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Critiques de Chi Li (185)
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Une taille de guêpe

« Une taille de guêpe », nouvelle de la chinoise Chi Li publiée en 1986, est en train de passer de mains en mains au sein de notre petite communauté…ceci grâce à Mh17 qui nous offre régulièrement ses trouvailles, de petites pépites et celle-ci brille d'un bel éclat. J'ai l'impression que chacune de nos critiques se font perles de Jade d'un collier que nous nous passons et qui devient de plus en plus coloré et fourni.



Cette courte nouvelle est un tableau, une aquarelle sombre où les contours de la ville, des rues, des bâtiments sont flous du fait de la pluie, une pluie fine et continue, la pluie des prunes de la fin du printemps, transformant la ruelle en éléments aquatiques, les voitures en anguilles ondulantes, glaçant les objets telles des peaux de serpents gelés.

L'exactitude du trait teinte ce décor indistinct d'une poésie douce-amère et drape d'un onirisme sombre la scène centrale de cette nouvelle : la cérémonie du thé. de celle-ci provient la lumière.



Dans ce décor, le vieux Guo est déposé par un chauffeur devant un temple. Dans un grincement de porte que nous avons l'impression d'entendre tant l'humidité semble étouffer tous les autres bruits, il est accueilli par une personne âgée puis monte d'un pas déterminé à l'étage pour y retrouver une vieille femme. Sans que rien ne soit dit on devine…on devine ce qui les lie, du moins ce qui les a liés. Nous comprenons en peu de mots qu'ils ne se sont pas vus depuis longtemps, très exactement à son étonnement quant à la taille de la femme qui, malgré le temps, est resté très fine, telle une taille de guêpe.



S'en suit la cérémonie du thé. Il m'a semblé que ce temple était un rêve, une sorte de tombeau scellé par de solides portes en sapin. le monde de l'au-delà dans lequel Guo a osé pénétrer. Seules des personnes âgées y sont présentes, asexuées, dont on ne perçoit que les regards, tous tournés vers ce visiteur bruyant qui monte d'un pas lourd vers ce fantôme du passé.

La cérémonie du thé est décrite avec délicatesse et est, pour moi, une métaphore de la vieillesse. La lumière est ici compréhension. En trois tasses de thé, nous apprenons et comprenons les trois temps d'une valse immuable : le premier temps du constat des stigmates du temps qui passe, rides et cheveux blancs, les questionnements qu'il engendre et l'acceptation de ces changements, le deuxième temps, le meilleur, la plénitude retrouvée et la prise de conscience du bonheur de pouvoir encore savourer de tels moments de partage, le troisième temps enfin celui de la mort qui rôde lorsque tout se consume et que les couleurs perdent de leur éclat.



Une valse à trois temps, douce et entrainante, comme la vie qui passe…

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Une taille de guêpe



Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville...



Une très jolie découverte que cette courte nouvelle de Chi Li laquelle a été publiée en 1986 et que j'ai eu le plaisir de lire hier soir sur le site chinese-shortstories grâce à Mh17.



Un beau récit poétique empreint de sagesse et d'humilité sur la vieillesse, le temps qui passe et nous emporte vers l'inéluctable ; récit dans lequel nous évoluons au rythme des infusions du thé et de cette fine pluie des prunes qui n'en finit plus de tomber sur une ville brumeuse et crépusculaire qui semble disparaître comme un souvenir lointain ou un rêve que nous aurions fait.



Les descriptions minutieuses sur la préparation du thé, la gestuelle précise, les ustensiles utilisés font tout le charme de ce récit. Peu ou pas de mots, simplement des regards attentionnés entre les deux protagonistes : un vieil homme prénommé Guo et une vieille femme dont nous ne saurons rien si ce n'est qu'il se retrouvent après une longue séparation. L'atmosphère est rassurante à l'intérieur de la petite pièce pourtant misérable qui sert de logement à la vieille femme, sûrement est-ce dû à la chaleur qui émane de ces deux coeurs fatigués qui se retrouvent au milieu des effluves d'encens et de thé.



