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EAN : 9782350871707
127 pages
Editions Héloïse d'Ormesson (01/06/2011)
4.12/5   55 notes
Résumé :
Au cœur du naufrage, continuer d'aimer.

Comment faire le deuil d'un couple alors que l'être aimé est encore en vie ? Il y a d'abord eu les premiers signes, les mots qui s'emmêlent, les souvenirs qui s'étiolent.
Puis le diagnostic. Mais pour Cécile et Daniel, unis par une vie de bonheur de plus de trente ans, l'amour est plus fort que la peur.

Magnifique hommage qu'une épouse attentive et inquiète rend à son mari, ce récit donne ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Publié en juin de cette année, "Alzheimer mon amour" est un témoignage rédigé par la française Cécile Huguenin.
L'auteure nous parle de Daniel, son mari atteint de la maladie d'Alzheimer et nous livre son point de vue d'épouse, d''aidante", impuissante face à la métamorphose graduelle de cet homme aimé et admiré durant 30 ans.

Je n'avais au départ pas prévu de lire ce témoignage, tant son sujet me touche personnellement.
Mais une interview de Cécile Huguenin m'a fait changer d'avis et la proposition de Brize d'en faire un livre voyageur a achevé de me décider.
Je n'ai pas l'habitude de m'épancher ici sur ce qui appartient à ma sphère privée. Néanmoins, il me serait impossible d'expliquer la vive émotion que m'a procuré ce livre, sans faire mention de ma propre expérience.
Cela fait maintenant quelques années que mon grand-père souffre, non de la maladie d'Alzheimer, mais de démence sénile.
La décision de le placer en maison de retraite, bien qu'indispensable, ne fut pas facile à prendre pour mon père. Mon grand-père était un homme indépendant. Il y a quelques années encore, soit à plus de 80 ans, il escaladait le toit de sa maison pour changer une tuile, conduisait, nettoyait sa maison et sortait manger à l'extérieur, sans demander de l'aide à personne.
En quelques années de temps, nous l'avons vu passer de vieil homme à vieillard. Cela a commencé par de petites pertes de mémoire (oubli de clés, de médicaments, confusions entre les noms/dates) presque anodines en regard de son âge.
Jusqu'au jour où mon père l'a trouvé en piteux état. Dépareillé, hagard, il avait oublié de s'alimenter et de boire, mélangé sans le vouloir ses médicaments et, pris de vertige, était tombé sur le sol de la salle de bains.
Devenu un danger pour lui-même, il devait désormais compter sur les autres pour pouvoir continuer à vivre.
Mon grand-père fêtera ses 92 ans le mois prochain. Il suit actuellement un traitement qui prévient les chocs électriques produits dans son cerveau. Cependant, les dégâts occasionnés sont irrémédiables.
Chaque visite est source de déchirement pour nous, son entourage, et de confusion pour lui, comme si il ne nous avait plus vu depuis 10 ans. Pris par l'émotion, il pleure, s'essouffle, nous prend dans ses bras pour ensuite retourner à son monde.
Son regard devient vitreux, il marmonne, sans se soucier des discussions autour de lui. Il n'y a plus de dialogue possible avec lui.
Parfois je souris en repensant à une visite il y a deux ans au cours de laquelle mon père lui avait demandé son âge :

- J'ai 90 ans.
- Et tu es né quand ?
- Bah, il y a 90 ans !

J'ai espacé mes visites, trop douloureuses. Aller le voir pour constater l'ampleur des dégâts, dire à chaque fois adieu à l'homme qu'il était, le regarder mourir au ralenti, toujours un peu plus.
Anticiper le pire. Me reconnaîtra-t-il cette fois ? Car il est déjà arrivé que ce ne soit pas le cas.
Appréhender ce jour où toutes les connexions se seront éteintes pour ne laisser qu'une carcasse vide de tout souvenir.

