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EAN : 9782266278638
576 pages
Pocket (02/05/2019)
4.29/5   3688 notes
Résumé :
Helios, dieu du soleil, a une fille : Circé. Elle ne possède ni les pouvoirs exceptionnels de son père, ni le charme envoûtant de sa mère mais elle se découvre pourtant un don : la sorcellerie, les poisons et la capacité à transformer ses ennemis en créatures monstrueuses. Peu à peu, même les dieux la redoutent.
Son père lui ordonne de s'exiler sur une île déserte sur laquelle elle développe des rites occultes et croise tous les personnages importants de la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (597) Voir plus Ajouter une critique
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sur 3688 notes
Mesdames et Messieurs, prenez place.
Le royaume de circé se présente à vous, 549 pages, des Dieux, des mythes, des nymphes, des mortels, de la magie, voici venir le temps d'un autre temps, où le temps n'existe plus, où l'éternité est de mise, où une année dure une journée, le temps où les histoires et les mythes se racontent pour faire battre le coeur des petits et des grands.

Voici donc circé. Ma première incursion dans le monde de la mythologie grecque. Merci à mon ado de 16 ans qui m'a aidé à comprendre et m'immerger pleinement dans ce livre. Pour lui, ce livre est un carton plein. Mais il est fan de mythologie grecque, fin connaisseur aussi, une mémoire d'enfer. Sans lui, j'aurai certainement eu un peu de mal à rentrer dans cet univers tellement à part. Grâce à nos discussions, à ces différents « arrêts sur image », circé m'est devenu passionnant, un voyage livresque innovant et totalement dépaysant.

circé, déesse immortelle, fille d'Hélios et de Persé n'a d'un dieu que l'immortalité. Une voix criarde, un pouvoir absent, elle est la risée de la cour d'Hélios. Exilée sur l'île d'Aela pour avoir usé de sorcellerie et transformé un homme en Dieu et sa rivale en monstre, circé deviendra pleinement qui elle est : une femme libre et libérée des contraintes de la cour, découvrant ses facultés de sorcière et y travaillant jour après jour. La solitude la rattrape peu à peu. Quelques parenthèses sociales s'offriront à elles, à travers Hermès le Dieu voyageur ou Dédalle. Puis il y a ce jour où quelqu'un de spécial arrive, ou Personne devrai-je dire. Car Personne a battu le géant Polyphème, fils de Poséidon. Ce Personne se prénomme Ulysse et vient de remporter la guerre de Troie.

La première partie de circé, plus fidèle à la mythologie grecque a été pour moi, intrigante, sujet à de nombreux « arrêts sur image » avec mon fils. Une première partie où l'on apprend comme circé à prendre racine, à s'acclimater à cet univers si particulier.
La seconde partie est plus fictive (moitié du livre), c'est à partir de là que j'ai été happée entièrement par cette histoire, impossible à lâcher. Comme un sort jeté sur moi, j'ai totalement été sous le charme de circé et de son univers de femme, de mère. Subjuguée par sa patience, ses talents, son intelligence, circé m'a envoûtée.

Voyage littéraire incroyable entre ces dieux, monstres et héros grecs.
Voyage passionnant auprès de cette figure féminine travaillée à la perfection.
Nul ombre d'ennui.

