Un peu difficile d'apprécier un roman français, même magnifiquement écrit, après l'émotion créée par
Minuit dans la ville des songes de
René Frégni, qui allie beauté et authenticité.
Mais je me suis accrochée, à ce
Paris-Brest, qui se révèle « Tonnerre, tonnerre de Brest », un grand roman, dans la lignée de L'
article 353 du Code Pénal. Je n'ai pas suivi William Scheller, qui sinon n'aurais plus été tout seul, (« La vie c'est comme une image, Tu t'imagines dans une cage ou ailleurs, Tu dis c'est pas mon destin, Ou bien tu dis c'est dommage et tu pleures (…) Je cours à côté d'un train, Qu'on m'a donné au passage, « de bonne heure) et je suis restée dans le train, ce
Paris-Brest, aussi doux et structuré que la pâtisserie.
Louis, devenu écrivain parce que pas assez bon pour être footballeur, vit à Brest, en-dessous de l'appartement de sa grand-mère devenue richissime à la faveur d'une heureuse et tardive rencontre au cercle des Marins. Son père, ancien Président du Stade Brestois, impliqué dans la disparition de 14 millions de Francs, qui se sont « absentés », selon le Procureur, sans explication, des caisses du club de foot, et sa mère s'exilent quelques années dans le Languedoc-Roussillon, avant de revenir en Bretagne, au grand dam de notre narrateur.
« Nous allons revenir habiter en Bretagne. (...) elle a passé sa main sur ma joue, elle m'a caressé la joue et pour moi c'était comme une lame de rasoir qui m'arrachait la peau »
Le « coeur et le sang de l'histoire » se situe dans un « triangle » composé de la mère de Louis, de Louis et du fils Kremeur, copain à la mauvaise influence, trop présent au goût de la mère de Louis.
Louis s'exile à Paris, et règle ses comptes par l'intermédiaire d'un roman exutoire dont le fil s'entremêle avec le récit d'un retour, le temps de Noël, Assemblée en Bretagne, avec sa grand-mère, son frère (footballeur), et ses parents.
« Alors Louis il paraît que tu écris des choses sur nous ».
« Il y a eu comme un silence, plus qu'un silence, moi figé dans sa phrase comme dans un tableau hollandais, en tout cas quelque chose d'austère et d'inquiétant, comme enveloppé dans une lumière d'orage ».
« Ce jour-là, je m'en souviens, la tête plongée dans l'assiette en porcelaine je me suis seulement dit: ne lève pas les yeux sur elle, si tu lèves les yeux une seule fois c'est foutu, si tu la regardes maintenant, toi aussi tu seras un satellite pour toute ta vie. Et replié au fond du gouffre en moi, j'ai juste entendu, comme une fusée qui traversait la pièce, j'ai entendu la voix de ma grand-mère à côté de moi qui ajoutait : tu parles de nous en bien, j'espère.
Ensuite il y a eu du silence encore et des paroles normales. Il y a eu mon frère qui ne savait pas où se mettre puis des conversations déviées et du silence toujours. Il y a eu la pluie à Brest et les prix des loyers. Il y a eu les cuillères cognées contre la porcelaine. Mais sur la table au-dessus de nous, outre la mer dehors et les vieux meubles qui pliaient sous nos regards, il y avait cette expression devenue presque sale, comme un nuage de pluie qui se serait maintenu: des choses sur nous. Et dans le tourbillon noir des tasses en porcelaine, on aurait dit que chacun, à la surface mouvante de son café, que chacun désormais lisait des choses sur lui. »
Plus tard, la mère trouve le manuscrit alors que Louis boit des bières en ville. Il veut revenir en quatrième vitesse, « luttant contre tout, fuyant jusqu'aux yeux du chauffeur dans son rétroviseur, la ville à grande vitesse et la mer devant nous, et comme par transparence sur elle, la mer vitreuse, je croyais apparaître le visage géant de ma mère, comme un président américain sur le mont Rushmore ».
Un très beau roman.