Il est question de tout cela dans "Alzheimer mon amour". Daniel Huguenin a commencé par perdre l'usage des mots. Quoi de plus cruel lorsqu'on a consacré sa vie à la poésie ?
Ensuite vinrent les hallucinations, les chutes, la mémoire qui défaille, les sollicitations de plus en plus nombreuses qui finissent par pousser sa compagne à le faire interner dans un centre d'accueil de jour, puis par la suite dans une institution spécialisée.
Un abîme se creuse entre eux. Elle se sent seule, culpabilise et souffre de l'éloignement de certains amis, trop effrayés par cet inconnu qu'ils admiraient autrefois.
Lui se complaît dans une certaine insouciance. Bien manger, bien dormir : ses seules préoccupations sont ramenées à des besoins primaires.
Pendant ce temps, Cécile Huguenin cherche des réponses auprès des médecins mais l'impuissance de la science n'en finit pas de décupler sa colère.
Désorientée, elle songe au "crime d'amour", au dépaysement à l'étranger. Elle creuse son histoire de vie, tente de comprendre sa maladie et de faire le deuil de cet homme qu'elle aime malgré tout.

Au-delà de la résonance de ce témoignage avec ma propre expérience, j'ai aimé la justesse du propos dans la façon dont Cécile Huguenin rend compte des obstacles rencontrés et souligne
le caractère imprévisible des maladies neuro-dégénératives.
L'auteure réhabilite le statut d'aidant et dit la détresse et l'épuisement à devoir sans cesse tenter d'apprivoiser l'inconnu et composer avec de nouvelles humeurs et exigences.
Elle évoque la solitude née du sentiment d'avoir perdu un compagnon pour hériter d'un enfant, dépendant d'elle jusqu'à l'étouffer.
La première partie est rédigée à la 3ème personne, comme pour illustrer la difficulté de l'auteure à prendre part à ce qui leur arrive, à accepter que leur histoire, leur couple, ne soit pas immuable.
Le récit est étayé de citations émanant de livres, qu'il s'agisse d'ouvrages en rapport direct ou non avec la maladie ou de morceaux de textes issus de son mari, comme pour célébrer celui qu'il était autrefois.
Jamais Cécile Huguenin ne s'apitoie sur son mari, préférant rester dans la recherche de solutions que déclarer forfait.
Restent les interrogations, nombreuses, dont le fameux : pourquoi ?

Bien que manquant ostensiblement d'objectivité, je ne peux que vous recommander la lecture d' "Alzheimer mon amour" tant je pense que de manière générale, ce récit peut se destiner à quiconque connaît ce sentiment d'impuissance face à la maladie.
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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Jamais je n'ai eu à écrire de billet aussi difficile. Alors, me direz-vous, n'en dis rien, ne mets pas de mots sur cette lecture, garde en toi tes émotions, ne les partage pas.



Mais voilà, c'est plus fort que moi. Il faut que je dise, que je crie le bonheur de lire un tel récit et les larmes qui en jaillissent. Parce que je crois qu'un tel récit est salutaire pour ceux qui vivent cette maladie au quotidien et qui ont besoin d'être rassuré, de s'entendre à travers les mots des autres, de se lire… et salutaire aussi pour les autres qui ne connaissent pas, parce que ce texte est un grand et beau texte, digne, magnifique, d'une grande qualité (et ceux qui me connaissent bien savent à quel point le style est important pour moi).

Grâce à Cécile Huguenin, j'ai lu mes pensées les plus profondes, j'ai lu mes colères et mon amour, j'ai lu tout l'amour que mon père portait à ma mère, j'ai pleuré les mêmes larmes, j'ai vécu les mêmes espoirs, j'ai guetté les mêmes lueurs, les mêmes mots.

Plus qu'un récit, ce texte est un hommage à la vie, à l'amour, et son écriture est magistrale. La qualité du style, les références littéraires, les poésies de Daniel, donnent à ce témoignage une puissance extraordinaire. Ce n'est jamais larmoyant, c'est beau. Ce n'est jamais simpliste, c'est intelligent. C'est plus qu'un témoignage, c'est de la littérature.