circé se lit, se dévore, se vit, se partage avec l'envie que certaines histoires soient elles aussi immortelles nous donnant la curiosité d'en savoir plus sur ces mythes qui ont façonné les hommes il y a bien des années.
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« L'éternité, c'est long, surtout vers la fin » a dit Woody Allen, qui en sait quelque chose sur le sujet. Peut-être que circé condamnée à l'exil éternel sur son île d'Ééa le pensait aussi...
Depuis tout enfant j'ai été passionné, - et je continue de l'être, par les contes et récits de la mythologie grecque et je ne saurai encore dire pourquoi.
Je vous avouerai que je ne connaissais pas bien le personnage de circé, ou du moins je m'en étais fait quelques idées préconçues, une magicienne maléfique, une sorcière capricieuse aux pouvoirs démesurés, une mante religieuse prête à séduire les hommes qui accostent sur son île d'Ééa, à les faire tomber dans sa nasse, à les droguer, puis à les transformer en pourceaux...
Il faut dire que le poète Homère ne lui a pas fait de cadeau, il ne lui a peut-être pas offert une image très flatteuse, digne de sa personnalité et du rôle qu'elle a incarné...
Heureusement une autre conteuse vint à moi, en la personne de Madeline Miller...
Mais quel est donc le désir qui m'a fait aller vers ce long récit, véritable odyssée de près de six cents pages... Et d'où vient ce sentiment étrange qui m'a fait être séduit à mon tour ?
Quel est donc ce sort qui m'a été jeté ? Est-ce la manière envoûtante que possède Madeline Miller de nous raconter cette histoire ? Ou bien est-ce circé elle-même traversant les pages et venant jusqu'à moi pour me chercher ?
D'ailleurs, 2500 ans après les récits d'Homère, qu'est-ce qui peut encore nous séduire aujourd'hui dans la mythologie grecque ? J'ai l'impression que ces mythes recèlent plus de jeunesse et d'inspiration pour nous dire d'où nous venons et de quoi seront faits nos lendemains désenchantés que n'importe quel roman de gare ou précepte de développement personnel. Peut-être finalement que rien n'a changé depuis lors, l'humanité est toujours la même, misérable et grandiose, continuant de déverser sa jalousie et sa rage sur des champs de bataille, un monde plein de bruit et de fureur avec ses guerres, son pouvoir, l'argent, les fourberies, le malheur du monde et la mort en bout de course.
De temps en temps, quelques rais de lumière, de poésie et de gourmandise traversent ce chaos et nous donnent à rêver, à croire en cette fugitive illusion qu'il y a un sens à vouloir tenir debout, aimer, avancer, se perdre dans des archipels ou sur des chemins...
Nous vivons une époque moderne qui n'a peut-être pas changé dans bien des aspects depuis la nuit des temps. Certes on pourrait prétendre que certains hommes n'ont pas eu besoin qu'on les ensorcelle pour qu'ils se transforment d'eux-mêmes en pourceaux, mais n'est-ce pas plutôt un pouvoir,- non pas magique mais improbable, celui de quelques femmes mortelles et d'une volonté farouche bravant les oracles, qui aura su vaincre l'impunité derrière laquelle ils s'étaient drapés et se sentaient protégés ?
Et puis, n'avez-vous pas eu, certains d'entre vous, l'impression ces tous derniers jours d'être comme Ulysse approchant à quelques kilomètres à peine des côtes d'Ithaque, entrevoyant sur la frange de l'horizon les contours d'un rivage somptueux, et brusquement d'être refoulés par une maudite vague vers le large, une méchante vague appelée « réforme des retraites »... Mais je divague...
Et puis il y a ces mythes éternels dans lesquels nous puisons des allégories vieilles comme le monde, Prométhée, Sisyphe, Orphée, Pandore, Tantale... Mais que savons-nous d'eux et de leur histoire, en vérité ?
Enfin il y a l'imaginaire, peut-être et avant tout. Et ça, l'imaginaire c'est mon philtre d'amour...
Ainsi, j'ai poussé ma barque vers l'île d'Ééa... Je m'apprêtais peut-être à faire venir enfin une divinité immortelle dans mon panthéon littéraire. Certes il y avait déjà Anna Karénine, Emma Bovary, Jane Eyre... toutes devenues immortelles à leur tour par la magie de la littérature. circé n'aurait qu'à bien se tenir et faire sa place parmi les copines, après tout elle n'avait pas le monopole de l'immortalité...
Dans ce récit convoquant une cohorte de personnages, j'y ai découvert un casting fabuleux, des Dieux, des Déesses, des Nymphes, des Titans, des héros revenant de la guerre de Troie, des figures que je connaissais déjà, mais dont je ne savais pas faire la relation entre les uns et les autres... Et parmi cette aréopage de gens très bien comme il faut et tout à fait respectables, elle se tient là figure magnifique, imposante et fragile, personnage féminin tissant les liens, donnant sens à cette épopée universelle, seule parmi tous...
Il y était aussi question d'un fameux labyrinthe et son Minotaure. Je me suis alors rendu compte que de précédentes lectures telles que La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski et Fictions de Jorge Luis Borges, qui s'en étaient fortement inspirés, m'avaient conduit naturellement vers circé.
Les Dieux de l'Olympe seraient-ils donc un jour tombés sur la tête ? Ce n'était pas assez de se jouer de nous, pauvres humains, comme avec des marionnettes, tirant les fils parfois emmêlés, jouant notre destin à coup de dés jusqu'à s'en délecter, ils avaient créé aussi d'étranges divinités dites inférieures, demi-dieux, mélange d'eux-mêmes dans l'immortalité et ressemblant à des êtres humains dans cette apparence fragile qui fait peut-être notre force. Elle fait partie de ceux-là, circé...
Homère peut aller se rhabiller, Madeline Miller en a fait un personnage féminin qui force le respect, si ressemblante, dans sa condition de femme, à l'être humain qu'elle ne sera jamais, condamnée à ne jamais trouver l'amour, avisée, fragile, doutant, se trompant, agissant, mettant ses sentiments à vif dans une générosité auprès des siens et des mortels qu'elle a appris à aimer...
Madeline Miller fait de circé un personnage féminin à part entière, on oublierait presque qu'elle est une divinité immortelle.
Aurais-je aimé la rencontrer ? J'en ai un peu rêvé, je dois vous l'avouer... Mais qu'aurais-je pu, - moi pauvre lecteur mortel, trouver pour la séduire ? Je n'ai pas la beauté d'Apollon... Je n'ai pas la sagesse d'Hermès... Je n'ai pas l'ingéniosité de Dédale... Je n'ai pas la musculature d'Ulysse... Je ne savais que raconter des histoires... Et là j'ai pris conscience qu'il fallait jouer de modestie avec les divinités, même inférieures, pour ne pas heurter leur susceptibilité. Disons plutôt que je tentais de raconter des histoires...
« Madame, cria l'une des nymphes remontant du rivage, un homme vient d'accoster sur l'île avec son embarcation, un sinagot...
- Un sinagot ? fit circé intriguée.
- Oui, fit la nymphe, c'est un petit voilier breton.
- Et que nous vaut la visite de ce marin breton ?
- Il prétend qu'il peut raconter des histoires...
- Tiens donc, voilà que nous pourrions trouver ici un fort divertissement pour rompre ce mortel ennui... Fais le monter dans le palais et prépare lui une chambre, il sera notre hôte au dîner de ce soir... »
La chambre était confortable, il y avait une vue imprenable sur l'océan. Une autre nymphe vint me chercher et je me retrouvai brusquement dans une immense pièce face à circé. Elle était fidèle à l'image que je me faisais d'elle, avec peut-être quelque chose en plus, une sorte de bonheur triste qui s'affichait dans son regard... Elle me dévisagea longuement de la tête aux pieds, sous toutes les coutures, s'approchant, tournant autour de moi. Cela en devenait gênant. Je sentais bien que venir après Ulysse n'était pas forcément à mon avantage...
Elle m'invita à m'asseoir près d'elle sur un large canapé...
Une nymphe vint nous servir une boisson. Je ne sais pas pourquoi, j'ai eu quelques réticences, il y avait sans doute une mauvaise réputation qui courait autour de la dame...
« Alors comme ça tu sais raconter des histoires...
- J'essaie, madame.
- Ne sois pas modeste. Tu imagines ? si Ulysse m'avait répondu : j'essaie de naviguer, j'essaie de combattre... J'essaie de... »
Son ton était persifleur. Elle se mit à rire, d'un air moqueur. Les autres nymphes autour d'elle l'ont imitée. Ça s'emboîtait mal, cette aventure.
« Allons, raconte-nous une histoire... fit-elle d'une voix plus avenante.
Je réfléchis longuement... Je fouillais dans ma mémoire, je fermais les yeux cherchant à visionner mon répertoire. Une histoire des p'tites poules ? Non peut-être pas. L'histoire de Princesse Prout ? Je crois bien que cela aurait été d'un mauvais goût... Une histoire de Bouffanges ? Ah tiens pourquoi pas ! Une histoire de zombies alors, ça lui aurait bien plu j'en suis sûr... Des monstres devenus immortels. Et puis je me suis ravisé, me rappelant quelques mauvais souvenirs qu'elle avait eu avec des monstres... Je ne devais pas à mon tour tomber de Charybde en Scylla...
- Alors, fit-elle redevenant impatiente.
- Ça y est, j'ai trouvé, j'ai répondu en retrouvant ma sérénité. Je vais vous raconter un récit magnifique écrit par Madeline Miller, il s'appelle circé.

