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4,14

sur 14113 notes
J' étais tout jeune homme, lorsque je lus le portrait de Dorian Gray.
Cette lecture m' habite toujours, sujet -pour moi- d'une réflexion renouvelée et lancinante sur la propension de l'homme à méfaire.
Dorian Gray est impuissant à conjurer le démon mauvais qui le ronge. Épris d'absolu, il prend la voie de ses plus bas instincts aux échos d' abandon et de facilité... le tableau, le fameux portrait, c'est le tapis sous lequel Dorian Gray cache d'horribles moutons aux relents pestilentiels. C'est son aveuglement et son existence dans un éternel présent de veulerie et de débauche... En effet, Dorian Gray ne pourrait vieillir harmonieusement, avec pareille existence.

J' ai toujours en mémoire l'excellent film d' Albert Lewin de 1945, en noir et blanc... sauf la terrifiante image du portrait final de Dorian Gray, dans des teintes particulièrement évocatrices...

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J'ai fini ce roman il y a environ une semaine maintenant mais ai pris un peu de retard sur la rédaction des avis de mes lectures. Cela n'est pas un mal non plus pouvant ici prendre un peu plus de recul sur cette lecture qui m'a laissé un sentiment global mitigé.

En effet si je suis satisfait d'avoir enfin lu ce classique, il faut bien avouer que cela faisait un moment que je ne me suis pas ennuyé au cours de ma lecture. J'ai d'abord été très agréablement surpris  par la plume d'Oscar Wilde qui écrit merveilleusement bien, mais les dialogues s'enchaînent nous présentant peu à peu les personnages et posant les bases de l'intrigue et même si ceux-ci ne sont pas désagréables à lire j'ai commencé à trouver le temps long espérant voir l'intrigue avancer plus rapidement. Malheureusement vers le milieu du livre je me suis mis à regretter les dialogues du début. J'ai d'ailleurs songé à sauter quelques pages mais ai finalement résisté à la tentation. Je n'ai finalement vraiment apprécié que la dernière partie du roman mais qui fut donc aussi celle qui fut le plus rapidement lu. Les personnages que nous présente ici l'auteur son très intéressants surtout dans les relations qui les lient les uns aux autres.

Je ne regrette donc pas dans l'ensemble cette lecture malgré ses longueurs notamment au milieu qui me laisseront en mémoire le sentiment d'ennui ressenti durant ma lecture, cependant pour son intrigue étant tout de même intéressante, sa dernière partie prenante, ses personnages complexes et l'écriture tout simplement sublime ce roman mérite d'être lu.
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Il est difficile de ne pas succomber au charme d'un roman qui suinte l'intelligence et l'esprit. La maîtrise du langage et une pointe d'humour d'une élégance unique sont également très appréciables.
Les personnages sont superbement construits et étoffés au fil des chapitres. Ils gagneront même en voix, en personnalité et en traits d'esprit au long du roman.

Qu'on traite de l'analyse scientifique de la passion, de la vie humaine et des sentiments ou tout simplement des émois amoureux d'un jeune homme, l'histoire nous prend aux tripes, nous passionne et nous pousse à nous poser des questions.

La faculté de modeler les êtres par la beauté de l'art et de la littérature, de les éveiller et de les ouvrir à la vie et aux mystères du corps et de l'âme. Quel sujet passionnant et auquel on prête si peu attention de nous jours!
Il est tentant de faire le parallèle avec notre société de plus en plus vide, où prime le « culte de soi » et où il y a si peu de place pour les analyses profondes et les questionnements.
La réflexion sur le temps qui passe est particulièrement touchante. Oscar Wilde estime que l'homme est simultanément bon et mauvais et que son âme se dégrade au fil du temps. Chacun de nous porte le ciel et l'enfer en nous.

L'histoire prendra un tournant définitif qui nous laisse pantois, pensifs, tous sens en alerte…

Oscar Wilde a dit « Un livre n'est point moral ou immoral. Il est bien ou mal écrit. C'est tout. «

Et celui-ci est admirablement bien écrit !

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Le peintre Basil Hallward tombe sous le charme de Dorian Gray, un jeune adolescent bourgeois dont Il peint le portrait. Il le présente à son ami Lord Henry Wotton, un dandy cynique et désabusé, qui décide immédiatement de prendre en charge l'éducation mondaine du jeune homme. Rapidement, Dorian devient jaloux du portrait, qui restera éternellement jeune...
Devenu un jeune adulte, il tombe amoureux de la comédienne Sibyl Vane, ou plus exactement des rôles qu'elle joue à la perfection. Devenant elle-même amoureuse de Dorian, elle perd son talent. Il la quitte alors avec rudesse et constate ce soir-là que, si lui a conservé toute sa beauté, le tableau se transforme suivant le caractère du modèle, devenant une sorte de miroir de son âme...

