J'ai eu beaucoup de mal à adhérer à la première partie de l'ouvrage, où l'auteur développe une vision très noire de ce qu'il appelle la "culture occidentale", centrée sur les apports du christianisme et du capitalisme. On ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit d'un cadre trop partiel, qui oblitère tous les aspects positifs et les voix à contre courant, que nous avons tous tendance à mettre en avant plus souvent. L'auteur lui même les rappellera, plus loin, quoique très très brièvement et presque seulement pour les écarter comme des exceptions. le but, je pense, est de nous faire sortir pendant un moment de la fierté que nous pouvons ressentir vers notre tradition culturelle pour nous permettre d'apprécier de manière plus objective les arguments de la "cancel culture", trop souvent balayés avec une certaine suffisance. Cela aurait pu être fait de manière plus nuancée (ou assumée, pourquoi pas), car le résultat peut dégoûter bien de lecteurs en les empêchant d'aller plus loin, ce qui serait dommage. Premièrement parce qu'il y a beaucoup de choses à apprendre même de cette première partie, qui traite de sujets peu souvent évoqués aujourd'hui justement à cause de leur caractère "honteux". Mais surtout, dans l'ensemble, parce que l'ouvrage a le mérite de nous faire voir tout l'intérêt d'écouter et de dialoguer avec cette "cancel culture", qui d'ailleurs ne représente pas forcément quelque chose de particulierment nouveau. Et il nous rappelle l'importance de se poser des questions, garder un regard critique et évaluer chaque situation au cas par cas, ce qui est toujours précieux face à des points de vue qui ont tendance à s'extremiser. Dommage que l'auteur n'ait pas lui-même suivi son propre conseil tout au long de son développement.
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Ce n’était certes pas la première fois qu’un pouvoir gouvernait par la peur. Mais jusqu’alors la peur portait sur des menaces tangibles : la ruine, la prison, la torture, la mort. Désormais s’y ajoutait une peur de l’intangible : la damnation éternelle. Elle n’en était que plus efficace, auprès des grands seigneurs comme des plus misérables.
L'Histoire nous fait voir qu'en nous les ombres le disputent à la lumière et que, suivant l'avertissement de Pascal, "qui veut faire l'ange fait la bête".
[...] Précisément parce que nous sommes composés de tant d'impulsions contradictoires, nous avons le devoir, en tant qu'individus, de nous "conduire", comme on conduit une voiture ou un bateau, en suivant, le plus qu'il nous est possible, à corriger nos erreurs. En tant que sociétés, par ailleurs, nous avons le devoir de réfléchir à notre passé, donc de mettre en question sa mémoire. Cette réflexion et ce questionnement, guidés par des préoccupations politiques et morales, n'oublie jamais que l'Histoire, faite par les hommes, est, comme eux, "impure". Quel Etat ne fut pas fondé sur la violence? Sur des massacres, des appropriations, des déplacements forcés de populations, l'extinction de cultures entières parfois, des mensonges, et cent autres formes d'injustices?
[...] En un mot, les tenants de la "cancel culture" posent une vraie question, une question plus que légitime et importante, une question fondamentale, et que personne, dans l'ordre social où nous vivons, n'aurait posé. De cela, je leur suis profondément reconnaissant. Mais à cette vraie question, la "cancel culture" apporte une réponse fausse. Une vision faussée par cette vision puritaine (donc rédemptrice) de l'Histoire et de la nature humaine.
Il n’est pas de témoignage de culture qui ne soit en même temps un témoignage de barbarie. Cette barbarie inhérente aux biens culturels affecte également le processus par lequel ils ont été transmis de main en main.
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À y regarder de près, les biens culturels ne sont pas seuls à témoigner de la barbarie d’une société donnée. Les biens matériels de la vie de tous les jours ne font pas exception.
La culture européenne étant définie comme supérieure à toutes les autres, elle sera la culture par excellence, la culture « universelle ». La vision du monde de ces représentants autoproclamés de l’« universalisme » est donc fondée sur le contraire même de toute pensée universaliste, le particularisme, qui hiérarchise toutes choses en fonction de ce qui se fait chez soi. En un mot, ces « universalistes » sont des provinciaux qui s’ignorent.
Ce livre résulte d'une fascination : celle de l'auteur pour les fragments, infiniment rares, qu'ont laissés malgré eux, par une chance inespérée, les poètes aujourd'hui inconnus de la République romaine. Inconnus car oubliés, effacés ou presque par la révolution augustéenne. Pierre Vesperini a voulu simplement, pour chacun des poètes qui lui « parlaient », écrire un portrait qui, en un sens, les ramène à la vie. Mais cela sans jamais inventer, en se tenant strictement aux témoignages. de cette fascination est né ce court livre, bijou scintillant d'intelligence, d'humour et de rêverie.
En librairie le 8 septembre 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454702/poetes-et-lettres-oublies-de-la-rome-ancienne
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