On retrouve nos fables exilés dans notre monde à peu près là où on les a laissés à la fin du premier volume, et l'action ne tarde pas à démarrer, à peine l'album ouvert, quelques cases pour se moquer de Jack, et on embarque avec Blanche Neige et Rose Rouge pour la visite annuelle à la fameuse Ferme dont nous avions entendu parler durant le premier volet.
Un voyage qui va d'abord être particulièrement ennuyant pour Rose Rouge, mais qui ne tardera pas à tourner au vinaigre avec la découverte d'un complot à la ferme et de l'existence d'un véritable groupe paramilitaire complètement inconscient, et surtout armé jusqu'aux dents, et dirigé par des illuminés, comme la majorité de ces groupes.
Le précédent album nous avait servi une enquête policière qui fleurait bon la poussière d'il y a quelques décennies, mais celui-ci prend plutôt des airs de thriller arrosé d'une bonne dose d'action. Un thème radicalement différent mais, néanmoins, parfaitement mené, encore une fois, qui nous prouve le talent de
Bill Willingham ; d'autant plus que ce dernier a eu la bonne idée d'assaisonner sa trame principale de références à la ferme des animaux, ce qui fait de cet album une petite pépite scénaristique quand on y ajoute tous les fables qui continuent à pleuvoir du Livre de la Jungle à Alice au Pays des Merveilles en passant par Tom Pouce, le Chat Botté, ou encore Boucle d'Or, c'est un vrai régal, et il y en a tellement que cela va à cent à l'heure, et qu'il est dur de toutes les attraper dès la première lecture.
Pour ne rien gâcher la conclusion est excellente, et les nouvelles ouvertures promettent réellement, d'autant que le background se retrouve ainsi à avancer, alors que rendu à ce point, on pensait qu'il n'y aurait pas d'ajout à celui-ci durant cet arc.
Le bât blesse au niveau (bis repetita...) des dessins. Pourtant, le dessinateur a changé et les visages y ont gagné en expression, mais le problème c'est qu'ils changent sans arrêt de morphologie. Visage long, rond, en triangle, menton proéminent, pas de menton, etc... On peut retrouver toutes ces caractéristiques et d'autres encore dans le visage d'un seul personnage au fil de l'album ; et c'est bien dommage car les versions de
Mark Buckingham de Blanche Neige et Rose Rouge ont gagné une fluidité dans les traits et une véritable vie, mais avoir tant de changements au fil de l'oeuvre montre que le dessinateur a bien du mal à maîtriser les changements de plans. Certes, certains me diront que c'est un style graphique dans un certain nombre de BD, mais ici le style est resté le même que dans le précédent album, et, de fait, le passage d'expression par des déformations totales (si c'était le but recherché) jure totalement dans l'ensemble.
Sinon, les décors sont réellement beaux, Buckingham excelle dans les plans larges et se complaît à cacher plein de petits détails qui font qu'on passe plus de temps que de raison sur chaque planche ; un véritable enchantement sur ce point.
Pour la conclusion, je me vois obligé de spoiler un peu.
Une fois dépassé le plaisir des références, cette histoire porte quand même un tout autre message, et les références à la ferme des animaux ne sont pas innocentes, ou juste pour l'amusement de la galerie.
Dans tout groupe, il y a des frustrations ; les décisions des puissants (la direction, le gouvernement,...) y sont parfois mal supportées, à tort ou à raison, mais ce dont on peut être sûr c'est que neuf fois sur dix, ceux qui gueulent le plus fort seront les premiers à profiter de leur nouvelle position dominante de leader pour en abuser. le parallèle des cochons est bien facile et suit celui de la ferme des animaux, mais il y a aussi celui de Boucle d'or qui est plus subtile, et pourtant, Ô combien, d'actualité quand tous les jours il y a de nouveaux groupes, soit-disant, défenseurs des libertés individuelles, de l'environnement, de la démocratie, du peuple (rayez les mentions inutiles, ou encore sentez vous libres d'en ajouter...) ; groupes menés par des forts en gueule qui prônent souvent le recours à la force de façon plus ou mon subtile, selon l'exposition médiatique.
Avant d'être tenté par les extrêmes ou de se laisser charmer par les sirènes d'un nouveau Snowden, tout un chacun ferait bien de jeter un oeil à ce deuxième arc de Fables, et de se demander ce que ceux qui mènent ces groupes, ou se présentent comme des héros/victimes, ont à y gagner...
En fin de compte, un album (ou arc, selon qu'on compte en parution de comics ou en parution reliée européenne...) qui confirme la qualité du scénario et fidélise réellement le lecteur, à condition de ne pas être rebuté par les défauts graphiques. Pour ma part, je vais continuer, mais j'enlève deux étoiles pour les problèmes graphiques car ils sont vraiment trop nombreux et gênants pour n'être pénalisés que par une seule étoile.