Oscar Wilde dresse un portrait au vitriol de la bourgeoisie et de l'aristocratie anglaise de la fin du dix-neuvième siècle. Tout y est : le cynisme et l'arrogance des possédants (dont Lord Henry ne se cache pas !), le mépris des "basses" classes et des femmes (avec des passages tellement outranciers qu'ils m'ont bien fait rire !), l'homosexualité cachée ou inavouée (voir les relations ambigües de Basil, et même de Lord Henry, avec Dorian), etc.
A l'heure de "Mee too" et des luttes pour le respect des différentes formes de sexualité, lire le portrait de Dorian Gray peut être une réjouissance (que c'est juste et bien écrit, malgré quelques lourdeurs ou longueurs) et/ou générer de l'inquiétude (plus d'un siècle plus tard, pourquoi encore tant de résistances sur ces sujets dans nos sociétés ?). Sur le fond, je suis totalement conquis !

Sur la forme, je suis un peu plus réservé. Il y a de nombreux passages où l'écriture est dynamique, enlevée, comme dans un roman d'aventure. Mais il y en a d'autres où elle est plus contemplative, et paraît plus lourde et laborieuse. le texte accuse son âge...
Ce n'est donc pas un roman qui se lit vite et facilement. Mais c'est assurément un roman qui compte !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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L'histoire est connue, presque mythique. Basil Hallward peint le portrait d'un jeune dandy, Dorian Gray qui n'a d'autre mérite que d'être particulièrement beau. Au cours d'une séance de pause, Dorian fait la connaissance de Henry Wotton, qui lui fait part de ses théories sur la jeunesse et le plaisir. Dorian est très fortement ébranlé par la prise de conscience du caractère éphémère de la jeunesse, dont témoignera le portrait pour l'éternité. Il émet alors le souhait de vendre son âme pour conserver cette jeunesse.

Peu de temps après, Dorian s'éprend d'une jeune actrice qui joue dans un théâtre populaire. Une mauvaise prestation suffit à rompre le serment qui l'avait engagé auprès d'elle. La malheureuse met fin à ses jours. C'est à ce moment que Dorian se rend compte que la bassesse de son attitude a produit une dégradation du portrait, en ajoutant une touche de cruauté au visage peint. La mauvaise influence de Lord Henry, ainsi que le manque de discernement du jeune homme le conduira sur des chemins tortueux de méfaits, de trahison, de bassesse, explorant les territoires du plaisir obtenu sans aucune concession, et sans aucune considération pour le mal qui en découle. Si le visage de Dorian reste immuable dans sa beauté juvénile, le portrait porte tous les stigmates de cet avilissement, dans une inexorable dégradation des traits à l'unisson avec sa déchéance morale.

C'est aussi l'occasion pour l'auteur d'épingler les travers de cette société bourgeoise anglaise, dilettante et oisive. Une sévère diatribe est également exposée à propos des femmes, de leur superficialité, et de la prison que constitue le mariage.

Ce livre m'a profondément impressionnée : pourtant je connaissais l'histoire, mais est-ce le fait de l'avoir lu en VO et donc avec une concentration particulière, j'en ai même rêvé (et en anglais!). L'écriture est très efficace, très poétique également. C'est une manière adroite et intelligente de traiter le mythe de l'éternelle jeunesse tout en se livrant à une réflexion approfondie sur le bien et le mal, la corruption liée à la vie en société.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Occupe par d'autres interets, d'autres taches, je consacre moins de temps a la lecture-plaisir, et je me resous a reposter d'anciens billets.

Je regarde une célèbre photo d'Oscar Wilde, beau dandy sous sa tignasse, et je me rappelle ce que me disait il y a peu une amie: “Nous sommes foutues. Tous les hommes chouettes sont gays”. J'ai encaisse la fleche sournoise en gentleman et souri avec commiseration. Mais laissons le portrait De Wilde et passons au Portrait de Dorian Gray.