Et comme la vieille femme, nous savons déjà tout sans que l'autrice n'ait besoin de nous dire quoi que ce soit. Ses cheveux blanchis par le temps et cette fine taille de guêpe qu'elle arbore malgré les années, une taille si fine que le vieux Guo pourrait l'enserrer de ses deux mains, témoin d'un amour autrefois consumé et de la misère dans laquelle elle vit certainement depuis.



Alors le vieux Guo a voulu tenter sa chance avant de tirer sa révérence. Il a demandé à son chauffeur de le conduire au fond de la ruelle sombre, il a frappé à la grande porte en sapin de Chine du bâtiment aux allures de temple bouddhiste, il a monté les marches du vieil escalier guidé par la voix de celle qui n'était que regrets comme on entre dans un tunnel à la recherche d'une dernière lueur d'amour et d'espoir.



C'est beau, c'est triste... C'est vieillir, c'est s'en aller sans avoir de regrets et pleurer tout doucement comme tombe la pluie des prunes à la fin du printemps, légère et silencieuse...





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Trouée dans les nuages

Encore une fois, un titre aura suffit à éveiller ma curiosité et une fois de plus le meilleur moyen de la satisfaire aura été de succomber au risque d’être déçu. C’est vrai qu’au départ, si on excepte la cuisine, je ne suis pas fan de culture Chinoise. Mettez moi un auteur Africain ou sud américain et il y a de grandes chances pour que je sois un bon client mais la Chine (comme les Etats Unis) ne m’a jamais attiré. Mis à part le titre, ce livre partait avec un sacré handicap.



Un couple, quinze ans de mariage. Un bon boulot, une vie tranquille, ce qu’en général beaucoup d’entre nous appellent heureuse, qu’on aurait pu qualifier d’épanouie s’ils avaient eu un enfant. Allons jusqu’à dire que Jin Xiang et Zeng Shanmei forment un couple modèle pour leurs amis ou leurs collègues. La vie est un long fleuve tranquille mais comme on n’est pas chez Harlequin mais chez Actes Sud, forcément il va y avoir une couille dans le potage, un grain de sable dans la mécanique, un hic, ça va merder quoi. Une simple invitation à un repas d’anciens élèves adressée à Jin va tout faire basculer.



Le coté Asiatique aurait pu nous donner une atmosphère sucrée salée, ça sera plutôt chaud et froid.

La retenue Asiatique, ne rien laisser paraître à l’extérieur dans la vie sociale contraste avec la violence qui va s’installer dans la relation. Après avoir fait comme si toute la journée, le huis clos des soirées va vite devenir irrespirable.



De déception il n’y eu point. Pas plus que d’émotions, de celles qui prennent aux tripes, aucune poésie mais une tension palpable m’ayant mis mal à l’aise pendant quelques pages assez difficiles.

La Chine bien éveillée au capitalisme avec une empreinte de communisme toujours présente en toile de fond, l’histoire aurait pu se passer n’importe où. Trouée dans les nuages nous emmène dans les bas fonds du couple. Que sait on vraiment de l’autre? Qu’avons-nous gardé d’inavouable, qu’avons-nous dissimulé? Jusqu’à quel point avons-nous confiance en l’autre?

Une petite réflexion aussi sur les apparences, jusqu’où peut on aller pour les sauver?

Attiré par le titre, en tournant la dernière page je m’aperçois que je ne l’ai pas compris. Trouée dans les nuages, je traduis à peu près par éclaircie mais là… plus sombre, ça doit se trouver mais c’est bien plombé quand même.

Bon c’est pas tout ça mais pour moi ça sera des nems, un bœuf sauce piquante avec des nouilles sautées aux légumes et en dessert, euh… je crois que je vais retenter un autre livre de Chi Li parce que celui là ne m’a pas laissé indifférent.

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Triste vie

En une petite centaine de pages, une auteure chinoise de qualité déroule le jour ordinaire d'un travailleur du céleste empire.

Le livre situe le récit en 1987, dans un quotidien pas vraiment (voir pas du tout) folichon! Le brave Yin, au long de cette journée plus remplie qu'un œuf en soucis et contrariétés diverses, n'aura pas trop le loisir de regretter ses espoirs de jeune homme.

Rien que le trajet aller-retour (bus + bateau) pour aller bosser est une sorte de parcours du camarade-combattant!

