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EAN : 9782707135810
319 pages
La Découverte (10/10/2002)
4/5   7 notes
Résumé :
Le recours aux liens juridiques prend dans nos sociétés une importance grandissante. Il existe pourtant peu d'études empiriques sur la fabrique quotidienne du droit. Alors que la très grande technicité de la matière juridique réserve le droit aux juristes de profession, la sociologie l'explique trop rapidement par les rapports de forces qu'il ne ferait que dissimuler. La méthode ethnographique se trouve donc particulièrement bien ajustée à l'analyse du droit.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Entre nous, une ethnographie du Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative française, cela peut rebuter. Même quelqu'un comme moi qui suis connu pour avoir des passions douteuses. Et pourtant j'ai pris un certain plaisir à lire les passes d'armes entre Conseillers, à passer de dossiers en dossiers et de réunions en réunions, bref à comprendre ce qui se joue au-delà et en deçà du droit dans la fabrication du droit.
Car le droit est fait de contexte et d'opportunités, d'hésitations et d'habitudes, d'expériences et de préjugés… et tout cela ensemble. « le droit est déjà du social », et c'est ce qui nous permet d'expliquer pourquoi certaines obligations obligent tandis que d'autres n'obligent en rien :

« le transport de la règle au cas n'obéit pas à un simple automatisme mais à une multitude d'évaluations qui obligent, très vite, à rouvrir la discussion juridique que l'on croyait définitivement fermée. C'est que nous n'avons dans la pratique jamais affaire à des règles mais toujours à des textes, plus ou moins forts, sur lesquels la dynamique du raisonnement peut ou non s'appuyer. [Tel article réglementant le pantouflage] a beau être dans le Code pénal, il n'a visiblement jamais eu beaucoup de force puisqu'il n'a jamais entravé l'action de l'État ni poussé les commissions de pantouflage à donner un avis défavorable [...].
C'est tout le paradoxe d'une obligation qui n'oblige qu'à la condition que tout le reste soit en place pour transporter cette obligation... Comment expliquer ce paradoxe? En reconnaissant sans remords le poids du contexte [...]. Les aspects extrajuridiques font [...] partie intégrante de la discussion. [...] Ce qui oblige, ce qui pèse, ce qui va loin, ce qui a de la force est donc un mélange de "climat" et de droit. » (p. 170-172)

On n'est jamais déçu par l'ethnographie.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
La situation de l'ethnographe est inverse selon qu'il étudie le lointain ou le proche. Là-bas, c'est le pullulement de la pratique complexe et contradictoire qui le frappe, et il n'a de cesse d'en trouver, par de puissantes constructions intellectuelles, la structure cachée. Mais ici, chez lui, c'est au contraire la puissance des constructions intellectuelles déjà proposées par les acteurs eux-mêmes pour définir leur activité - la Science, le Droit, la Religion, la Politique, l'Économie, chacune distincte des autres -, qui fait écran à la compréhension des pratiques multiples, hétérogènes, le plus souvent contradictoires. S'il faut à l'ethnographe, là-bas, tant de sueur pour comprendre ce que les gens font, il lui faut au contraire, ici, se donner un mal de chien pour oublier les raisons trop raisonnables que les agents donnent de leur comportement ; pour aller chercher dans les balbutiements de l'explication, dans les hésitations de la parole, dans les atermoiements de la décision, la raison des liens ténus créés par toutes ces activités mêlées les unes aux autres et dont la séparation en sphères séparées, pures et propres, ne rend aucunement compte. (p. 205)
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Pendant presque 40 % [du temps qu'aura duré leur carrière], les conseillers ont exercé des fonctions en dehors du palais [...] soit en détachement, soit en disponibilité. Proportion considérable expliquant cet inépuisable réservoir d'expériences dans lequel, au cours du jugement comme du conseil, les membres du Corps piochent pour se former une opinion, convaincre leurs collègues ou éduquer les commis du gouvernement aux devoirs de la bonne administration. Pas étonnant que les arguments d'opportunité politique, de bonne administration, d'équité, de faisabilité, viennent si souvent pondérer la connaissance des textes et le jeu des précédents. [...] Pour eux, le droit ne réside pas seulement dans le droit, mais également dans le contexte d'application qu'ils ont vu de leurs propres yeux et auquel ils ont pu parfois violemment se heurter. (p. 131)
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Comme je n'appartiens pas à ces écoles de sociologie critique qui ne se croient savantes qu'en pratiquant la dénonciation et qui ne se croient justes que lorsqu'elles laissent dans leur sillage des ruines fumantes et des secrets éventés, je n'ai pas eu de peine à faire l'apologie du Conseil d'État, au risque d'être accusé de sympathie exagérée. (p. 8)
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C'est là une particularité du Conseil d'État : [...] tous les gens qui siègent autour de la table ont été ou seront membres éminents de l'administration active. Au lieu d'occuper à vie, comme dans le judiciaire, la fonction de juge, il faut plutôt les considérer comme des praticiens chargés tantôt d'agir sous le contrôle du juge et tantôt d'exercer ce contrôle. On ne peut pas dire qu'ils sont juges et parties, ce qui jetterait un doute sur leur jugement, mais qu'ils ont tous été l'un et l'autre successivement. (p. 39)
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La justice n'utilise que des raisonnements ordinaires, syllogismes interrompus comme nous en employons tous pour mener nos affaires quotidiennes, dont l'ensemble hétérogène ressemble plutôt à un goût, à un flair, à un nez, affaire d'habitude, de culture, d'expérience et de sens commun. Mais ce qu'elle sent, ce qu'elle renifle, si l'on ose dire, se marque dans la nature même des affaires par la présence de gênes, d'ennuis, de troubles, de "miroitements" auxquels elle doit mettre fin par des solutions dont le but semble justement d'apaiser, de clore, de finir, de terminer cette errance. La justice n'écrit droit que par des voies courbes. Autrement dit, si elle refusait d'errer, si elle appliquait une règle, on ne saurait la qualifier ni de juste ni même de juridique. Pour qu'elle parle juste, il faut qu'elle ait hésité. (p. 162-163)
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