Merci à Sandrine (HundredDreams) de m'avoir donné envie de venir m'échouer sur l'île d'Ééa, grâce à son magnifique billet.
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Ignorée par son père, le puissant titan Hélios, et moquée par sa mère, la sublime nymphe Perséis, circé, à la voix trop humaine, au physique et au caractère trop discrets, aux dons divins inexistants, n'a capté l'attention de son illustre famille que lorsqu'elle a défié Zeus en utilisant la magie. Par amour, elle a transformé un humain en Dieu et sa rivale en monstre, s'attirant l'ire de son père qui la condamne à l'exil. C'est sur l'île d'Æaea que la déesse se construit une vie, seule certes, mais libérée des intrigues de la cour d'Hélios. Là, elle perfectionne son don pour les poisons et la magie. Æaea est paisible, les plantes y abondent, les lions et les renards sont ses amis. Abandonnée des dieux, circé ne l'est pas des hommes. C'est par la mer qu'ils viennent à elle, animés parfois de mauvaises intentions. Mais la déesse solitaire sait transformer les hommes en porcs, Ulysse le découvrira à ses dépens, lui qui verra son équipage patauger dans la boue. Pourtant ''le meilleur homme de Grèce'' saura apprivoiser circé, ou du moins conclure un accord avec la magicienne. Son passage sur l'île laissera des traces...Télégonos, fils d'un mortel et d'une déesse.