La suite sur mon blog.
Lien : http://krolfranca.wordpress...
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J'ai été agréablement surprise de constater que ce témoignage qui est une histoire d'amour, comme le suggère son titre, se lit plus comme un roman que comme un essai ou un traité sur la maladie, bien qu'on y apprenne des choses utiles.
L'auteur raconte comment elle a côtoyé son mari, qu'elle connaissait si bien au bout de 30 ans de vie commune, alors qu'il devenait un inconnu...
Touché par la maladie d'Alzheimer, ce brillant universitaire perd le goût et l'usage de tout ce qui avait fait sa vie et son bonheur jusqu'alors. La maladie affecte la mémoire mais aussi le langage, les envies, le comportement devant les situations les plus anodines de la vie quotidienne.
Sa femme passe de la tristesse à la colère, de l'énergie à la lassitude, de l'espoir au renoncement, et vice versa ai-je envie d'ajouter.
C'est le récit de l'acceptation d'un état de fait face auquel on est impuissant, des limites de l'accompagnant le plus volontaire, du deuil de l'être aimé encore vivant...
Je trouve que la force de ce texte réside dans ce point de vue qui ne cache rien des émotions et réflexions qu'a traversées l'auteur. Tout en permettant de comprendre un peu mieux comment cela peut être vécu par le malade également.
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Récit de la fin d'une vie de couple attaqué par la maladie, Alzheimer mon amour n'est pas un livre larmoyant, ni vindicatif. Cécile Huguenin décrit les différentes phases par lesquelles elle est passée : la prise de conscience, les questions obsédantes, les tentatives pour trouver une autre voie que celle du renoncement. L'écriture est belle, les images aussi. Quand Cécile sent son mari s'éloigner, elle imagine un fil qui les relie, un fil rouge comme celui qui relie les deux amants dans Dolls de Takeshi Kitano, et se demande si elle doit le couper pour se sauver elle-même ou si elle doit le garder et sombrer avec lui. Par la suite, elle essaye de l'aider en l'emmenant au bord de la mer, puis dans un cadre résolument différent, lui qui aimait voyager. Les minces réussites, les échecs décourageants face à cette forme sévère de la maladie, jusqu'à ce qu'on lui propose une structure qui puisse être celle où son mari pourra être le nouveau lui-même, entouré de soignants géniaux et d'autres patients.
La lecture de ce cheminement n'est pas difficile, elle rend compte d'un itinéraire unique, mais soulève tout de même des questions et des pistes plus universelles. Ce témoignage peut se compléter avec un roman cité d'ailleurs par Cécile Huguenin, c'est celui de Stefan Merrill Block, L'histoire de l'oubli, un excellent livre que je vous conseille aussi.


