Derrière la magie, une formidable ode à la tolérance
Comme ses prédécesseurs, ce roman est remarquable avant tout par la drôlerie du choix de son bestiaire. Chacun a sa propre caractéristique un peu hors du commun :
- Lilo et Stitch, les deux lapins albinos au vocabulaire qu'on qualifierait de binaire ;
-
Zola, la chienne aveugle ;
- Honoré, le chat obèse ;
- Coco, la cochonne diva qui présente le même problème qu'Honoré ;
- Hashtag, le coq baryton qui se rêve ténor ;
- Fougère, la chèvre hargneuse qui n'a qu'une corne ;
- Fripouille, le compagnon d'écurie d'Adèle qui bougonne et mange tout le temps ;
- Toto, la tortue skateuse.
Et l'on n'oublie pas bien sûr Adèle qui, bien qu'estimant cela tout à fait naturel, possède une corne dorée, dégage une odeur de fraise quand elle stresse, lit dans les pensées et, the last but not the least, pète des paillettes (Ben oui, on est magique ou on ne l'est pas !). En somme, on retrouve dans ce personnage tout ce qui fait le succès auprès des petites filles de l'animal féerique qu'est la licorne (Bon, pour les pets, je ne suis pas sûr que ce soit la première chose qui vienne en tête chez les petites filles !). Seul petit bémol, on regrettera que les illustrations au sein du livre ne soient pas, pour une fois, en couleurs car quand même, les licornes, c'est une publicité vivante pour le « spectre des couleurs » newtonien. Enfin passée cette toute petite déception, la magie reste au rendez-vous dès que le « vrai visage » d'Adèle est découvert comme on le voit dans la dernière partie du roman. En effet, certains éléments troublants marquant la propriété des Bontemps et pressentis par leur voisine, Mme Gradumou (qui, en passant, n'a rien à envier niveau caractère à Fougère) finissent par trouver leur explication par la présence d'Adèle en ces lieux.
Mais l'essentiel n'est, à mon avis, pas là dans cette histoire. En effet, derrière ce récit, c'est avant tout un très joli message de tolérance qui est déroulé tout au long des pages. Tout d'abord, le côté « cour des miracles » de la ferme Bontemps donne au lecteur l'impression que tout le monde devrait avoir le droit à une seconde choix quels que soient son caractère, son apparence physique, son absence de conformité à cette « normalité » tant rêvée par notre société actuelle trop souvent intolérante. Les animaux ici présents vivent tout simplement, s'acceptent sans se poser de question et peu importe ce qu'ils sont à la base. C'est ici le regard sur l'autre qui est clairement interrogé et cela fait rudement du bien.
Notre société si superficielle est également bien épinglée dans ce roman lorsque la vérité sur Adèle est découverte. Ce « cheval » dont personne ne voulait jusqu'alors devient le centre des attentions pour des intentions rarement louables : désir du père de Maxime de faire le buzz pour sa propre réussite professionnelle, désir des habitants de voir leur voeux exaucés bien qu'ils n'aient rien de philanthropique, oubli momentané des notions de générosité et de partage de l'un des personnages centraux… L'être humain (si ce n'est le personnage de Norbert) n'en sort pas vraiment grandi surtout que c'est Adèle elle-même qui prend conscience de cette dimension intéressée de l'être humain et qui va contribuer, par ses talents artistiques, à y remédier (du moins en ce qui concerne les habitants de Fauxillanges, ce qui est déjà pas mal).
En définitif, ce roman constitue un excellent support de travail en Enseignement moral et civique concernant la question de la sensibilité et notamment le rapport à autrui et au monde qui nous entoure (L'écologie n'est pas non plus oubliée !).
Mes chouchous à moi
Ce sont deux personnages secondaires qui l'emportent cette fois-ci (et notamment grâce aux illustrations qu'en a fait
Marie de Monti. Il s'agit de Mme Gradumou dont chaque apparition fait sourire tant elle fait penser à la voisine fouineuse et jalouse que tout le monde a, un jour, connu dans sa vie. Quant au second personnage, il s'agit de M. Roncarré, le spécialiste ès licornes, qui connaît ici son moment de gloire professionnelle. Je vous recommande l'illustration de la page 137 qui scelle son triomphe.
En somme, voilà un roman jeunesse que je recommande fortement tant par son humanité que par certains moments particulièrement drôles.
Ludivine Irolla a ainsi réussi à dépasser le côté girly du thème pour en faire une source de réflexion bien actuelle pour petits et grands.
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