Quel magnifique voyage littéraire auprès de circé, figure mythologique intrigante, déesse immortelle à qui Madeline Miller donne tant d'humanité et de sagesse. On la découvre fille, maîtresse, mère, épouse et surtout femme. D'abord une femme effacée, victime des dieux et des hommes et puis une femme forte qui se révélera à elle-même, prendra son destin en main et défiera les dieux et les hommes. Courageuse et éternelle circé, bien plus sage, plus forte que tous les hommes, les héros, les dieux qui croisent sa route, forts de leurs exploits, fiers de leurs guerres, fidèles seulement à leur ego. Dans ce monde où règnent la violence et la peur, où les hommes sont soumis aux caprices de dieux tout puissants, circé reste debout, admirable, sensible, passionnée, dangereuse aussi pour qui s'y frotte.
D'une plume légère et poétique, Madeline Miller s'empare de la mythologie pour la dépoussiérer, la réinterpréter, la féminiser. Captivante et attachante, sa circé est un roman coup de coeur que l'on quitte avec un serrement au coeur. A lire pour s'instruire et se divertir.
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Coup de coeur pour une Nymphe, divinité secondaire aux modestes pouvoirs qui garantissaient tout juste l'éternité : circé, fille d'Hélios et de la naïade Perseis, fille Océan, circé, pour qui tout espoir de rencontrer l'amour semble vain, circé chahutée par sa soeur Pasiphaé et son frère Persès, circé la divinité à la voix de mortel, qu'aucun roi ne veut pour épouse… sera-t-elle condamnée à l'errance éternelle ?

Mais la fille du soleil, intelligente et vive, saura se servir de ses erreurs pour forger elle-même sa destinée, elle n'hésitera pas à affronter les dieux de l'Olympe,puissants, jaloux, vindicatifs, belliqueux, concupiscents, inflexibles. Reine solitaire de l'île Æaea, elle deviendra redoutable sorcière qui livrera quelques- une de ses effroyables recettes. Elle évoluera aux côtés de héros célèbres que l'on aura plaisir à redécouvrir.

