Dans ce livre
Stefan Zweig se propose de nous retracer l'histoire d'
Amerigo Vespucci et du nom qu'il a laissé à la postérité au continent américain.
Alors bien sûr sa plume et toujours aussi belle, fluide et évocatrice mais décidément, comme avec son
Montaigne que j'ai lu récemment, bien que Stefan soit mon auteur préféré que je l'apprécie de tout mon coeur, pour les non-fiction ça ne colle vraiment pas… Peut être suis-je trop grande fan d'histoire et par conséquent habituée à une certaine « rigueur » ? Car chaque fois que je lis un essai historique je cherche rigueur et précision, or la il n'en avait assez peu.
L'ouvrage tourne énormément en rond, ressassant les hypothèses et nombreux malentendus, erreurs et quiproquos, je comprends que ce soit nécessaire de revenir dessus car il fonde son essai justement sur les couacs qui ont parsemés le chemin de cette destinée, mais malheureusement j'ai trouvé que l'on se noyait totalement dans les circonvolutions.
J'ai trouvé aussi embêtant le fait qu'il cite pas mal de documents mais qu'on ne les trouve pas en annexes comme dans tous
les essais d'histoire… Pour ce point je ne sais pas si la faute est à Zweig ou bien à Livre de poche.
Ensuite, encore comme avec son
Montaigne, j'ai trouvé la présence de l'analyse psychologique trop lourde et inopportune.
Mais ce qui a été le plus fâcheux dans ce livre c'est que l'analyse de Zweig va l'encontre des dernières informations notamment par Michelle Lequenne que j'ai lu dans «
Christophe Colomb : Amiral de la mer Océane» où il parle clairement d'une lettre de Colomb, restée longtemps dans l'oubli, mais revenue à la surface trois siècles plus tard, où le navigateur évoque explicitement une nouvelle terre. Donc selon Lequenne il avait compris, au bout d'un certain moment, qu'il découvrait quelque chose de nouveau. Or Zweig en 1942 n'a visiblement pas eu accès à cette lettre — à cause de l'exil ? par ignorance ? —, donc on se retrouve avec une analyse des faits plutôt incomplète, voire erronée, et c'est très dommage. Sachant que le sujet des explorateurs et des grandes découvertes est un sujet déjà entouré de nombreux mystères et qui depuis des siècles prête souvent à controverses et confusion, c'est pourquoi je préfère, et je trouve qu'il vaut mieux, lire les recherches les plus récentes en la matière afin d'avoir toutes les infos vérifiées et sourcées d'aujourd'hui.
Lequenne parle également de
Amerigo dans l'un de ses livres ; "Colomb contre ses mythes"" dont les extraits sont mis en annexe de "
Christophe Colomb amiral de la mer Océane" et dedans il y défait point par point les mensonges et erreurs de Vespucci et d'ensuite démontrer une nouvelle fois que Vespucci tenait son jugement d'une nouvelle terre par Colomb lui même.
« [Vespucci] prit-il conscience le premier de ce que la terre ferme qu'ils abordèrent était un continent encore inconnu ? Il l'écrit en 1502, et Colomb en 1498. Mais le Mundus Novus de Vespucci fut publié, tandis que les textes de Colomb ne furent pas, ce qui fit du premier le parrain de l'Amérique »
La découverte de l'Amérique est un sujet, on le constate, éminemment complexe et semé de zones d'ombre, Lequenne ne les cache pas, et je conseille vraiment la lecture de son ouvrage chez Gallimard Découvertes à ceux que ça intéresse car il y expliques les choses clairement et les annexes sont riches en écrits modernes ou contemporains sur le sujet.
Bref, une chose est sûre la thématique des explorateurs est extrêmement tortueuse et délicate — mais ô combien passionnante —, et c'est bien pour ça que je préfère avant que faire ce peut rester sur des lectures récentes.
Et ce qui est malheureusement sûr aussi, c'est que j'ai vraiment du mal avec les recettes des fictions (psychologie et circonvolutions) appliquées aux essai historiques...désolée Stefan !