Yin suit un chemin droit, avec une femme solide mais dure envers ce mari auprès duquel se sont éteintes ses espérances et un enfant vif, intelligent et turbulent.

La trop courte nuit qui suit cette journée, peut-elle suffire à ramener une once de calme et de sérénité?... Mais là, le lecteur est à la fin du volume.

Voilà donc une jolie découverte de faite, avec cette Triste vie qui semble commune aux travailleurs modestes des villes industrielles, et pas seulement en Chine...



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Une taille de guêpe

Atmosphère brumeuse et envoutante de la fine pluie des prunes, pluie ou vallée de larmes ?

Larmes versées par l’ancienne amante délaissée, à laquelle Guo vient rendre une soudaine visite, que l’on craint être la dernière avant longtemps, voir l’ultime.

Elle lui offre un thé, dès la première gorgée, leurs souvenirs affleurent, retour sur leur vie, leur jeunesse, l’harmonie entre eux renaît.

Deuxième infusion, le thé se fait plus savoureux, dans l’instant présent, moment suspendu d’apaisement, de complicité partagée, le temps d’un échange presque sans paroles, boire le thé va leur permettre de renouer avec leur ancienne flamme et les plonger dans une douce chaleur apaisante.

Ils apprécient pleinement ce moment, cette joie partagée d’être réunis. Guo observe chez elle ce qui a changé, son visage ridé, ses cheveux blanchis, mais dont la taille de guêpe semble immuable. Si elle mène une vie simple et dans le dénuement, Guo semble ne s’être rien refusé des plaisirs de la vie, son ventre proéminent en témoigne. Mais déjà le temps ou la mort revient à pas feutrés, comme un chat qui furète …

A la troisième infusion, le thé a moins de goût, la vie s’est écoulée, fanée, ternie…

Guo aimerait la retenir auprès de lui, cette femme, sa taille, son ancienne vie, le présent qui s’échappe, les enserrer de ses mains, mais elle l’en empêche, se dérobe, le rappelle doucement à son devoir, elle ne le retient pas, il doit partir, retrouver les siens, et surtout ne pas s’empêtrer dans de vaines promesses jamais tenues. La mort est déjà là, rôde, frappe à la porte, avec des coups brefs, et livre ses premières attaques frappant le cœur …

Comme il l’a toujours fait, il s’en va, après un dernier instant de complicité volé auprès de sa belle solitaire aux cheveux argentés, qui semblait l’attendre là depuis toujours, et referme la lourde porte sur celle qui semble prisonnière de son ancien amour dans son triste et modeste mausolée.

Il est temps pour lui de fuir, le moment magique est passé, la laissant à ses larmes et à la pluie des prunes…



Merci à vous tous ami.e.s babeliotes pour la découverte de ce magnifique texte, puissamment évocateur, il me semble que je pourrai en disserter sans fin. Tant de belles choses et de vie(s) dans ce si petit texte. Bravo à Chi Li, et j’espère avoir la chance de savourer encore quelque temps la deuxième infusion, sans passer trop vite à la troisième…

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Tu es une rivière

"Tu es une rivière" est le roman de la vie d'une veuve chinoise avec huit enfants et le roman commence juste avant la Révolution Culturelle.

Le livre n'est pas épais, l'auteur Chi Li ne s'étend pas sur des longues descriptions, l'histoire progresse par des actes forts de la famille . La fierté de cette femme devant les difficultés qu'elle rencontre la rend sympathique car elle ne se résigne pas à défendre son point de vue .



Pour l'édition française , les traducteurs ont eu la bonne idée d'accompagner le texte de très nombreuses notes, qui mettent en parallèle la vie de cette femme et les décisions politiques de la Révolution Culturelle.

Ainsi au lecteur ignorant que je suis , il a été donné les clés du roman afin de montrer concrètement comment la Révolution Culturelle a été une idéologie néfaste .

Merci Littlecat pour ce roman émouvant



Juste pour ma relecture probable, la liste des personnages du roman :

L'héroïne : Lala Wang

Son Mari : Xianmu

Ses enfants: Dewu (G) , Yanchun (F), Dong' er(F) , Sheyuan ( G) , Yaojin( G), les jumeaux ( Fuzi(G), Guizi(F)) Siqing (G)

Xianlang : le beau-frère, Liu Zhifang son âme soeur.

