Fennec

On retrouve le style du dessin de Yoan utilisé dans Toto l'Ornithorynque, un travail de la matière en peinture et peu de contours, un peu moins coloré, normal, on est dans le désert. Pour régler leur compte au serpents, Fennec voudrait s'emparer du collier du shaman. Il va partir dans une quête à travers le désert et la savane, y faire de nombreuses rencontres. C'est une fable animalière, mais elle n'a rien d'idyllique et moralisatrice. Fennec est tout mignon avec ses grandes oreilles, mais en réalité, il ne possède pas le moindre scrupule pour arriver à ses fins, cette fable est pleine d'horreur, de mauvaise foi, d'hypocrisie et de méchanceté, et la morale ne s'en sortira pas sauve, le fennec par contre… Drôle et sarcastique, une fable d'humour noir savoureuse et immorale.

Point de méprise ! Cette tout innocente couverture ne dissimule ni une fable animalière pour enfants ni une tentative de vulgarisation pédagogique sur la vie du vulpes zerdas. Et si ce petit mignon rouquin de fennec, car c'est bien de lui qu'il s'agit, est le héros principal d'un voyage (faussement) initiatique, oubliez les paroles moralisatrices ou les enseignements plein de sagesse. Ici, c'est l'humour grinçant et acide qui règne en maître.

Au travers de strips de quatre à six cases, on suit le périple de notre sympathique et non moins cruel nouvel ami aux longues étiquettes. de péripéties en rencontres, c'est toute une galerie animale qui nous est donnée à découvrir. Et bien que les protagonistes soient doués de parole, Lewis Trondheim prend le contre-pied d'un anthropomorphisme tentant en nous les livrant dans leur plus simple appareil bestial et intellectuel, les exhibant plus Bête qu'ils ne sont bêtes. Autant dire que c'est la loi de l'instinct naturel qui prédomine. On tue, on bouffe ou l'on se fait bouffer ! Et comme si les règles de la chaîne alimentaire n'étaient déjà pas assez rudes, on a droit à une couche de cynisme supplémentaire sur cette succulente toile de fond où s'enchaînent les gags efficaces. On glisse de la répartie cinglante à la situation absurde en passant joyeusement par le pipi-caca, le tout pataugeant, pour notre meilleur plaisir, dans le crétinisme, l'irrévérencieux ou la méchanceté gratuite.

Le décalage apporté par le trait de Yoann en est d'autant plus savoureux. Ses aquarelles sont réellement superbes. Dans des tons pastel, fins et légers, il croque sa nombreuse ménagerie en caricatures subtiles, mélanges de beauté et d'élégance qui préservent néanmoins tout le potentiel burlesque de l'oeuvre. Les décors sont sobres, voire quasi absents, mais habilement suggérés par d'intelligentes variations de couleurs et d'ambiances. Un délice.

On veut une suite !

Le premier livre ramene par ma fille de l'ecole pour cette rentree et la premiere BD (je n'aime pas trop ce genre). Pourquoi lire Fennec ? En voyant ma fille rire en le lisant et parce que cet animal est originaire de mon pays et puis ses yeux sont IRRISISTIBLES !
Fennec est drole et tout en sagesse !
Une bonne petite pause lecture !

Une aventure initiatique où l'on n'apprend rien, en effet. Pas de morale, juste un regard cynique sur le monde, les lois de la nature et la cruauté humaine - bien que ce soient des animaux qui parlent. Il faudrait inventer un mot pour définir le mode d'expression des personnages. Comme "anachronisme", mais avec un décalage non pas dans le temps mais entre les espèces. "Anaspécisme" ? Pour dire que ce n'est pas de l'anthropomorphisme habituel, juste des propos humains placés dans la bouche d'animaux, créant un effet comique et faisant naître une signification nouvelle. Exemple : le singe qui prend un bout de bâton et s'en sert pour faire fuir les serpents. le fennec, voyant ça, lui dit : "si j'avais tes mains, je pourrais dominer le monde".
Bref, cette histoire est beaucoup moins gentillette qu'elle n'y paraît, mais elle est surtout très drôle. Ces constants anaspécismes, donc, entre les animaux à l'état de nature et leurs réflexions souvent dignes des pires êtres humains, avec des dialogues savoureux sur des dessins à l'aquarelle assez trompeurs, par leur côté un peu enfantin, font de cet album une très bonne lecture, que je recommande à tous.

Une délicieuse bande dessinée signée de la plume sarcastique de Trondheim et sous le ravissant trait de Yoann Chivard qui concoctent tout deux un parfait cocktail pour petits et grands. Sous de faux airs de quête vagabonde et par le biais d'un humour piquant, les auteurs dénoncent la rosserie et la bêtise dont peuvent faire preuve les êtres vivants. On s'attache rapidement au fennec sous son masque d'anti-héros et aux personnages qui l'accompagnent dans cette aventure malheureusement trop vite dévorée ! Une belle découverte.