C'est toujours avec un peu d'apprehension que j'aborde ce que d'autres ont qualifie de chef-d'oeuvre. de longues annees ont passé jusqu'a ce que je me decide a ouvrir le Portrait, et de longs mois jusqu'a ce que je le finisse. C'est que je suis revenu maintes fois sur des pages déjà lues. J'ai aime les conversations pleines d'aphorismes, meme si je ne souscris pas aux idees qu'ils vehiculent. J'ai moins aime les longs chapitres enumerant les objets d'art ou autres dont Gray s'entoure, et si je les ai revisites, c'etait pour comprendre a quoi ils rimaient (sans conclusions. Je suis reste perplexe).

En definitive, sa renommee n'est pas usurpee, et ne tient pas seulement comme je le craignais aux scandales qu'a provoques Wilde (ou peut-etre serait-il plus juste de dire qui l'ont provoque).
Wilde allie et reinterprete deux mythes, le mythe de Narcisse et le mythe de Faust, dans un recit a resonnances un peu gothiques. Comme Narcisse, Dorian Gray est obnubile par sa propre beaute et meurt devant son reflet (devant son portrait). Comme Faust, il vend son ame au diable, et si le diable n'est pas precisement nomme, un des personnages tient assurement le role de son avocat: son ami et mentor Henry Wotton, dont la philosophie de vie ultra-hedoniste glorifie l'esthetique, la beaute et le plaisir, au detriment de toute ethique.

Mais le livre est plus que cela. Wilde met en evidence la superficialite de la societe Victorienne, a travers des personages qui symbolisent toute la corruption et toute l'hypocrisie des classes elevees londonniennes. Par des dialogues (brilliants il est vrai) il laisse entendre que pour ces classes-la tout n'est que dissimulation, vanite et regne des apparences. Rude critique, qui n'empeche pas le lecteur de suivre les personnages avec une fascination legerement morbide, comme aimante par leur amoralite. J'aurais meme aime plus de details sur les debauches, les transgressions de Gray (a la place des listes interminables de tapis ou de tissus brodes…), comme s'il m'avait manqué de la profondeur dans son changement psychologique, comme si j'aurais aime differer la fin gothique que je subodorais.

Wilde a defendu son oeuvre contre ce qu'il a appele le "pseudo-ethical criticism". Pour lui un livre est bien ecrit ou mal ecrit. Tout le reste n'est que fumee et fioritures. le sien est incontestablement bien ecrit. Mais meme la fumee qui s'en degage est interessante, encore de nos jours, dans une societe qui venere la jeunesse, et ou les plus ages d'entre nous font tout pour garder (ou s'apparenter) ses signes exterieurs. Nos rides sont plus vues comme des indices de decrepitude que comme des attestations de sagesse. Dommage… (oups! J'ai devoile mon age!)
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Je ne sais trop comment écrire une chronique de ce chef-d'oeuvre littéraire car je n'y rendrais pas suffisamment hommage.

Dorian Gray est un jeune dandy d'une extrême beauté. Son ami et peintre, Basil Hallward, réalise un portrait de lui d'une parfaite beauté. Manipulé par les paroles odieuses et immorales du cynique Lord Henry Wotton, il va faire le voeu d'être toujours semblable à ce portrait si beau et jeune de lui. Contre toute attente, son voeu va être réalisé : sa beauté ne sera pas altérée malgré la dureté de la vie et des épreuves qu'il traversera. Cependant son portrait va refléter la noirceur de son âme et de sa décadence. Il va souhaiter se rattraper et devenir bon mais cela sera-t-il suffisamment ? N'est-il pas trop tard pour lui ? Sa duplicité suffira t'elle ?

Oscar Wilde nous livre, après diverses oeuvres, son seul et unique roman : le portrait de Dorian Gray.
Ce roman basé sur la beauté, la duplicité et la décadence a une certaine forme théâtrale, de part son histoire tragique.
Les personnages sont en totale opposition.
Pour commencer, nous avons Basil Hallward. Ce peintre talentueux qui essaie tant bien que mal de protéger Dorian Gray des étrangetés de la vie. Il aimerait qu'il puisse garder cette insouciance que seul les jeunes ont et éprouve pour lui un amour sincère.
En opposition, nous avons Lord Henri Wotton, totalement cynique et débitant un flot de paroles immorales sans se soucier de l'impact que cela peut produire sur les autres. Sa façon d'être va bouleverser la vie de Dorian Gray et le conduire à sa perte.
Pour terminer, nous avons Dorian Gray, qui au départ est totalement insouciant et va se retrouver à vouloir connaître tout ce que la vie peut offrir que ce soit bien ou mal. Il va avoir une vie dépravée et pousser sa fiance Sibyl Vane au suicide alors qu'elle aurait pu le sauver. Il va atteindre des limites inacceptables et va se remettre en question car cela va le hanter. Mais une âme noircie ne peut être sauvée aussi facilement.

