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J'aime beaucoup les nouvelles de Stefan Zweig et j'étais curieuse de découvrir un peu son parcours. Et c'était vraiment très intéressant ! C'est un autrichien privilégié qui va connaitre deux guerres mais aussi être témoin de la montée du fascisme et du nazisme. Et de ce fait son récit est vraiment prenant, c'est un témoignage fascinant d'évènements mondiaux comme ce jour où il apprend pratiquement en maillot de bain sur une plage belge l'entrée de son pays dans la première guerre mondiale. J'avais hâte à chaque fois de savoir comment il avait vécu tel ou tel évènement, il décrit bien l'ambiance du moment et cela diffère souvent avec ce que je pouvais imaginer. il livre par contre peu de choses sur sa vie intime, ses deux femmes sont à peine évoquées, tout comme la réaction de sa famille sur les tensions en Autriche. En tout cas c'est riche en anecdotes et en informations historiques sur une époque assez large qui va du tout début du XXéme siècle à la deuxième guerre mondiale. On y croise de nombreux artistes, écrivains, hommes politiques dont il était proche et on se dit le monde est petit pour celui qui peut voyager aussi facilement. C'est fascinant, poignant de revisiter des évènements de son point de vue. Cela me donne envie d'enchainer sur une petite biographie de lui.
Pioche dans ma PAL Février 2023
Challenge pavés 2023
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Ecrit en exil, au Brésil, peu de temps avant la mort de son auteur par suicide, cet ouvrage n'a rien d'un testament littéraire, non c'est avant tout la re-création du monde d'avant de Stefan Zweig.
Un monde perdu, fantasmé, sans doute magnifié, voire transfiguré, par le filtre des souvenirs du narrateur, celui de la fin du 19è et du début du 20è siècle. La douce vie dans la Vienne impériale. le monde de tous les espoirs, un monde où la jeunesse commençait à se sentir exister en dehors des carcans imposés au 19è siècle .... c'est celui de Stefan Zweig, le monde de sa jeunesse, plein d'enthousiasme, joyeux des promesses que le début de l'industrialisation laissait espérer..... le téléphone, le cinéma, l'automobile, et au delà l'espoir d'une vie plus facile dans un monde si nouveau que les esprits novateurs se prenaient à rêver en inventant de nouvelles formes d'expression littéraires, picturales, architecturales ...
Bien sûr ces jeunes gens n'étaient pas dénués d'arrogance intellectuelle, mais ils portaient en eux une telle fièvre de nouveauté, tant de certitude de vie meilleure ...
C'est ce monde là, embelli par le souvenir de folles illusions, que Stefan Zweig fait revivre pour nous, lecteurs d'aujourd'hui. Et il le fait avec une telle ardeur, un style exaltant, un tel talent de conteur se situant bien au delà de la norme habituelle que le lecteur a l'impression que ce passé redevient tout à coup présent par la magie d'un verbe inspiré.
Alors, tout à coup on fréquente avec émotion ... Hugo von Hoffmannsthal, Rainer Maria Rilke, Emile Verhaeren, Romain Rolland, Auguste Rodin, Sigmund Freud, Richard Strauss ..... et bien d'autres, toutes sommités intellectuelles et artistiques, que Stefan Zweig a pu côtoyer, dont il s'est fait des amis et qu'il fait revivre par le biais de portraits précis, ardents, saisissant de réalisme, transcrivant avec amour et respect ce qu'il pressent du tempérament de chacun. A ce titre, la rencontre avec Auguste Rodin, et la visite de l'atelier du Maître donne à lire et à vivre la fascinante expérience de l'homme en pleine concentration créatrice, lorsque Rodin apporte par petites touches et retouches une amélioration à l'oeuvre en cours, laissant Stefan Zweig pantois et muet de saisissement et d'admiration.

Par ailleurs, l'intelligence aiguë de l'auteur, dénué d'esprit politique mais animé d'un vibrant sens critique, lui permet aussi de décrypter impitoyablement son époque. Il en délivre une analyse précise, incisive, non seulement de celle de sa jeunesse, mais aussi de celle de la première guerre mondiale et surtout de l'après-guerre, d'abord emplie d'espoir mais peu à peu entachée par l'inexorable montée des nationalismes, surtout après la crise financière de 1929. Alors il développe une puissante et terrifiante étude de la montée de l'hitlérisme en Allemagne, puis en Autriche, développant les minuscules mais inexorables avancées de la marche forcée vers le cataclysme mondial .