Le lecteur tremblera face aux monstres redoutables et impitoyables qu'il rencontrera, redoutera la colère des dieux, admirera la persévérance de l'héroïne et cherchera à comprendre ses ruses.

Ce fut une grande joie d'accompagner cette figure de la mythologie grecque, d'abord simple nymphe, puis grande magicienne crainte des dieux comme des mortels.

Ce livre m'a permis de retrouver une de mes passions éteintes : la mythologie grecque, il m'a amenée à fouiller dans ma mémoire, à consulter des ouvrages pour aider les connaissances assoupies à refaire surface, connaissances indispensable pour visiter un musée, pour observer une oeuvre de peintre ou de sculpteur, pour se promener dans une ville inconnue…

Mais ce roman est plus que le parcours d'une sorcière, c'est une belle oeuvre poétique, ode à la nature riche des divinités qui la peuplent. Puissions nous imaginer la nature qui nous entoure, regorgeant de ces divinités afin de faire preuve à son égard, du plus profond respect. Car c'est bien à cela que devait conduire cette religion antique : se sentir tout petit face aux éléments, face à une nature toute puissante.

Je remercie infiniment les babeliotes qui ont lu ce fabuleux récit avant moi, et qui m'ont donné envie de le découvrir.

Challenge pavés
Challenge multi- défis
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Depuis toute petite, j'ai une affection toute particulière pour les contes mythologiques. L'Iliade et l'Odyssée ont fait parti de mes livres de chevet, lus et relus. Certains personnages féminins avaient ma préférence et parmi eux, la grande magicienne circé, évoquée dans l'Odyssée d'Homère.

Madeline Miller reste assez proche de l'épopée homérique, mais elle fait de cette magnifique héroïne, un personnage très moderne en dressant le portrait d'une demi-déesse, à la fois femme, maîtresse, épouse, mère.

*
Nous faisons la connaissance de circé alors qu'elle n'est qu'une jeune enfant naïve. Fille du plus puissant des Titans, le dieu du soleil Hélios, et de la belle océanide Perséis, elle est une enfant délaissée, étrange et mystérieuse. Malgré la position élevée de son père, elle n'est qu'une petite nymphe mineure qui ne possède ni la puissance et l'insensibilité de son père, ni le charme froid et envoûtant de sa mère.

Attirée par les mortels, c'est en voulant aider l'un d'entre eux qu'elle découvre ses dons en sorcellerie. Elle ne les mesure pas encore vraiment, mais s'attire la colère de Zeus qui redoute ses pouvoirs grandissants.

« Tu oses me contredire ? Toi qui ne sais pas allumer la moindre flamme, ni invoquer une seule goutte de pluie ? La pire de mes enfants, terne et abîmée, dont aucun homme ne me débarrassera jamais, même si je le paie. Alors que je t'ai prise en pitié et tolérée depuis ta naissance, tu es devenue désobéissante et fière. Vas-tu t'arranger pour que je te déteste encore davantage ? »

Bannie sur l'île déserte d'Eéa, circé va perfectionner sa connaissance des plantes, sa maîtrise des poisons et des sorts, apprivoiser les bêtes sauvages, croiser la route de marins et de guerriers intrépides et brutaux, métamorphosant en créatures monstrueuses ou en bêtes ceux qui lui veulent du mal.

« La sorcellerie ne s'apprend pas. On la trouve soi-même, ou pas. »

*
Madeline Miller est une autrice passionnante, captivante.
Elle a accompli un immense travail de recherche pour développer son personnage, tout en élargissant le cadre du récit vers d'autres personnages. Elle offre, de ce fait, différents regards sur sa personnalité, sur le monde plein de dangers dans lequel elle vit.

Ainsi, à l'histoire de circé, s'entrecroisent et se mêlent d'autres histoires, toutes plus passionnantes les unes que les autres, celles de Prométhée, de Dédale et Icare, du Minotaure, de Scylla, de Jason et de sa nièce la magicienne Médée, de Pénélope et d'Ulysse bien sûr.