Jiang Xiujin : la propriètaire du salon de thé où est mort Xianmu, et sa fille Qingqing



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Une taille de guêpe

Telle est la force de la communauté Babelio, elle vous convainc d'aller lire quelque chose auquel vous n'auriez sans doute pas accordé un regard en temps normal...

Chrystèle, Gaëlle, Francine, Anne-Sophie, Patrick, à vous tous vous avez réussi : j'ajoute une perle à votre collier, je viens juste d'achever la lecture de ce court texte délicat et subtilement parfumé, telle une bonne tasse de thé de Chine...Ce n'est pas la pluie des prunes qui tombe chez moi, mais aussi une bruine continue et persévérante, et je n'ai plus depuis longtemps une taille de guêpe, mais je me suis invitée, un peu voyeuse, dans cette pièce pleine d'ombres et de souvenirs partagés mais non révélés, avec ces deux personnages unis par une complicité qui ne nécessite que peu de mots. Leur présence persiste encore un peu dans mon salon, comme des fantômes apaisants.

Me voilà prête pour aller rêver...
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Une taille de guêpe

Une nouvelle chinoise sur le temps qui passe et lasse.

« Qui ne vieillit pas ? Et alors ? Si la vie ne changeait pas, quel intérêt aurait-elle ? »

Ici, le temps précieux passé ensemble entre deux personnes aux cheveux déjà blancs (ce qui en peu de mots veut tout dire) est symbolisé non-pas par un sablier ou une horloge, mais par la dégustation du thé :





. La première infusion est fraiche et légère comme les premières heures, les premières années de la vie :

« son air de douceur et de sérénité, souligné par cette humble distance, se transmettait imperceptiblement au vieil homme. Il sentit sa colère et son énervement se calmer. » 

. La deuxième infusion est plus corsée, intense et savoureuse, en pleine force de l'âge on en goûte tous les plaisirs…

« Ah, elle avait la taille toujours aussi fine, si mince qu'on aurait pu l'enserrer de ses mains » ;

. Puis la troisième infusion arrive tel un troisième âge, moins forte, avec déjà « la couleur de la mort ». A ce moment-là, « Le bâton d'encens de bois de santal s'était consumé, les cendres étaient tombées par terre. » Ensemble, ils ont passé le temps. Il a passé, pas encore trépassé. Est-il dépassé ?





«  Séparés par le poêle, ils se regardaient en silence, lisant d'un coeur battant sur le visage de l'autre les raisons de chaque nouvelle ride et l'histoire de chacune des plus anciennes.

Le visage du vieil homme était parcouru de profondes entailles.

Son visage à elle était strié de petits plis en long et en large.

Un livre mystérieux dont ils étaient les seuls à savoir déchiffrer les arcanes. »





Comme dit la chanson, « si tout zappe et lasse, les amours aussi passent » ; Ainsi en sera-t-il du serpent de ce texte, qui chemine à travers la ville et dans l'escalier menant à cette rencontre.





Avec ou sans jeu de mots, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé : Quitte à lire une histoire, je préfère qu'on me la raconte vraiment et non qu'on me la laisse imaginer (sinon j'écrirais plus que je ne lirais^^) ; et pourtant ce ne fut désagréable non-plus, la plume serpentant entre les non-dits et les silences comme pour éviter banalités et tabous. Comme dit ma grand-mère - dont tous les cheveux sont blancs depuis bien longtemps et qui s'applique à tuer le temps jusqu'à ce qu'enfin lui la tue, cet amant qui l'a lassée depuis de nombreuses années : « Ca fait passer un moment ». L'un de ces petits moments suspendus à un fil, entre deux personnes qui savent à quel point il peut être (trop) court, et (trop) long à la fois. de là à dire que c'est du temps bien rempli… A chacun de se faire son avis - s'il a le temps (lecture gratuite ci-dessous) !




Lien : http://chinese-shortstories...
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Une taille de guêpe

C'est un petit texte d'une taille de guêpe. Une nouvelle de trois pages écrite en 1986 par la romancière chinoise Chi Li, un récit d'une apparente concision, dont la teneur sibylline se révèle dans ce qui n'est pas dit et dans la manière dont sa petite voix intérieure se prolonge en nous longtemps après...