L'histoire est totalement captivante et c'est avec tristesse que je suis arrivée bien vite à la fin de ce roman.
J'ai réellement apprécié cette façon de transférer l'âme de Dorian Gray sur son portrait et que cela reflète sa noirceur la plus profonde, car rien n'est plus beau que la profondeur de l'âme.

Un roman à lire sans modération.
Lien : https://fantasydaniella.word..
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Dorian a trente-huit ans lorsque Harry lui confie vers la fin du roman : "Je suis heureux que vous n'ayez jamais rien fait : ni modelé une statue, ni peint une toile, ni produit autre chose que vous même ! ... Votre art ce fut votre vie". La vie de Dorian, dont son ami Basil a peint le portrait quand il avait vingt ans, serait-elle devenue une oeuvre d'art en soi ? Histoire étrange que celle-ci, celle d'une double fascination : du peintre pour son modèle (Basil pour Dorian) et du modèle pour son mentor (Dorian pour lord Henry), celle aussi et surtout d'une fascination pour le double : Dorian pour son propre portrait. Réussite du mentor qui érige la jouissance en raffinement esthétique suprême et qui voit son élève, Dorian, devenir un dandy décadent appliquant ses préceptes et sans doute le surpasser. Désarroi du peintre, Basil, dépossédé de son modèle, dont l'oeuvre lui échappe totalement. 

Dorian Gray est le type même du héros fin de siècle conduit par la toute puissance de ses penchants, qu'un tableau (celui offert par Basil) et qu'un livre offert par lord Henry et lu après la mort d'une jeune femme qu'il a brièvement et mal aimée, Sybil, semblent avoir guidé vers son destin crépusculaire. ("Le livre empoisonné" qui hante Dorian et a inspiré Wilde serait peut-être : "A Rebours" de Huysmans paru en 1884, compte tenu de la référence explicite aux Symbolistes français). Détournement de la morale assuré donc par la peinture d'un côté, par la littérature de l'autre ! le mystère de la personnalité de Dorian mû par les forces obscures que son voeu a libérées et qui s'épanchent dans le tableau constitue la trouvaille de génie d'oscar Wilde et apporte au roman, en plus de son atmosphère fantastique, une tonalité totalement surréaliste avant l'heure.

En réalisant le portrait de Dorian, Basil son ami, ne lui révèle pas tant la beauté de sa jeunesse que son évanescence. Pour se défaire du choc ressenti de ce malheur annoncé, à la vue du tableau, Dorian, usant d'un pouvoir insoupçonné, fait le voeu instantané de conserver intact le masque de sa jeunesse tandis que l'empreinte de l'âge se reportera sur son portrait. Ce pacte intime et décisif avec lui-même va se réaliser (qui n'est pas sans évoquer Faust) mais le sépare définitivement de sa conscience et transforme sa vie en un cauchemar d'orgueil, de vanité et de cynisme absolus. Ainsi, se condamne-t-il à interroger sans cesse le portrait que Basil lui a donné pour connaître véritablement l'état de son âme, dans une angoissante confrontation. Une histoire d'emprise et de dédoublement où le réel et l'irréel se superposent complètement générant un malaise diffus. (Dr Jekyll & Mr Hyde de Stevenson, 1886).

La réflexion esthétique et morale qui sous-tend la trame du roman entraîne le lecteur dans un entrelac serré d'interrogations infinies sur l'art et la création, la jeunesse et la beauté, le bien et le mal, la recherche du plaisir et la pureté, la religion et la mort, qui souvent s'illustrent par une abondance d'aphorismes et de formules implacables (Un peu trop parfois à mon goût). Terriblement désenchantée, cruelle (pour les femmes !) et sombre, le plus souvent portée par la voix de lord Henry, cette réflexion est sans doute aussi une manière virulente de répondre à l'hypocrisie, au mépris et à la pudibonderie de la société victorienne contemporaine dans laquelle Oscar Wilde évoluait. le livre fit scandale à sa parution en 1890.