*
Bien que circé ait un côté sombre, elle est aussi une femme généreuse, aimante, fière, intelligente, profondément humaine.
Loin des clichés modernes de la méchante sorcière au nez crochu et pustuleux, la séduisante circé est un personnage complexe et équivoque dont l'auteur souligne parfaitement la dualité. J'ai aimé naviguer dans ses pensées, effleurer sa douceur autant que sa puissance, osciller entre sa fragilité et son courage, partager sa solitude autant que son besoin d'attention et d'amour.

« J'avais éliminé l'essentiel de la lâcheté en transpirant un bon coup. Une étincelle joyeuse l'avait remplacée. Je ne serais plus un oiseau en cage, trop borné pour m'envoler alors même que les portes sont ouvertes. »

*
Dans un monde dominé par la violence des hommes et l'arrogance des dieux, la magicienne est désignée comme une femme dangereuse, manipulatrice, séductrice et peu vertueuse qu'il faut briser, soumettre et vaincre absolument. Elle leur fait peur.

« Il semble que punir les femmes soit le passe temps favori des poètes. Comme s'il ne pouvait pas y avoir d'histoire à moins que nous rampions en pleurant... »

En intégrant au récit ses pensées les plus intimes, la magicienne nous apparaît très proche, et on ne peut qu'être sensible à son combat, à sa force de caractère.

« Bien que toute ma vie n'ait été qu'opacité et profondeurs, je ne faisais pas partie de cette eau sombre. J'étais simplement une créature vivant de l'intérieur. »

Le lecteur voit peu à peu son caractère évoluer et s'affirmer. Autrefois victime, rudoyée, méprisée, rejetée et humiliée, circé s'émancipe peu à peu jusqu'à devenir déterminée, puissante et crainte. Je me suis attachée à cette femme. Je l'ai suivie sans hésiter, au fond de l'océan, dans la solitude d'Eéa, à la rencontre de Scylla et du Minotaure, redoutable, audacieuse, patiente, sincère, fidèle à ses principes, libre quoi qu'il lui en coute.

En cela, elle s'oppose à la vertueuse et douce Pénélope. C'est intéressant d'assister à leur rencontre et de les voir s'apprivoiser.

« On affirme souvent que les femmes sont des créatures délicates, comme les fleurs, les oeufs et tout ce qui peut être écrasé dans un moment d'inattention. Si je l'avais jamais cru, ce n'est plus le cas désormais. »

Si circé m'a totalement envoûtée, j'ai aimé aussi ma rencontre avec Prométhée et Dédale. Ils se détachent des autres hommes par leur bonté.

« Néanmoins, dans une existence solitaire, il existe des moments rares où une autre âme plonge tout près de la vôtre, comme les étoiles qui s'approchent de la terre une fois par an. Pour moi, il (Dédale) avait été ce genre de constellation-là. »

*
« circé » est magnifiquement écrit. J'ai ressenti comme un rythme poétique, une mélodie comme une vague douce et puissante qui m'a envoutée, chavirée, absorbée, emportée.
Madeline Miller a su la dépeindre dans toute sa complexité, dans ses qualités comme dans ses défauts, dans ses forces comme dans ses faiblesses, dans son humanité comme dans sa fragilité.

Mais, ce qui fait encore le charme et la force de ce récit, c'est le côté onirique et envoûtant du récit contrebalancé par le ton employé par circé.
Le timbre de sa voix, plein de nuances, même s'il laisse transparaître des notes nostalgiques et tendres, est souvent ironique, sarcastique.

*
Pour conclure, "circé" est une magnifique histoire de femme, d'amour, de vengeance, de perte, de pardon. Je connaissais en partie les récits évoqués, mais j'ai aimé cette héroïne particulièrement attachante dont le regard féminin pose un regard inflexible sur le monde des hommes.

