Manifeste esthétique, l'art dégagé de toute éthique, finalement un récit moral ?
L'art, est-il moral ? L'art, a-t-il besoin de moralité ? Qu'est-ce que c'est la moralité de l'art ? l'usage parfait d'un moyen imparfait ? Mais rien n'est parfait !! Dorian Gray, livre poison, livre immoral, amoral, livre esthétique ou livre piège ? Tout y est.
Les temps changent, les critiques et les opinions sur une création aussi. Leur diversité confirme que cette oeuvre est nouvelle, complexe, viable, et qu'elle résiste au passage du temps.
L'intelligence, l'esprit et le style ne manquent pas dans l'oeuvre
De Wilde, ils y abondent même.
Le Portrait de Dorian Gray en est une belle illustration, avec cette défense, assez contradictoire d'ailleurs, de la séparation de l'esthétique et de l'éthique, la première étant considérée comme supérieure à la seconde.
Qu'est-ce que c'est la vérité dans la création ? le style, a l'air de dire Wilde. L'art ne doit se faire le reflet de "l'humeur du temps, de l'esprit de l'époque, des conditions morales et sociales qui l'entourent", nous dit-il encore. Et pourtant chaque style est le reflet d'une époque, avec tout ce qu'il a comme héritage du passé, comme influences, comme audace intemporelle.
Dans
le Portrait de Dorian Gray, Lord Henry affirme que "Seuls les gens superficiels ne jugent pas sur les apparences.", pour que Wilde affirme plus tard, dans de Profundis, la période de son emprisonnement, que "le crime, c'est d'être superficiel."
La deuxième esthétique ne s'inscrit pas en faux envers la première, elle la révèle plutôt. le dandy et son masque, une superficialité, osent dire certains. Oui, mais
Oscar Wilde est un esprit puissant et cultivé, et les conflits, il les présente d'une façon plus ou moins dissimulé. Il y a toujours comme une interrogation dans chaque affirmation.
Roman fantastique et philosophique,
le Portrait de Dorian Gray met sur la scène ce jeune et beau dandy, orgueilleux et superficiel, tellement amoureux de son portrait peint qu'il fait un pacte pour garder éternellement la jeunesse et la beauté. En échange, son vieillissement et sa part d'ombre seront pris par l'image de la toile au fil des années.
Ombre et lumière, illusion et réalité, narcissisme, hédonisme, décadence fin de siècle, éternité de la beauté, mais quelle beauté ? Les thèmes sont nombreux et tous restent ouverts aux analyses, critiques et interprétations que le passage du temps multiplie et nourrit.
Le portrait devient miroir, et le temps rend le reflet couperet, aussi inflexible qu'une condamnation à mort. L'âme est malade, le corps se flétrit, dépérit, esprit et matière, chacun marquant l'autre avec autant de force, autant de désastres, définitifs. Pacte faustien, damnation éternelle.
Recherche inconsciente, non avouée, d'un certain équilibre, aussi fragile soit-il, entre l'âme et le corps, qui pourrait donner une certaine harmonie, passagère mais indispensable à notre vie.
Roman-oxymore où le clair-obscur règne, une certaine ambiguïté aussi dans les affirmations et les discours des personnages, sans oublier la coexistence des extrêmes, esthétiques et morales. D'ailleurs y-a-t-il eu des frontières nettes ?
Le roman est fantastique, aucunement moraliste, Wilde se garde bien de trancher ou de définir clairement le mal ou le bien, qui pourrait le faire ?, ou la place de la vérité, si jamais elle était précise, et depuis plus d'un siècle cette histoire vit librement, ouverte à toutes les interprétations, et critiques, mêmes à certains jugements. Elle les défie tous !