Une âme simple, Tchonkine, dans l'armée rouge, un candide n'ayant pas la fibre militaire ressemblant comme deux gouttes d'eau à un Pithivier/Tassin/Chaudard, mais qui sous d'autres aspects ne démérite pas, notamment en matière de lien social vu la rapidité à se trouver un petit potager et l'âme soeur qui va avec, et, si ses questionnements n'en demeure pas moins simples, ils restent fort pertinents.
Une bouffonnerie féroce à l'encontre de l'état soviétique, tout d'abord envers l'armée d'une rusticité à toute épreuve et submergée de paperasserie et d'intendance et qui visiblement est commandée par des incapables
Bouffonnerie envers ensuite les organismes d'état, syndicats, kolkhozes et leurs camarades représentants, camarades présidents, camarades commissaires du peuples, une société qui se surveille mutuellement et vire à la paranoïa.
Et enfin, surtout, envers les russes eux-même rustauds mal dégrossis, fonctionnaires dans l'âme, pleutres et serviles.
Une bonne étude des moeurs des russes entre eux, entre voisins, entre hommes et femmes, entre maris et épouses, responsables et administrés, commerçants et clients.
La guerre avec "Barberoussa" en arrière fond mais lointaine et diffuse qui de toute façon ne concerne pas Tchonkine ou si peut si ce n'était la méchanceté jalouse de ses coreligionnaires qui va changer un peu la vie pépère de Vania et Nouria sa promise devenue son épouse et faire converger vers le petit village tout un régiment et ses sous-officiers et officiers supérieur: Un final en «Fort Alamo» russe
Un livre étonnamment actuel en général de l'âme humaine et par certains coté très spécifique avec entre autres un exposé par le lettré scientifique de service, sur le cycle d'un engrais naturel que ne renierai pas un écologiste radical moderne.
Un livre très frais, très cocasse avec un comique qui n'a pas prit une ride
Vladimir Voïnovitch utilise toutes les recettes pour faire rire du comique troupier à l'humour fin et subtil en passant par le burlesque et la caricature, bref Voïnovitch fait feu de tout bois.
de petits malentendus (le téléphone a beaucoup de friture) en petits malentendus (incompréhensions de l'âme simple du moujik militaire et slave) l'armée russe s'invente un quiproquo titanesque.
Des scènes, digne de la fontaine, cauchemars de verrats qui festoient et grognent à un mariage cochon, hongre qui philosophe et prend, avant la réquisition, la poudre d'escampette, cauchemars qui prennent au dépourvu les dormeurs.
Des scènes que l'on retrouve un peu dans des films comme «la 7ème compagnie» ou/et «la grande vadrouille» du comique bon enfant mais qui passe très très bien: un régal!
Des quiproquos entre autorité et prévenus, une bagarre de villageois homérique façon Astérix, jeux de mots et utilisation à contre-sens des mots eux-même: un festival sans temps morts.
Derrière ce comique on sent la diatribe forcenée et féroce sans concession avec les plus grands noms de l'URSS et la mère patrie elle-même que
Vladimir Voïnovitch tourne en dérision.
Bouffonnerie féroce qui proclame ingénument les absurdités du totalitarisme soviétique et dénonce la pusillanimité de l'être humain. Vladimir, en pratiquant l' autodérision, n'épargne personne dans cette farce haute en couleur, piquante et acerbe.
Il est curieux que la société russe puisse engendrer sans complexe d'une part des auteurs comiques et satyriques comme Voïnovitch,
Gogol et
Boulgakov et d'autre part des dictateurs comme Nicolas, Staline et Poutine, vraiment très curieux ces slaves!
Note: Quelques analogies de comique sur l'armée. Des scènes très visuelles de Voïnovitch qui sont quasiment universelles et que l'on retrouve dans des films français (ceux-ci sont d'ailleurs antérieurs au livre)
Version française: cela donne au téléphone de campagne «Mirabelle écoute Mirabelle» par R. Lamoureux qui sirote son café. Version slave en 1977, idem mais en plus grossier «Hirondelle, Hirondelle fille de p…. tu vas me répondre oui ou merde...»
Une scène de lit entre Gladychev et Aphrodite son épouse qui ressemble fort à la nuit passée de Stanislas Lefort (Louis de Funeste) et le Major Achbach (Benno Sterzenbach) une situation d' inconfort fort irritant **
Une scène d'interrogatoire où le(les) prévenu(s) ne se rende(nt) pas compte de leur situation et font preuve de désinvolture discutant comme au café**
Stanislas Lefort et Augustin Bouvet (Bourvil), encore, qui se contredisent devant le Major Achbach en version
Vladimir Voïnovitch un juif qui s'appelle Staline (Hum! Hum!) et le capitaine Miliaga qui imite l'accent yiddish pour plaisanter: Bonjoul, bonjoul. Dans cette scène par contre le juif ne s'en laisse pas démontrer et fait suffisamment preuve de finesse pour intimider le militaire alors que Lefort et Bouvet en claquent des dents.
Une scène ou Tchonkine confie son fusil à une personne qu'il est sensé surveiller rappelle celle du soldat allemand « Groupir ! » (Michel Modo) qui fait bêtement de même avec Pithivier et celui-ci, tout aussi bêtement, tue une vache.***
Une scène ou deux russes se croyant mutuellement allemands essaient de se comprendre en parlant un sabir allemand ce qui rappelle la scène des «bains turcs» de la grande vadrouille «are you? Да, счастлив. Дерьмо! но ты русский oui heureux! Merde! Mais vous êtes russe !»
Génial !
* «Mais où est donc passée la septième compagnie»... de
Robert Lamoureux (1973)
** «La grande vadrouille» Gérard Oury en 1966
** *«on a retrouvé la septième compagnie»
Robert Lamoureux en 1975.