Stefan Zweig, dont la fibre européenne ne supporte pas les nationalismes étroits prônant le repli sur soi-même, ressent très rapidement quelle horreur peut naître de la situation européenne à l'avènement d'Hitler, se sent dans l'obligation de fuir son Autriche natale et devient donc apatride et sans espoir, tant la destruction du monde qu'il a connu lui paraît sans remède.
Vous l'aurez compris, cet ouvrage est un incomparable témoignage de la première partie du 20è siècle. Remarquablement rédigé, il offre une vision, certes limitée par le regard d'un unique individu, mais également transcendée par l'intelligence visionnaire de son auteur.

Modestement, Stefan Zweig ne met jamais sa personne en avant, en dehors de quelques souvenirs d'enfance et d'adolescence, ne nous dit pratiquement rien de son oeuvre, mais la lecture de cet ouvrage ne peut qu'inciter le lecteur à la découvrir, tant ces "Souvenirs d'un européen" éclatent de talent.
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Certains imaginent le monde de demain, et moi je lis le monde d'hier!
Aucune contradiction là-dedans. Nous avons là un témoignage pour aujourd'hui et pour demain. Même s'il faut faire le tri. L'idée sans doute la plus évidente, c'est la nécessité vitale d'institution européenne, malgré les imperfections et souvent l'impuissance des institutions actuelles.
Mais ce livre testament de Zweig est d'abord un grand livre. Même en traduction, on sent cette prose superbe, fluide, polie, qui coule de source.
Et puis on y approche des personnages des débuts du 20e siècle, comme Romain Rolland, Émile Verhaeren ou Rainer Maria Rilke. Zweig nous fait sentir les époques qu'il traverse, depuis l'Empire austro-hongrois jusqu'aux prémisses du nazisme en Autriche.
On y apprend beaucoup aussi sur Zweig lui-même, les lignes directrices de sa pensée, ses rencontres, ses sentiments. Il est pourtant extrêmement pudique sur sa vie personnelle. Ses épouses ne sont jamais nommées!
Et sa vie est pétrie de contradictions, qui éclatent dans ces souvenirs.
La première est l'éloge de l'Empire austro-hongrois, dont il critique pourtant le caractère suranné, notamment dans l'éducation et les rapports entre les sexes.
Zweig ne voit pas la misère ouvrière, ou alors sous l'angle de l'amélioration due aux progrès libéraux. Il est pourtant touché par les conditions terribles des soldats de 14-18 et va au-devant d'eux pour se rendre compte par lui-même. Mais c'est plus son pacifisme que la fibre sociale qui le guide. Quand il vante la liberté de circuler avant 1914, on ne peut s'empêcher d'ajouter qu'elle ne touchait que des classes privilégiées de la société. Les autres n'en avaient tout simplement pas les moyens. En revanche, quand il vilipende la nationalisme et le bellicisme, on ne peut que le suivre.
L'autre grande contradiction est qu'il ne pouvait qu'avoir une aversion profonde pour tout ce qui allait dans le sens du nazisme: antisémitisme, négation de la culture. Et pourtant il ne s'est jamais engagé contre les nazis, il ne semble pas avoir alerté quiconque. Et même à Londres, après 1934, il s'interdit de témoigner sur ce qu'il a constaté. Il dit s'être toujours tenu à l'écart des partis, ce que l'on peut comprendre. Mais ce n'est pas prendre une carte de parti que de lutter contre le nazisme, ne serait-ce que par des écrits ou même par une action humanitaire. Je serais intéressé à lire une bonne biographie de Zweig qui traite de ces questions.
Mais la principale qualité de cette autobiographie est de décrire la trajectoire d'un homme d'un extrême raffinement au sein d'une période de bouleversements radicaux et de violence extrême. Elle nous pose la question des limites de l'humanisme quand la sauvagerie se déchaîne.
Ce livre est une grande leçon de littérature et de vie. Même si finalement la vie n'a pas résisté.
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Ce n'est sans doute pas le livre le plus connu, sans doute pas le livre auquel on pense immédiatement quand on évoque le nom de Zweig, et pourtant c'est sans doute celui qui permet de mieux connaître Zweig, de connaître un peu plus l'homme, bien qu'il ne se livre que très peu, mais surtout le citoyen autrichien parcourant le monde, le penseur, ses interrogations, et enfin le réfugié fuyant pour sauver sa vie...
Au moment où il l'écrit en 1941, depuis le Brésil où il est réfugié, il n'est plus rien, plus personne: "Mon oeuvre littéraire, dans sa langue originelle, a été réduite en cendres, dans ce pays même où mes livres s'étaient fait des amis de millions de lecteurs. C'est ainsi que je n'ai plus ma place nulle part, étranger partout, hôte en mettant les choses au mieux ; même la vraie patrie que mon coeur s'est choisie, l'Europe, est perdue pour moi depuis que pour la seconde fois, courant au suicide, elle se déchire dans une guerre fratricide."
