cet événement historique, la genèse d'un capitalisme de plus en plus digitalisé. La partie sur l'éthique du voyage était peut-être de trop (ou à considérer pour un autre livre).
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Les modes d’activité collective et les infrastructures dans lesquelles elles s’insèrent contribuent aux continuités et surtout, aux discontinuités nécessaires à la visibilité et à la pérennité du management d’aujourd’hui. Le phénomène managérial est ainsi surtout fait de « changements », « modernisations », « performances », « nouveautés », « innovations », « disruptions » et de « modes ». Il faut montrer que les produits et les pratiques d’aujourd’hui sont déjà « inadaptés », « décalés », « démodés ».

Cela passe par la production de grands récits. Le manager est un narrateur exprimant le plus matériellement possible son histoire. Les interfaces, les visuels, les prototypes, les formes du produit physique ou numérique, les slogans, le rythme des renouvellements des offres, les algorithmes des plateformes, constituent la trame d’une histoire sans fin. Telle Shéhérazade dans les Mille et Une Nuits, les acteurs du management proposent un récit dont l’interruption provisoire nourrit sa propre dynamique. Chaque incomplétude ouvre sur l’incomplétude suivante. L’histoire devient un recommencement continu. La matière même du récit digital (les produits) sont périssables, inscrits dans un récit plus large les condamnant à être dépassés par l’instant d’après. En arrière-plan, la planète tout entière est une « ressource » infinie exploitée par une narration elle-même infinie. La spatialité inépuisable de la première est la condition de la temporalité accélérée de la seconde.

Les apocalypses managériales doivent être resituées dans ce devenir recommencé.
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Ces dernières années , j’ai pu parcourir longuement l’espace strié de Manhattan, du nord au sud, du sud au nord, de l’est à l’ouest, de l’ouest à l’est… Je me suis parfois senti happé par les grandes avenues, ces perspectives pleines de promesses bien droites. J’ai alors recherché un lieu de pause, un banc, une oasis de calme, sans les trouver. De nombreux espoirs de repos ont été déçus. S’asseoir sur les marches d’une Brownstone House n’a pas toujours été un moment heureux. On y trouve vite la compagnie que l’on ne cherchait pas.
Parfois, je suis entré à l’intérieur de magasins pour me glisser dans cette bulle rêvée de l’extérieur. En quête de repos, je n’y ai trouvé que mouvement.
Plus étrange. À New York, je me suis également senti « handicapé », incapable d’être et d’agir dans cette ville-horizon handicapante. Le handicap n’est pas seulement un « faire » que l’on ne peut pas ou que l’on ne peut plus, un potentiel d’activités perdu. Il est aussi et surtout ces passivités désormais absentes. On ne peut pas ou on ne peut plus faire confiance à son corps, le laisser en sommeil dans l’activité. Il faut « faire attention », peut-être même plus attention. Par « attention », je n’entends pas quelque chose de cognitif, comme avoir son « esprit » focalisé en permanence sur quelque chose. J’entends plutôt une tension très physique. Une émotion sans achèvement. Quelque part, le corps d’un handicapé est plus grand que celui des autres. Il ou elle ne peut pas s’autoriser les multiples passivités des gens dits « normaux ».
Lors de mes marches à New York, j’ai parfois senti cela. Cette bande-son permanente sature tout le champ auditif. Elle crée une tension dans nos oreilles. Les sirènes des ambulances et des camions de pompiers, le bruit métallique du métro, les klaxons, ces personnes marchant un petit baffle audio en bandoulière, ces conversations criées sur le kit main libre d’un smartphone… tout concourt à ce grand vacarme sans fin. Ces immeubles répétés à l’infini, cette circulation, ces paquets livrés partout, les annonces publicitaires et les panneaux lumineux, ces corps marchant trop vite, tous saturent le champ visuel. Il faut là aussi « faire » attention et reprojeter en permanence son espace. Les odeurs multiples prennent le nez. Odeurs de « fast-foods » et de gras, sorties fumantes sur la rue et les trottoirs, respiration de l’humidité marine, incinérateur dont le souffle est rabattu par le vent…, ces senteurs sont suspendues partout dans l’air. Le champ gustatif n’est pas en reste. Toutes les gastronomies se retrouvent à Manhattan. Et notre tactilité ne sait plus trop où donner des pieds et des mains. On marche sur tous les types de sol à New York, de la terre de Central Park aux rues pavées de Greenwhich Village en passant par les tapis moelleux des magasins de luxe de Park Avenue. On touche le béton le plus mort comme on est touché par le vent marin le plus vivant.
Dans le sens de cette réflexion, je me demande parfois si New York n’est pas une ville handicapée. Une ville avec un corps trop grand pour elle. Une ville avec un corps trop grand pour nous.
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Mais la question du digital n’est pas seulement dans l’extraordinaire de ces empiétements. Elle est aussi dans tout ce que fait la digitalité sans quitter le chemin de notre vie ordinaire, avec notre complicité. Le digital assigne des rôles ou des statuts, alloue des moyens, hiérarchise l’information, arbitre des priorités, anime des processus, transforme l’expérience en service, produit des valeurs amplifiées par sa connectivité, autant de fonctions traditionnellement assurées par le management. Il le fait instantanément, loin de la temporalité d’une pensée « humaine ». Les techniques de Google, Facebook, Amazon et Apple sont si simples. Elles sont pour nous une médiation invisible. On a tous l’impression de converser directement avec nos données, avec nos proches, avec nos outils. La digitalité s’efface pour mieux nous accompagner et nous contrôler. Avec les « techniques de quantification de soi », le digital va même jusqu’à mesurer et catégoriser tout notre être physique, biologique et social. Notre individualité devient un événement digital.
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L’attente est là, mais l’attente n’est plus. Déjà engagé dans le flux digital, le moment d’après n’est plus vraiment attendu. On revient encore et toujours vers cette bulle éternelle, cette grande continuité mesure de toutes nos discontinuités, de ce qui « nous arrive ».

Avec l’instantanéité du digital, l’attente trop évidente devient intolérable. Seuls face à nous-même, nous devenons comptables du temps perdu.
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