Juin
Mois de Jésus, mois rouge et or, mois de l'Amour,
Juin, pendant quel le cœur en fleur et L’âme en flamme
Se sont épanouis dans la splendeur du jour
Parmi des chants et des parfums d'épithalame,
Mois du Saint-Sacrement et mois du Sacré-Cœur,
Mois splendide du Sang réel, et de la Chair vraie,
Pendant que l'herbe mûre offre à l'été vainqueur
Un champ clos où le blé triomphe de l'ivraie,
Et pendant quel, nous misérables, nous pécheurs,
Remémorés de la Présence non pareille.
Nous sentons ravigorés en retours vengeurs
Contre Satan, pour des triomphes que surveille
Du ciel là-haut, et sur terre, de l'ostensoir,
L'adoré, l'adorable Amour sanglant et chaste,
Et du sein douloureux où gîte notre espoir
Le Cœur, le Cœur brûlant que le désir dévaste,
Le désir de sauver les nôtres, ô Bonté
Essentielle, de leur gagner la victoire
Éternelle. Et l'encens de l'immuable été
Monte mystiquement en des douceurs de gloire.
COMPLIES EN VILLE
XX
Au sortir de Paris on entre à Notre-Dame.
Le fracas blanc vous jette aux accords long-voilés,
L’affreux soleil criard à l’ombre qui se pâme
Qui se pâme, aux regards des vitraux constellés,
Et l’adoration à l’infini s’étire
En des récitatifs lentement en-allés.
Vêpres sont dites, et l’autel noir ne fait luire
Que six cierges, après les flammes du Salut
Dont l’encens rôde encor mêlé des goûts de cire.
Un clerc a lu : Jube, domne, comme fallut,
Et l’orage du fond des stalles se déchaîne
De rude psalmodie au même instant qu’il lut,
Le bon orage frais sous la voûte hautaine
Où le jour tamisé par les Saints et les Rois
Des rosaces oscille en volute sereine.
Cela parle de paix de l’âme, des effrois
De la nuit dissipés par l’acte et la prière.
L’espérance s’enroule autour des piliers froids.
C’est la suprême joie, et l’extrême lumière
Concentrée aux rais de la seule Vérité,
Et le vieux Siméon dit l’extase dernière !
Recommandons notre âme au Dieu de vérité.
Poésie - La lune blanche ... - Paul VERLAINE