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis sa scolarité dans Vienne, ville de culture d'avant la première guerre mondiale, jusqu'à l'agonie de la paix, à la fin des années 30, Zweig décrit dans une quinzaine de chapitres thématiques, cette lente érosion des libertés, cette lente montée en puissance dans toute l'Europe de la violence, de l'antisémitisme féroce qui l'obligera à quitter l'Europe. Plusieurs autres thèmes sont évoqués depuis ses origines familiales, sa scolarité, les enseignants qu'il dût subir, en passant par ses premiers émois sexuels, Paris, la guerre de 14-18, Hitler, la Russie, Moscou, les rencontres qui marquèrent sa vie, sa proximité avec Romain Rolland, ses mariages, mais aussi les Etats-Unis où il se rendit..
"Le monde d'hier" est à la fois un livre de souvenirs de l'auteur, dans lequel il livre ses émotions, ses indignations, et également un formidable livre d'observations de plus de 40 ans d'Histoire du monde et surtout de l'Europe centrale, depuis les dernières années du XIXème siècle jusqu'à 1941, année au cours de laquelle le livre fut achevé, peu avant le suicide de l'auteur. Son monde s'est progressivement délité, et également libéré de bien de tabous. L'Europe de cet européen avant l'heure fut bousculée par des guerres meurtrières, son monde des dernières pages connaît d'autres extrémismes. Un grand bonheur pour tout amateur d'Histoire. Ce livre rédigé au Brésil, permet ainsi de mieux comprendre pourquoi l'auteur, désespéré en arriva à ce geste funeste aux côtés de sa nouvelle épouse.
N'espérez pas y trouver de nombreuses confidences personnelles sur sa vie, les siens, ses relations sauf celles avec d'autres intellectuels, notamment Romain Rolland, Bernard Shaw et H.G. Wells, sa vie d'auteur. Ce n'est pas le sujet essentiel.
On aurait apprécié que Zweig nous livre plus d'informations quant à la genèse de ses ouvrages, revienne sur son travail d'auteur préparant et rédigeant ses titres, les situant dans les époques. Ce n'était pas son propos. Il ne le fait pas, volontairement sans doute, préférant s'attacher à d'autres considérations sociologiques, politiques touchant l'évolution de l'Europe, la genèse de la violence qui bousculait ce monde jusqu'en 1941.
À plusieurs reprises, il évoque une question qui, sans doute le taraudait : d'ou venaient les uniformes neufs, les véhicules neufs des jeunes gens qui s'étaient engagés en Italie derrière Mussolini, ou ceux des jeunesses hitlériennes, alors qu'Hitler n'était pas encore chancelier ? Qui les avait financés ?
Cette question a été, depuis plusieurs fois posée sous d'autres cieux, d'autres latitudes, avec d'autres dirigeants politiques.
Le monde est un éternel recommencement...."Un monde d'hier" bien actuel.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Toujours très difficile d'accepter le changement du monde ! Surtout lorsqu'on y est privilégié. Accepter que nos valeurs ne soient plus partagées, deviennent obsolètes, comprendre de moins en moins ce qui nous entoure, avec le sentiment d'en être exclu, de ne plus faire partie de l'élite. je crois comprendre assez bien, toute proportion gardée, le ressenti de Zweig après la chute de l'empire Austro-hongrois, et l'émergence des nationalismes d'extrême droite. Je comprends qu'un intellectuel comme Zweig n'aie pu l'accepter. Ce livre peut agacer par les plaintes de l'auteur, mais c'est aussi un formidable livre d'histoire qui nous fait comprendre les grandes mutations de l'Europe du début du XXe siècle.
Peut-on faire le parallèle avec notre époque ? Je le pense. La dégradation du vécu est plus subtile car est moins le fruit de soubresauts et de heurts historiques, mais plus le résultat de dégradations de nos cadres de vie que la société nous impose sans que l'on n'y puisse rien changer. Fatalement, la longévité moyenne d'un homme - 70/80 ans - nous oblige à nous adapter à des mutations sociales non voulues. Zweig n'a pas voulu les subir. Je le comprends. Parfois, si nos pertes deviennent supérieures aux gains, on a toujours le choix de se retirer de la partie dignement !
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A travers cet ouvrage,Stefan Zweig nous fait part de ses grands rêves d'une Europe culturelle puissante,importante;il nous fait part de ses désirs de ses illusions et de ces désespoirs.
Voila un homme de talent qui a vécu les grands moments terribles du début du xxe siècle et qui était plein d'espoir grâce à toutes les fructueuses rencontres intellectuelles qu'il a pu vivre.Mais hélas tout son univers s'est effrondé,et il n'a rien pu faire face à la montée du nazisme;il n'a pu que fuir à l'étranger en devant laisser derrière lui ses oeuvres interdites,ses collections,ses souvenirs ses amis et sa famille.
Il est devenu moins qu'un homme aux yeux des hommes de pouvoir;il est devenu rien
Comment être rien quant on a été tout...
Très belle lecture,pleine de sentimentalité et pleine de richesse artitique .A lire
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Ce qui est étonnant avec les livres, c'est que nous ne savons jamais à l'avance ce que va être notre ressenti à chaque lecture, et le Monde d'hier n'échappe pas, pour moi, à ce principe.