Si vous aimez la mythologie grecque, je vous recommande cette magnifique histoire.
Un joli coup de coeur.
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critiques presse (2)
Elbakin.net
12 décembre 2018
Bref, un roman à mettre entre toutes les mains et qui devrait se révéler à même de réconcilier n’importe qui avec des questions d’ordre mythologique ou même philosophiques ! Et non, cela n’a rien d’ennuyeux ou de daté, sachez-le. Rarement aura-t-on croisé incarnation plus vivante que Circé.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
LeMonde
28 juin 2018
Avec « Circé », l’écrivaine américaine brosse un portrait de l’ensorcelante déesse, croisée par Ulysse dans l’« Odyssée », en figure féministe.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (499) Voir plus Ajouter une citation
Jadis, je pensais que les dieux étaient le contraire de la mort, mais je vois maintenant qu'ils sont plus morts que tout le reste, car ils sont immuables et ne peuvent rien tenir dans leurs mains.
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Il semble que punir les femmes soit le passe-temps favori des poètes.
Commenter  J’apprécie          10
Laissez-moi vous expliquer ce que la sorcellerie n'est pas : ce n'est pas un pouvoir divin, qui vient en un clin d’œil, d'une simple pensée. Elle nécessite d'agir, de manipuler, de planifier, rechercher, fouiller, sécher, couper et moudre, bouillir, parler et chanter. Et même après toutes ces étapes elle peut échouer, ce qui n'arrive pas aux dieux. Si mes herbes ne sont pas suffisamment fraîches, si mon attention diminue, si ma volonté est faible, les drogues deviennent vertes et rance entre mes mains. [...]
Au début, bien sûr, tous mes filtres furent catastrophiques. Des potions sans effet, des pâtes qui se délitaient et restaient sur la table inutiles. Je me disais que si c'était bien d'utiliser un peu de rue, c'était encore mieux d'en mettre beaucoup, que dix herbes mélangées auraient plus d'effet que cinq, que je pouvais laisser mon esprit s'égarer sans que l'enchantement ne s'égare avec lui, commencer à préparer une potion et décider à mi-parcours d'en élaborer une autre. Je ne disposais pas de la plus élémentaire connaissance des herbes que n'importe quelle mortelle apprend sur les genoux de sa mère : j'ignorais qu'en bouillant du millepertuis, on obtenait une sorte de savon, que le bois d'if brûlé dans l'âtre produisait un brouillard suffoquant, que les coquelicots engendraient le sommeil et l'hellébore la mort, et que l’achillée millefeuille aidait les blessures à cicatriser. Tout cela, je dus l'assimiler par tâtonnements, à coup de doigts brûlés et de nuages fétides qui m'obligeaient à sortir en courant tousser dans le jardin.

(P98/99)
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"Dans une existence solitaire, il existe des moments rares où une autre âme plonge tout près de la vôtre, comme les étoiles qui s'approchent de la terre une fois par an. Pour moi, il avait été ce genre de constellation là." P.171 Circé à propos de Dédale
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Je sais à quel point j'ai de la chance, une chance qui rend bête, indécente, qui tourne la tête. Je me réveille souvent la nuit, terrifiée de la précarité de ma vie, de ma respiration qui ne tient qu'à un fil. À côté de moi, le pouls de mon mari bat sur sa gorge; dans leurs lits, les peaux de mes enfants marquent à la moindre égratignure. Une brise pourrait les emporter, et le monde est plein de menaces bien pires que des brises: maladies et désastres, monstres et douleurs qui possèdent mille variantes. Je n'oublie jamais non plus celle qui est suspendue au-dessus de nous : mon père et les siens, aussi éclatants et tranchants que des épées pointées sur notre chair vulnérable. Ma respiration devient laborieuse. Comment puis-je continuer sous un tel fardeau de catastrophes ?
Dans ces cas-là, je me lève et je vais m'occuper de mes herbes. Je crée quelque chose, je transforme quelque chose. Ma sorcellerie est toujours puissante, plus puissante que jamais même. Cela aussi, c'est une chance. Combien disposent, comme moi, d'un tel pouvoir, et de tant de loisirs et de défenses ? Au bout d'un moment, Télémaque sort du lit pour venir me chercher. Il reste assis avec moi dans la pénombre qui embaume la verdure, en me tenant la main. Nos visages sont tous deux ridés, à présent, marqués par les années.
« Circé, me rassure-t-il, tout va bien se passer. »
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