Ce livre est un pamphlet réactionnaire, il promeut le retour à l'ordre et dénonce le libéralisme économique et culturel. Ce libéralisme est selon Zemmour la cause de tous les maux de la société. Cet essai n'est donc pas très argumenté, les exemples choisis ne sont pas toujours convaincants. Par exemple quand il dit : « Avec le voile, puis plus tard le hijab, ces
femmes rejettent l'injonction du désir, l'aliénation du consumérisme, et pour tout dire la loi du marché. » A mon avis c'est mal connaître les
femmes voilées. J'en croise souvent à la bibliothèque de mon quartier. L'une cherchait 50 nuances de Grey,
l'autre lisait Gazelle un magazine féminin pour
femmes maghrébines... le problème d'
Eric Zemmour c'est qu'il a une pensée parfois simpliste, binaire, manichéenne. Mais c'est aussi un atout que d'avoir cet esprit de synthèse qui fait de ce gros bouquin une bible, une introduction à la critique de la société moderne. Je l'ai lu dans l'ordre chronologique, j'aurais pu le lire dans l'ordre antéchronologique ou mieux : de manière thématique. le problème c'est que les titres des chapitres sont souvent peu clairs. Comment savoir que «
Verlaine et
Van Gogh » s'intéresse à la création du RMI ? Ces titres sont aussi formés de dates, historiques ou anecdotiques ; celles de la promulgation d'une loi, de la sortie d'un disque, d'un ordinateur ou encore de l'ouverture d'un hypermarché. Les passages sur l'évolution des moeurs et les questions sociales sont ceux qui m'ont le plus intéressé : la mort du père de famille, les lois Pleven et Evin, les homosexuels, l'anti-racisme, le divorce, la TV (Dallas, Hélène et les garçons et Canal +),
Coluche et le charity business, les alter-mondialistes et les écolos, Paris et les ville-mondes mais aussi l'intégration et la jeunesse. Il faut dire que l'auteur a le sens de la formule. Et il n'hésite pas à reprendre celles des autres. Ce livre est donc un plaisir pour celui qui comme moi aime surligner des passages. Il y a plein de références, des auteurs qui ont influencé la pensée zemmourienne comme Christopher Lash ou
Jean-Claude Michéa et également des auteurs d'extrême gauche comme
Anne Clerval qui a écris un bouquin récent et intéressant mais très partisan sur la gentrification de Paris. Zemmour a le sens du slogan marketing, à l'instar du titre choc de son ouvrage. Les idées défendues sont clairement traditionnelles : travail, famille, patrie. Elles sont parfois assez extrêmes mais plus par bêtise que par méchanceté comme quand il critique la loi contre l'avortement en avançant l'argument démographique...
Pour conclure, ce que je voulais vraiment dire concernant ce texte, c'est qu'il est très bien écrit. le vocabulaire est riche, un peu vieilli même. Il faut dire que l'auteur est féru d'histoire. A ce propos, une solide culture historique et politique est requise. J'ai eu du mal avec de nombreux chapitres, j'en ai même passé plusieurs. Pour résumer je dirais que c'est plus une réussite sur la forme que sur le fond. J'ai l'impression qu'on retrouve un peu ici le talent de ses (très écrites) chroniques radio. Etant donné que l'écrivain s'exprime bien mieux à l'écrit à l'oral, ce livre est donc le livre à lire pour qui s'intéresse à la pensée « zemmourienne ». J'ai vraiment adoré son concept : un essai qui refait l'histoire de ces dernières décennies, la grande et la petite, avec une approche multi-disciplinaire. On peut au moins lire les chapitres qui nous intéressent le plus ou ceux qui correspondent à certaines années importantes pour nous (naissance, enfance, moments marquants comme la victoire en coupe du monde de foot en 1998). C'est ce que je referais avec plaisir.