Je reste circonspect, partagé entre la satisfaction de ces écrits de Zweig, toujours très beau, et la déception de certains passages pour lesquels je n'ai pas réussi à m'intéresser.

Ouvrage autobiographique, écrit en 1941, alors que l'auteur est en exil au Brésil, Zweig porte son regard et son analyse sur le monde qu'il a connu durant ses soixante ans d'existence et qu'il a vu transformé de havre de paix en enfer sur terre. Il parcourt donc l'Autriche, son pays de naissance, et l'Europe, sa région d'adoption et de coeur, de la fin du XIXème siècle au début de la Seconde guerre mondiale.

Vienne, la bourgeoise de la Belle Epoque, qui vit, comme le reste de l'Europe, dans la tranquillité et l'assurance de la sécurité d'un état millénaire, et je vous renvoie à l'oeuvre de Roth, La Crypte des Capucins. Une période très paternaliste et misogyne mais en pleine révolution scientifique, industrielle et intellectuelle. Une époque qui reste très idéalisée par Zweig qui en tirera son éducation et surtout lui aura permis de développer un côté profondément humaniste. C'est le Temps des repères et des valeurs.

Il croyait en la culture européenne qui, par sa richesse, devait amener un monde meilleur. En avance sur son temps, il était pro-européen. Faisant fi des idéologies politiques, même les plus extrêmes, il voyait la bonté de l'Homme. Surpris par la Première guerre mondiale, il sera meurtri par la deuxième, et auparavant, par la montée du national-socialisme.

Stefan Zweig analyse ces soixante années vécues, à cheval sur deux siècles, partageant ses rencontres artistiques, moments du livre pour lesquelles j'ai eu de la lassitude dans ma lecture. Excepté ces passages, j'ai découvert un écrivain d'un très grand mérite, qui n'a jamais cherché à faire le « show ». Il a vécu en respectant des valeurs et il a cru en un idéal qu'il espérait voir fleurir et qui finalement sera piétiné. La vie ne pouvait plus être vécue. Stefan Zweig conclut désabusé son livre et sa vie, tout en conservant une note d'optimisme.

« Et celui qui avait passionnément travaillé toute sa vie à l'union des hommes et des esprits, en cette heure qui exigeait comme nulle autre une solidarité indestructible, se sentait, du fait de cet ostracisme subit, inutile et seul comme il ne l'avait jamais été dans sa vie […] Mais en fin de compte toute ombre n'est-elle pas aussi enfant de la lumière ? » [p.562-563]
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J'ai acheté le Monde d'hier après avoir suivi une interview avec Amin Maalouf à laquelle il a mentionné que c'est un livre qui beaucoup compté pour lui. Il a dit que c'est un livre qui rejoint ses préoccupations, que le monde passe par une époque inquiétante et que Zweig quand il a écrit ce livre à la veille de sa mort avait aussi les mêmes impressions et que le monde est en train de basculer.
Le Monde d'hier est récit autobiographique, il raconte une perte : celle d'un monde de sécurité et de stabilité apparentes, où chaque chose avait sa place dans un ordre culturel, politique et social qui nourrissait l'illusion de l'éternité. A travers le récit de Stefan Zweig on constate comment il a été traumatisé par son époque, par la guerre, la violence et le déchirement de l'Europe, de sa patrie.
C'est un vrai coup de coeur pour moi, un demi-siècle de l'histoire de l'Europe parcouru avec poésie et plein de richesse culturelle (tout au long de la lecture on découvre des dizaines et des dizaines d'artistes (auteurs, poètes, peintres, musiciens…) bref c'est un livre que je recommande.
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Nous sommes en 1941. Stephan Zweig, désespéré de l'homme et du monde, dévasté par un nouvel exil, joue une fois de plus son rôle d'écrivain : témoin et penseur se retournant sur son histoire et l'histoire de ce siècle . Ce livre se partage entre l' autobiographie à orientation littéraro-intellectuelle, et un témoignage historique. On sent dès le début que c'est un cri désespéré.