C'est un portrait en demi-teinte de deux personnages dont on ne comprend que vaguement ce qui a pu leur arriver et dont on devine entre les lignes la relation qui les lie.

Écartant le rideau de nuit, soulevant un voile d'une pluie légère de printemps, celle qu'on nomme poétiquement la pluie des prunes, nous devinons l'approche d'un taxi au fond d'une ruelle froide, à l'écart des bruits de la ville.

On pourrait y voir un tableau, l'esquisse d'un décor noyé de pluie où un paysage étrange apparaît dans les contours sombres d'une ville.

Le taxi dépose le vieil homme devant une vieille bâtisse, un temple bouddhiste. Ses pas sont comme des phalènes dans le faisceau des phares de la voiture qui s'en va...

C'est un rendez-vous, une rencontre entre un vieux Monsieur, le vieux Guo, et une femme également âgée. Il entre dans le vieux temple qui fait face à ce décor onirique.

Il rejoint la femme à l'étage.

S'ensuit entre eux une longue cérémonie du thé... On pourrait presque sentir l'arôme flotter entre les pages.

Écartant le rideau de la nuit et sa pluie sans discontinuer, j'ai traversé ce chagrin presque intemporel. Les rides laissent-elles les larmes glisser moins vite sur un visage épris d'amour dans la solitude du soir ? En font peut-être d'autres chemins ?

Ici les mots se taisent, il n'est pas besoin de les dire, de les entendre, nous les devinons, ils se cachent dans les gestes rituels de cette cérémonie du thé. Les gestes de ce rituel jettent entre eux des ponts presque impossibles.

Une taille de guêpe, c'est peut-être la silhouette d'une femme qu'un homme a étreint il y a très longtemps de ses mains fragiles et amoureuses.

Ce texte nous abandonne à nos interrogations, ces deux êtres sont là dans l'intimité de leurs gestes, comme protégés dans cet instant en suspens, oublié du temps qui passe.

Refermant le rideau de la nuit, je reviens sur mes pas sans faire de bruit, un taxi s'éloigne laissant quelques rides au bord de la pluie des prunes.

Ce texte et sa traduction en font un délicat joyau d'une beauté et d'une tristesse indicible.

Merci à toutes celles et ceux qui m'ont donné envie de traversé les pages de cette pluie de prunes...

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Une taille de guêpe



Beaucoup d’ombres dans la grande ville, une fine pluie tombe ( c’est le moment où les prunes sortent, quand on sait la beauté des fleurs de prunier en Chine)et obscurcit encore le dédale labyrinthique des ruelles ; la voiture comme une anguille doit adopter l’allure ondoyante d’un serpent, les portes noires ouvrent sur un escalier qui apparaît à Guo encore plus sombre qu’avant ( là , j’ai eu un doute sur la traduction et en reprenant le texte chinois, merci croqui Christophe, qui m’a permis de lire dans le texte, le « comme si il avait déjà reconnu les lieux » me semble inadapté ( non, je me vante, je ne connais pas le chinois)

Parce qu’il reconnaît les lieux- en vrai et pas comme si - le serpent gelé de l’escalier, et bien sûr, la femme.

En haut, il la voit, elle.

Il se sent comme un oiseau tombé du nid à la nuit, comme s’il revenait là chaque jour. Les années ont passé, leur parcours a été différent, et ils sont là, autour d’une théière en terre, ils n’ont pas besoin de parler, ils se reconnaissent.



De profondes entailles sur son visage à lui, de petits plis sur son visage à elle : ils peuvent lire le mystère de leurs vies respectives, séparées et en déchiffrer les arcanes du temps qui heureusement laisse des traces : elle, elle en a « la patine et l’arôme », se dit-il.

Ses cheveux sont blancs, heureusement aussi, d’abord parce que ces vagues de lumière argentée lui donnent sérénité et paix, la fumée blanche de vapeur de la bouilloire et les flammes bleuâtres du poêle répandant blancheur en plus de la surface neigeuse des visages.

Et la colère du vieux Guo, avec son petit pavillon rouge s’apaise à la vue de tout ce blanc.

