Les Derniers jours de mai, tome 2 : La Mort marchait dans les rues

Il est là, au bord de la ville, presque au bord du monde, dans les cités dortoirs-foutoirs-entonnoirs où s’entassent des familles plus que nombreuses, à qui contraception, sécusoc et famillallocs sont systématiquement refusées… Le XXIe siècle est le siècle de la pauvreté, du « quart monde », comme on disait autrefois. Et les pauvres sont rejetés loin, bien loin du centre des villes agonisantes, dans ces dépotoirs/cimetières : les H.L.M.

   Hangars Lamentables Minables Horreur Lèpre Mort Hystérie Lynchage Massacre H.L.M. — trois initiales lourdes de sens, car derrière elles se dissimulent les modernes camps de concentration. Naître dans une H.L.M., c’est se voir condamné à y vivre — et y mourir.

   Ghettos hypocrites, les H.L.M. vous marquent à jamais. Difficile pour un « enfant des cités », selon l’expression consacrée, de poursuivre des études ; ses condisciples, issus de milieux plus aisés, s’acharnent à le démolir, à lui casser les reins… Les zonards n’ont jamais leur chance. Entrer dans les Milices n’est qu’un moyen de s’en sortir, moins prestigieux — mais aussi bien plus simple — que de devenir footballeur ou musicien ; on passe simplement des baraquements aux miradors.

   C’est ainsi. Tandis que les enfants des couches supérieures de la population attendent que leur père meure ou se retire des affaires, allant d’orgie en party, sniffant de la coke ou du P.C.P. et buvant des alcools de luxe, se grisant de vitesse à bord de voitures et d’hélicojets surgonflés, les gosses de pauvres glandent, respirent des solvants et pleurent… Ils pleurent leur mère malade qu’ont déformée trop de grossesses successives ; ils pleurent leur père cirrhotique ou cancéreux ; ils pleurent leurs frères et sœurs qui, pas plus qu’eux-mêmes, n’arriveront à échapper à l’engrenage.