Lien : http://lettresexpres.wordpre..
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« Alzheimer », cette maladie qu'on pointe maintenant au plus petit dérapage de mémoire, comme si l'humour suffisait à la rendre moins effrayante, Cécile Huguenin s'y est trouvée confrontée lorsque elle s'est déclarée chez son mari, Daniel, avec lequel elle vivait depuis trente ans.
[...]
Un témoignage à fleur de coeur, porté par une écriture infiniment expressive, émaillée sur quelques pages d'extraits des poésies de Daniel (croisés à ses mots de maintenant). Il n'y est pas question d'un malade mais d'un homme, un homme aimé mais que la maladie éloigne, irrémédiablement, insupportablement.
C'est le premier livre que je lis sur la maladie d'Alzheimer et il m'a semblé qu'il touchait à l'essentiel : le respect de l'individu, au-delà de ce que la maladie lui fait subir.
Lien : http://surmesbrizees.wordpre..
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Depuis trente ans, chaque matin il lui préparait son thé. Celui de la boîte rouge décorée d’un Ganesh, le dieu indien à tête d’éléphant, protecteur des voyageurs qui s’aventurent en pays inconnu et des écrivains, avec sa défense brisée qui lui servit de plume pour écrire Le Mahâbhârata. Thé vert, quatre doses de gingembre, trois clous de girofle, deux bâtons de cannelle, quelques cosses de cardamome, des grains de poivre noir. Son mélange à elle, souvenir de ses voyages en Inde. Parmi les boîtes de thé pour les différents moments de la journée, dans le petit meuble en bois blanc grillagé rempli d’épices, il ne se trompait jamais. Chaque matin, il dosait, ébouillantait la théière et l’appelait pour partager cet instant unique. Mais ce matin-là, il est arrivé près d’elle, hagard et désespéré, portant toutes les boîtes dans ses bras : « C’est lequel, je ne sais plus ? »
Lors des catastrophes aériennes on recherche désespérément « les boîtes noires » qui vont fournir des indices, mots, cris, graphiques. Ces traces lisibles par les spécialistes du décodage. Elles contiennent tout ce qu’il faut pour expliciter les circonstances de l’accident et ainsi autoriser à trancher les responsabilités, trouver les coupables, juger. Toutes ces révélations qui vont permettre aux familles de commencer « le travail du deuil ».
Pour elle, c’est une boîte rouge, la boîte de Pandore qui a libéré en même temps que ses senteurs exotiques l’angoisse d’un à-venir inconnu et innommable. Elle connaît exactement la date et l’heure. Ce matin- là, elle a « su ». L’intuition fulgurante que rien ne serait donc jamais plus comme avant. Déchirure entrevue vite pansée de déni et de refus.
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Nous, « les accompagnants, « les aidants », nous arrivons tous avec au cœur la même souffrance du fardeau et le même déshonneur de la capitulation. Nous pénétrons dans la zone de non-retour, déchirés par l’ambivalence insupportable de désirs contradictoires, être soulagé sans abandonner. La culpabilité nous ronge, la honte frémit à fleur de peau, les larmes nous brouillent la vue. Enfant dénaturé qui ne peut plus assumer son parent. Conjoint démissionnaire. C’est ainsi que nous nous sentons, harassés du chemin parcouru mais animés d’un regain d’énergie qui surgit au dernier moment comme la colombe du magicien sort de son chapeau.
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Les statisticiens aussi y sont allés de leurs élucubrations et prédictions socioculturelles, pour nous prouver que plus notre niveau de culture et de diplôme est élevé, moins on est « sujet à risque ». Que les intellectuels se rassurent, ils sont équipés d’un « réservoir cognitif » bien garni qui leur permettra de mieux résister aux attaques de la maladie d’Alzheimer. Ex-docteurs ès lettres, ex-ingénieurs, ex-avocats ou ex-diplômés de tous bords que j’ai côtoyés au centre d’accueil de jour, comment avez-vous pu dilapider ainsi votre « réserve cognitive » Immunitaire ?
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Elle cherche à entrer par effraction dans son désir d'oubli, tout en sentant confusément qu'elle le blesse. Elle a besoin de violer, de creuser des galeries de lumière dans sa nuit compacte pour trouver un début d'explication, une mince empreinte qui lui permettrait de remonter vers l'origine du mal.
Cette quête inutile lui semble le dernier recours pour maintenir un lien entre eux.
A tort, puisqu'elle n'avance pas en connaissance, ni ne progresse en sagesse.
Leurs violences s'affrontent. Chez lui, la passivité massive, impénétrable, la force de l'effacement.
Chez elle, la frustration de l'impuissance, le déni d'abandon, le sentiment de trahison. p.36
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Moi seule existe pour toi. Je sens bien que tu m'enfermes. Prudemment, avec tout le tact et la délicatesse qu'on reconnaît à mon entêtement, on commence à m'alerter sur les risques que je prends, sur ce courage insensé qui court à notre perte. Mais je ne suis pas encore prête à l'entendre.
J'ai envie de t'accompagner dans ce néant douillet où lentement tu te dissous. Je m'obstine à inventer notre mythe, je cherche encore un refuge pour nous deux, à l'abri d'un monde que tu as fui et où je ne trouve plus notre place. p.78
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Vidéo de Cécile Huguenin
Cécile Huguenin - La Saison des mangues .Cécile Huguenin vous présente son ouvrage "La Saison des mangues" aux éditions Héloïse d'Ormesson. Rentrée littéraire janvier 2015. http://www.mollat.com/livres/huguenin-cecile-saison-des-mangues-9782350872988.html Notes de Musique : ?Chansons de Bilitis (Claude Debussy)? (by Sasha Cooke, mezzo-soprano; Pei-Yao Wang, piano). Free Music Archive.
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