Rencontre, bonheur de pouvoir boire un thé vert ensemble, vraie rencontre ; il reviendra c’est sûr, et pourra serrer dans ses mains sa taille de guêpe à elle, l’âge n’a pas changé son plus précieux atout.



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Les sentinelles des blés

Les romans de Chi Li sont habituellement durs, rêches. Ses personnages, pauvres et miséreux, sont broyés par le sort et les politiques du régime communiste en place. Et ça se ressent dans l’écriture, aussi aride. Disons que ça manque un peu de finesse et de poésie. Ceci dit, ce style convient parfaitement à l’histoire que l’auteure raconte. Malgré cela, je continue à lire ses romans. C’est surtout parce qu’ils sont habituellement courts (une centaine de pages) et qu’ils me permettent de mieux comprendre la Chine de la deuxième moitié du XXe siècle. Eh bien, après avoir lu Les sentinelles de blés, je suis satisfait d’avoir persévéré. Il y a de cela, et plus. J’ai vraiment aimé ce bouquin.



Rongrong s’était déjà distanciée de sa famille à quelques reprises mais elle pensait à appeler de temps à autre ou bien à donner de ses nouvelles d’une façon quelconque. Cette fois-ci, cela fait trois mois que Mingli s’inquiète pour sa fille adoptive. Et c’est assez ! Elle veut retrouver sa trace et elle part pour Pékin, là où elle se trouvait récemment. Là, elle rencontre les personnes qui ont croisé Ronrong et, incidemment, en apprend davantage sur cette fille qu’elle croyait connaître. Allant de surprise en surprise, elle est confrontée à des aspects négatifs de la Chine communiste mais également à son nouveau visage, en émergeance. Heureusement, sa philosophie de vie l’emporte toujours.



Ce roman est différent des autres de Chi Li. Le lecteur ne baigne pas dans une misère constante. Mingli est agronome, pas une veuve sans emploi ou bien un pauvre type s’éreintant dans une usine pour une maigre pitance. Elle ne nage pas dans le luxe, loin de là, mais semble gagner correctement sa vie. Et les gens qu’elle rencontre sont de milieux suffisamment variés. Et cette poésie que je trouvais manquante ailleurs, elle est plus présente ici, à travers les souvenirs mélancoliques de Mingli, son père, son travail. D’ailleurs, le titre du roman vient de là. Eh oui, il fallait une protagoniste scientifique pour que le lyrisme trouve son chemin dans l’œuvre de l’auteure.
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Une ville à soi

Un trésor absolu...que ce court roman : l'Amitié entre deux femmes;

Amitié qui va leur donner à l'une comme à l'autre une belle lumière dans leur existence réciproque !...



Tout premier texte que lis de cette auteure chinoise, et je suis enchantée !



"Quand la parole des femmes se libère, c'est comme des pigeons dont on aurait ouvert la cage en grand et qui s'envoleraient en nuées très haut dans le ciel, puis qui feraient soudainement demi-tour avant de tournoyer autour d'un point fixe : elles reviennent toujours au même sujet, la vie." (p. 149)



Une découverte faite par le plus grand des hasards...en feuilletant le dernier livret de la médiathèque, répertoriant leurs dernières acquisitions...

Ainsi, j'ai lu avec curiosité la présentation du dernier texte traduit de cette auteure chinoise, Chi Li, que je découvrais jusqu'au nom, alors qu'en regardant de plus près, je constate que les éditions Actes Sud publie cette dame depuis plus de 20 ans [depuis 1998 ] !!!



Une histoire insolite mettant en scène une jeune femme élégante, de bonne famille, qui, délaissée par son époux décide de se venger...

et de lui faire honte, afin de le faire réagir !!



Dans ce but, elle se fait engager comme "cireuse de chaussures" chez Mijie, une maîtresse femme, qui devenue veuve, a ouvert une échoppe de cirage, avec sa belle-mère... !



Un récit qui met en avant le courage des femmes... dans un monde très masculin, avec les inégalités sociales, incontournables ...et les

incompréhensions universelles entre les deux sexes !



Mais rien ne se passe comme elle l'avait

imaginé !... Heureusement, les deux femmes s'attachent l'une à l'autre. C'est aussi l'occasion pour Chi Li de parler de la ville de Wuhan, de ses transformations, mais aussi de la vie quotidienne des femmes en Chine; vie qui est loin d'être "un long fleuve tranquille"...lorsqu'elles sont veuves, seules ou simplement "mal mariées" !!!



