Si une bonne couverture assure le succès d'un livre, la reproduction de la une du Populaire du 2 février 1935 devrait assurer à François GERBER d'excellents ventes pour son « MITTERRAND entre Cagoule et Francisque ».
Fruit de longues recherches, ce travail effrayait et décourageait depuis des années les éditeurs, et il a fallu attendre la disparition des personnages évoqués et le le centième anniversaire de la naissance de l'ancien Président pour profiter de cet ouvrage qui, comme « le dernier secret de
Jacques CHIRAC » publié en 2007 par
Jean-Jacques DEPAULIS et
Pascal MARCHAND, plonge dans les origines familiales d'un président pour éclairer son « secret de famille » et dévoiler les dessous des réseaux qui étayent une longue carrière politique.
Révélant les liens familiaux entre les familles DELONCLE, CAHIER et MITTERRAND, l'auteur s'attarde sur le mariage entre
Robert MITTERRAND et Edith CAHIER, nièce du fondateur de la cagoule, qui donnera naissance à Frédéric, futur ministre de la culture, puis analyse l'attitude des 8 frères et soeurs du futur président durant les années 1935-1945 et celles de leurs conjoints. Période riche en ambiguïtés, retournement de vestes et liens occultes.
Le chapitre consacré à Dakar cible Jacques, frère
De Robert et François, en titrant « un MITTERRAND tire sur
De GAULLE », et amalgame, à mon avis un peu vite, le futur Général d'aviation, aux collaborateurs. Car après Mers El Kebir, comment imaginer des français pratiquer le « peace and love » face à une armada anglaise ? Rappelons qu'en novembre 1942, quand le Général de GAULLE apprit le 9 novembre le débarquement d'Afrique du Nord, sa première réaction fut « j'espère que les gens de Vichy vont les jeter à la mer ». Et le futur
Amiral LEMONNIER, tira lui aussi sur les anglais à Dakar (et donc
De GAULLE) avant de coordonner en 1944 le débarquement de Provence, puis 10 ans plus tard exercer les responsabilités que l'on sait au sein de l'OTAN … et superviser ainsi la Royal Navy. Dans ses années 1940-1942, il était plus difficile de savoir où était son devoir que de l'accomplir.
Revenant sur la détention de
François MITTERRAND en Allemagne au début de la guerre, son évasion, son action à Vichy, François GERBER s'attarde longuement sur le rôle de
Jean VEDRINE, père de Hubert, et complète ainsi « un si cher ami » consacré à Patrice PELAT en montrant comment l'homme politique s'est servi des prisonniers et déportés comme d'un « fond de commerce » électoral.
René BOUSQUET et l'équipe de ses hauts fonctionnaires collaborationnistes fourniront après guerre l'armature des cabinets du Ministre de la IV, et l'action répressive de
François MITTERRAND lors des « événements » trouve là sa source évidente.
Ajoutons à cela, un chapitre sur le groupe l'Oréal, dont l'organigramme abrita et recycla, nombre de collaborateurs et la conclusion « il fallait que les français l'ignorassent » montre comment le Président de la République dicta aux médias complaisants la légende dorée qu'il voulut laisser à ses thuriféraires.
En conclusion, voici un document précieux, agrémenté d'une belle collection de photographies, fruit de longues années d'enquêtes, qui apporte sa pierre à l'édification du portait de
François MITTERRAND et éclaire cette décennie 1935-1945 où nombre d'acteurs (JARDIN, BENOUVILLE, MOULIN) eurent en fait plusieurs attitudes successives ou parallèles comme les travaux de PEAN ou
ASSOULINE l'ont révélé.
Merci à BABELIO de m'avoir permis de profiter ainsi d'une nouvelle « masse critique ».
PS : revoir "Un si cher ami" et "le dernier secret de
Jacques Chirac"
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