L’eau
Une eau qui court ne tremble pas comme une eau qui dort mais
se trouble en reprenant ce qu’elle a donné.
Dans sa confusion, elle tord ses draps.
Le murmure de tous les dormeurs qui roule vers l’aval produit
une langue obscure dont les mots remontent vers l’amont.
L’eau qui tremble enfante la parole et franchit des anneaux
d’ombre et de lumière car de bouche à oreille elle saute les
saisons, de l’humide à la sèche, de sorte que le poisson se fait
oiseau, que si la montagne dans sa folie, jette une source, d’un
coup d’aile, l’oiseau la retrouve.
Si l’oiseau ne dérobait la source, il ne connaîtrait que la saison
humide, comme le poisson dans l’estuaire, de guerre lasse,
mange ses semblables.