Le Pérugin quitta de bonne heure son pays pour s'établir à Florence, où il fut d'abord si dénué de ressources qu'il dut, si l'on en croit la légende, coucher dans un coffre, faute de lit. Mais son talent, fortifié par les leçons de Verrocchio et l'exemple de son compagnon d'atelier Léonard de Vinci, le rendit vite très célèbre. Il fut appelé à Rome, puis revint à Pérouse, et s'installa de nouveau à Florence en 1504.
Le Louvre possède, en outre de la Joconde, un second portrait de Léonard : c'est une jeune femme, vêtue d'une robe rouge avec des nœuds aux épaules, et qui a les cheveux retenus sur le front par un cordonnet orné d'un bijou. On a cru trouver clans ce portrait l'image d'une favorite de François Ier, la Belle Féronnière, et ce nom est resté au tableau. Il est cependant plus probable que l'oeuvre du Vinci représente la favorite de Ludovic Sforza, Lucrezia Crivelli. Mais qu'importent vraiment de tels problèmes devant un tableau comme celui-là! La Belle Féronnière, clans un genre tout différent, égale la Joconde. Ce n'est plus une composition, un ensemble où le visage apparaît rehaussé par les étranges détails du milieu qui l'entoure et s'harmonise avec lui. Un portrait, et rien de plus : mais le dessin est d'une sûreté, d'une finesse prodigieuses; et jamais peut-être Léonard n'a peint une expression plus vive et plus inquiétante que celle de cette pâle figure au regard profond.
Léonard s'est exercé clans tous les genres de peinture. Il a fait des tableaux à la détrempe, des tableaux à l'huile. Il a inventé et essayé une foule de procédés dont il a emporté les recettes avec lui. Il a également peint des fresques : mais la plupart ont été détruites, et il n'est guère resté qu'une grande Cène exécutée sur le mur du réfectoire d'un couvent de Milan. Encore ce merveilleux ouvrage est-il aujourd'hui dans un état de dégradation lamentable.
Vers le milieu du quinzième siècle, un peintre italien, ANTONELLO DE MESSINE, introduisit dans l'art de son pays un procédé nouveau, la peinture à l'huile, qui venait d'être inventé ou plutôt perfectionné et mis en pleine valeur par les peintres flamands HUBERT et JEAN VAN EYCK (1420). La peinture à l'huile avait l'incomparable avantage cle rendre possible et facile la transparence des couleurs. Aussi les peintres cle l'Italie ne tardèrent-ils pas à l'adopter, et dès la fin du quinzième siècle le nombre des peintures à la détrempe alla décroissant. La peinture à fresque tarda davantage à disparaître : Raphaël, Léonard cle Vinci, Michel-Ange, eurent plus d'une fois l'occasion de peindre des fresques; mais de plus en plus le tableau à l'huile devint le genre préféré. Il offrait à l'artiste des facilités bien plus grandes, et comportait une perfection bien supérieure.
Nous devons rapprocher du Pérugin un peintre de Bologne, qui, sans avoir son talent, a laissé plusieurs ouvrages remarquables, et dont la manière rappelle par plus d'un point celle de l'École de Pérouse, FRANCESCO RAIBOLINI, dit LE FRANCIA (1450-1517). D'abord graveur en médailles, puis orfèvre, le Francia ne s'adonna à la peinture que dans un âge assez avancé. Pour montrer qu'il avait un respect égal de son métier d'orfèvre et de son métier de peintre, il signait ses pièces d'orfèvrerie : Francia piclor, et ses tableaux : Francia aurifaber. Il eut, lui aussi, des relations amicales avec le jeune Raphaël, qui professait pour lui une vive estime, le consultait, lui écrivait souvent, et le pria même un jour, dit-on, de corriger l'un de ses tableaux les plus célèbres, la Sainte Cécile.