Les Éditions Allia ont la bonne idée de republier Double vie (1950) de Gottfried Benn (1886-1956), traduit de l’allemand par Alexandre Vialatte et superbement éclairé par Jean-Michel Palmier, l’admirable connaisseur de l’Allemagne de Weimar. Or, ce dernier, auteur d’un mémorable Berliner Requiem, tient Benn non seulement pour le plus grand poète de l’expressionnisme allemand, “mais l’un de ceux qui, au même titre que Hölderlin, Trakl ou Celan, ont incarné une étape décisive de la langue poétique allemande”.
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INTERMÈDE LYRIQUE
MONOLOGUE
extrait 2
Alexandre ? L’Olympe ? Des riens !
Eux, ils louchent vers l’Hellespont. Ils écument
[l’Asie !
Enflure, fanfares, avant-gardes, favoris et sections
[cachées,
Pour que personne ne bronche !... Les favoris ?
[de bonnes places
Pour les théâtres de la guerre et du droit… Si
[nul ne bronche !
Favoris, jouisseurs, brassards, larges cordons…
Larges cordons : le monde en porte un sur le
[ventre,
On en affuble jusqu’au rêve !
Le pied-bot voit déjà les stades démolis,
La bête puante entre dans les prairies de lupin
Dont le parfum la trompe sur son odeur :
Elle sent la fiente !... les gros bouffis
Poursuivent la gazelle,
La rapide, la gracieuse…
p.119-120
INTERMÈDE LYRIQUE
MONOLOGUE
extrait 1
L’intestin nourri de morve et le cerveau de men
[songes…
Des peuples élus bouffons d’un clown,
Farceurs, astrologues, augures,
Interprétant leur propre ordure…
Des esclaves…
Venus de pays froids et de pays brûlants ;
De plus en plus ; rongés de vermine.
Affamés, sous le claquement du fouet.
Ah ! comme on s’enfle ! On sent son petit duvet
[teigneux
Prendre des proportions d’une barbe de pro-
[phète !
…
p.119
EN RELISANT DOUBLE VIE XVII
Dents-vertes, Boutons-aux-visage
fait signe à Conjonctivite.
Brillantine-aux-cheveux
parle à notre Bouche-ouverte-amydale,
foi amour espérance autour du cou. (…)
eczéma achète des œillets
pour adoucir Double-menton.
…