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Le portrait de Dorian Gray écrit par Oscar Wilde est à la fin du 19e siècle ce que fut, par exemple, 99 F de Frédéric Beigbeder à la fin du 20e siècle. Même goût pour la vie mondaine, frivolité revendiquée –le nom du personnage est inspiré d'un véritable « Gray » qu'Oscar Wilde essayait d'emballer- et attitude de nonchalance savamment étudiée : voici les caractéristiques des mirliflores, d'un siècle à un autre. Littérairement parlant ? On aurait plutôt tendance à louer la fluidité sophistiquée de l'écriture d'Oscar Wilde au détriment du style moins recherché de Beigbeder, mais ce dernier aurait-il passé plus de temps à peaufiner son roman, n'aurait-il pas lui aussi atteint une noblesse d'écriture qui fait défaut au roman dandy du 20e siècle ? Bien que le Portrait de Dorian Gray glisse onctueusement des pages exquises sous le palais de son lecteur, son écriture demanda des efforts considérables de la part de son auteur. Oscar Wilde frise parfois le plagiat et quelques-unes de ses plus belles réflexions sont directement extraites de ses sources d'inspiration majeures, Walter Pater et John Ruskin en tête. Et puis alors ? le résultat est là : le portrait de Dorian Gray est un condensé de pensées profondes et essentielles qui se lit avec l'aisance d'un roman de gare –aphorismes d'humour noir tissés et reliés par la trame d'une fiction. Avec l'habilité d'un publicitaire avant l'heure, Oscar Wilde condense l'idée. Elle se boit pure et d'une traite, dans un verre en cristal qu'on tiendra le petit doigt en l'air.


« Qu'est-ce qu'un rapport humain aujourd'hui? Il afflige par sa pauvreté. |...] Rencontrer quelqu'un devrait constituer un événement. Cela devrait bouleverser autant qu'un ermite apercevant un anachorète à l'horizon de son désert après quarante jours de solitude »


Toute l'ambivalence du roman tourne autour de cette idée. Ses personnages sont des âmes exaltées, capables des plus vifs enthousiasmes pour ceux qu'ils imaginent être les plus intéressants. Toutefois, la loi de la sélection est dure et n'élit qu'un ou deux privilégiés parmi la masse insignifiante et médiocre des êtres humains qui constituent l'environnement direct de chacun. Cette exigence de l'autre toujours déçue permet à Oscar Wilde de manier le cynisme et de peaufiner son art de la réplique à l'extrême. En parlant de son roman, l'auteur écrivait : « je crains qu'il ne ressemble beaucoup à ma propre vie : tout en conversation et pas d'action ». Oscar Wilde ne s'était pas trompé, mais la conversation remplace l'action et parvient souvent à la transcender en divulguant des images plus marquantes et éternelles, là où l'action aurait peut-être seulement eu une efficacité éphémère. La réflexion esthétique qui cherche à s'accaparer les premiers plans de la thématiques du Portrait sous-tend en réalité cette quête effrénée de l'âme soeur : l'art peut alors se présenter en substitut mineur à la relation idéale ; l'art devient relation narcissique de soi aimant ses propres passions. A la fin du 20e siècle, Frédéric Beigbeder nous montrera que la société de consommation constitue une autre issue de secours. La facilité en plus. C'est d'ailleurs ce qui distingue le mieux les deux romans : si le Portrait de Dorian Gray relève du bijou tandis que 99F emprunte ses termes au prospectus publicitaire, sans doute faut-il en imputer le mérite à une époque moins désenchantée qui n'était pas encore définitivement guérie de « l'art pour l'art » et qui s'échinait à lui rendre un digne hommage. Lorsque la beauté de forme ne peut s'accompagner que du renouvellement de la beauté de fond, liée au paradoxe et aux idées de décadence, le Portrait de Dorian Gray devient figure-même de la dégénérescence. En apprécie-t-on les modalités ? A-t-on envie de s'exclamer au génie à chaque page tournée ? de longs et heureux jours attendent encore la décadence…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Que dire d'innovant sur ce roman ??

Je l'avais lu à l'adolescence et m'étais beaucoup attachée à l'histoire.
Quelques 25 ans plus tard, j'ai eu envie de le relire à la lumière de ce que je connais de l'auteur et de la sagesse acquise au fil du temps (on se console comme on peut).

Surprise : bien que plus attentive aux aphorismes bien connus hors contexte et la mise en perspective de la vie d'Oscar Wilde, j'ai été reprise par la force narrative d'autant plus que je ne me souvenais pas de la fin.
Ce que je prenais pour un prétexte est en fait une interprétation du mythe de l'éternelle jeunesse.
De ce point de vue, il est à lire effectivement à toutes les grandes étapes de notre vie et permet d'apprécier à leur juste valeur les marques du temps :-))
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