La première moitié du livre est consacrée au tournant XIXème-XXème siècle , cet avant guerre insouciant. de Vienne, à la fois libérale et puritaine, Zweig, jeune homme précocement brillant et descendant d'un bourgeoisie plus qu'aisée, voyage sans limites à travers l'Europe et le monde, tisse des amitiés artistiques dans toutes les capitales... jusqu'à l'assassinat de Louis- Ferdinand et au déclenchement de la 1ere guerre mondiale, où, citoyen européen qui commence à être reconnu en tant qu'auteur, il se retrouve l'un des seuls à prôner un pacifisme résolu, attaché à sa « liberté intérieure ».

C'est un récit à la fois fort instructif, élégant et très maîtrisé , les différences de mentalités entre les capitales sont finement analysées, Zweig décrit de belles figures d'amis artistes. Par contre absence totale de femmes, on est là pour parler de choses sérieuses...
J'ai également été gênée par une vision du monde tout à fait biaisée par sa situation privilégiée, ignorant tout du sort des moins favorisés (les ouvriers étaient bienheureux en ces temps où l'on avait réduit leur temps de travail, explique-t'il) et l'impression que tous les citoyens partagent, et son bonheur, et ses points de vue. Comme s'il régnait une fraternité universelle, comme si la notion de nationalisme n'avait émergé que le jour de la déclaration de guerre, pour mieux exploser dans les décennies suivantes. Cette « naïveté » explique sans doute sa surprise à découvrir les excès de la haine et les enthousiasmes belliqueux.

Dans l'après-guerre, les blessures du traité de Versailles qu'on croit enterrées, la misère et la famine jugulées, l'inflation maîtrisée, s'installe un temps que Zweig veut croire serein.
Il y connaît un succès planétaire, fréquente les grands de ce monde en matière de pensée et d'art, sa collection d'autographe trouve un essor éblouissant, dans le temps-même où le festival de Salzbourg s'épanouit. Quelques confrontations avec les chemises noires mussoliniennes, lui mettent la puce à l'oreille, mais son ingénuité est toujours là, ce sont des temps heureux. Là encore il semble curieusement croire que cette plénitude est commune à tous.

Ce n'est que peu à peu qu'émergent Hitler et ses sbires, « dressés à l'attaque, à la violence et à la terreur », sans trop attirer l'attention. Puis, brutalement, les interdictions aux Juifs, les brimades, et pour Zweig, le choix de l'exil d'où il sera confronté aux tentatives de conciliation qui n'empêcheront pas la déclaration de guerre. C'est la fin des choix, la perte d'une nationalité, l'effroyable statut d'apatride, puis d'étranger ennemi. Là encore une certaine ingénuité, l'idée qu'en Amérique du Sud, loin de l'Europe explosée, un monde meilleur de tolérance est possible.

Témoignage et réflexion sur un monde en mutation qui perd une certaine innocence et qui court à sa perte, on ne doit pas attendre de [b]Le monde d'hier[/b] une objectivité historique ; c'est le regard désespéré d'un homme des plus choyés, naufragé au sein d'un monde en perdition. On découvre cet homme et sa vision de l'histoire des quarante premières années du XXème siècle. Car Stefan Zweig a choisi de s'épargner de voir la suite.
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Le monde d'hier est un livre fascinant qui parle d'un monde disparu, celui de Zweig né sous l'empire Austro-hongrois tout comme son ami Josef Roth.
Ce livre cultive peut-être une nostalgie d'un monde serein.C est pourquoi sans doute Zweig ne lui résistera pas.
Face aux dechainements et atrocites que L Histoire va connaître.
A voir aussi adapté au théâtre avec Jérôme Kirsch, à travers lui, on entend Stefan Zweig nous parler
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