J'ai découvert
Tanguy Viel l'an dernier avec
Paris-Brest, que j'ai adoré, puis avec
Article 353 du code pénal, un coup de coeur. Envoûtée par l'écriture, la narration, la construction, qui m'avaient attrapée et conduite toujours un peu plus loin que les mots.
« Dans cette ville, c'est comme ça, on dirait que les siècles d'histoire ont glissé sur les pierres sans jamais les changer, pas même la mer qui deux fois par jour les attaque et puis deux fois par jour aussi renonce et se retire, battue, comme un chien la queue basse. »
Dans
La fille qu'on appelle, on est – sans le dire – à St-Malo. Depuis trois ans, Max le Corre, un boxeur sur le retour, est chauffeur pour le maire, Quentin le Bars. Lorsque sa fille Laura rentre au pays, Max décide de demander au maire s'il pourrait l'aider à trouver un logement. A partir de là,
Tanguy Viel met en place une histoire d'emprise, et questionne le consentement. Comment parfois on peut se retrouver pris dans les rets d'un prédateur sans presque y prendre garde avant qu'il ne soit trop tard. Un mot, un silence, un pas puis l'autre. Tchac. Ce roman montre aussi comme le piège est à multiples tranchants, qui non seulement arrive à ses fins mais aussi verrouille la prédation en broyant la victime. N'ayant pas, pas pu, pas cru, pas anticipé le piège, la victime devient à ses propres yeux coupable car responsable du piège dans lequel elle n'a pas réussi à ne pas tomber. Il est beaucoup question dans
La fille qu'on appelle de domination de classe aussi, l'auteur auscultant certains rouages de notre société contemporaine où les élites politiques, siégeant dans les anciens temples de la royauté, y cultivent également le penchant des seigneurs d'antan pour les abus de pouvoir.
« […] parce que de certaines actions, non, décidément, on ne démêlera jamais le noeud noir qui nous y pousse ».
Certains passages de
la fille qu'on appelle m'ont transportée, interpellée, et la fin, splendide, m'a carrément sonnée – quel talent, mais quel talent. Ma lecture a pourtant été un temps en dents de scie, l'éclat de l'histoire pâlissant parfois dans une brume de déception. Une impression de prévisibilité et des personnages assez caricaturaux. Je n'étais pas vide d'attentes ni de préconçus et ma lecture m'a semblé dans la première moitié du roman parasitée par un décalage entre l'écriture et l'histoire, sans que je sache trop laquelle était moins percutante que l'autre – ou si c'était moi.
La fille qu'on appelle est une lecture qui fera date, pour ce qu'elle met en lumière et ce qu'elle a remué en moi.
« Tant mieux que certains jours dans nos vies fassent comme des crêtes au-delà desquelles on sent bien qu'on bascule, quand en dessous les pointes rocheuses font se lever la mer, et qu'alors certains jours, oui, il faut les contourner prudemment, comme on passe un mauvais cap à la voile. »
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