Mule blanche

Le plus vieux des enfants semblait être un garçon de dix ans environ, maigre et brun, avec des yeux gris comme sa mère, plongé dans la lecture d'un vieux morceau de journal quand Joe était entré. Après avoir apporté la chaise, il était retourné à sa lecture et semblait ne prêter aucune attention au visiteur, mais Joe voyait bien, à la façon dont il levait les yeux de temps en temps, comme il suivait attentivement tout ce qui se disait. Il y avait deux fillettes d'environ cinq ou six ans, plus blondes, aux cheveux en désordre, un autre garçon, qui avait dans les trois ans peut-être, au visage difficilement reconnaissable tant il était barbouillé, et une petit fille que Joe reconnut pour telle parce qu'elle n'avait sur elle qu'une chemise qui lui arrivait au nombril et une paire de chaussures dépenaillées.
Ce bambin ravissant et potelé s'approcha aussitôt du visiteur en titubant, une cuiller à la main. Elle avançait avec hésitation, en se balançant, à l'insu de sa mère, mais resta en équilibre sur ses jambes robustes jusqu'à ce qu'elle atterrît en plein sur les genoux de Joe et levât les yeux en poussant des roucoulements.
Aussitôt la mère s'en saisit et la mit dans une caisse sciée près de la fenêtre et avec une serviette humectée alla essuyer le genou de Joe.
Oh, ne vous faites pas de souci, dit Joe tout en plongeant carrément son regard entre ses seins — impossible de faire autrement —, à nouveau frappé par l'incroyable blancheur de sa peau. Chose admirable. Chose extraordinaire. Il avait entendu dire que les Irlandaises avaient parfois la peau comme ça, quoique souvent, trop souvent, couvertes de taches de rousseur.

Chapitre XII : UNE VISITE.