Avec ce métier peu valorisant de "cireuse de chaussures", l'une de nos héroïnes, Fengchun se retrouve dans un poste d'observation des plus révélateurs quant aux classes sociales et aux comportements abrupts des clients ! Observations universelles sur la sottise humaine et les préjugés de classe et de corps de métier !!.



"Tous ces clients qui ne savaient pas ce qu'était le respect et qui se contentaient de lever bien haut leurs chaussures, le regard tourné vers le ciel, avant de vous balancer l'argent, ne méritaient pas qu'on les traite comme des êtres humains. Fengchun faisait son travail avec soin, sans jamais lever les paupières, et tandis qu'elle cirait les chaussures, il émanait d'elle une beauté froide. Dans tout métier on peut atteindre la perfection. Finalement en ce monde, il n'y a pas de choses viles, il n'y a que des gens vils. (p. 24)"



"Par bonheur, à force de travailler d'arrache-pied, Fengchun avait commencé à prendre goût à ce qu'elle faisait. Oui décidément il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes gens." (p. 39)



Un roman chaleureux...révélant une narration astucieuse: le premier personnage, l'air de rien est la Ville, Wuhan, dont les mutations nous sont décrites entre les anciens quartiers délaissés, où les trois générations de femmes que nous découvrons, vivent et travaillent dur...et l'urbanisation à outrance...

Unies dans un des vieux quartier de cette ville qui se modernise de façon galopante...nos trois figures féminines sont nourries, "partie prenante" avec cet autre personnage à part entière : la Ville de Wuhan, elle-même... ! Sans oublier un très bel hommage à l'Amitié féminine, permettant d'affronter l'existence avec un supplément de joie de vivre !!...





Une curiosité accrue envers cette écrivaine chinoise...après ce très bon moment de lecture, je vais débuter le deuxième exemplaire emprunté à ma médiathèque: " Un homme bien sous tous rapports" [Actes Sud, 2006]

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Un homme bien sous tous rapports

Le deuxième roman que j'achève de cette auteure, découverte tout

dernièrement, emprunté à ma médiathèque...après avoir lu avec

bonheur le dernier opus traduit de Chi Li, "Une ville à soi"

(Actes Sud, 2018), plus lumineux !



Une atmosphère terne, pesante à souhait !



Le personnage central, Bian Rongda, la quarantaine, a dû apprendre très

jeune à obéir et à maîtriser toutes ses émotions...Fils, petit-fils de paysan,

il a toujours subi la tyrannie de son père, désireux d'oublier ses origines

paysannes; père, veuf prématurément devra élever ses deux enfants, seul,

et se montrera intraitable...

Après des études satisfaisantes, une carrière modèle, respectant à la

lettre l'idéologie maoïste, Bian Rongda se retrouve au chômage; il revient sur sa vie passée, formatée de toutes parts: la tyrannie paternelle, un mariage arrangé, des bagarres intestines au sein de son unité de travail (où certains étaient corrompus, abusant de leurs prérogatives) , une femme qui le méprise, ayant mieux réussi que lui...



L'auteure par le biais du récit de ce pauvre homme décrit

les nombreux bouleversements et transformations

de la société chinoise après la période maoïste...



"Bian Rongda n'avait plus d'unité de travail; il n'avait plus d'emploi; il traversait donc une grande épreuve. Il devait se débarrasser de tous ses soucis domestiques et repartir d'un pied léger. Repartir où ? Pour le moment, Bian Rongda n'en savait rien.

Mais il savait déjà que, dans les circonstances où il se trouvait, il devait

commencer par s'alléger psychologiquement. "(p. 37)



Nous passons d'une unité de temps à une autre: du passé au présent...

L'engagement , l'adhésion au parti, le travail acharné de notre personnage

parvinrent un temps à le combler et à lui offrir un sens à sa vie...mais surviennent le licenciement, les désillusions successives, une vie familiale aussi frustrante que terne...



Même si cette lecture fut intéressante, je garde ma préférence au 1er texte, "Une Ville à soi".... Dans cette deuxième lecture, en dépit de quelques brefs répits, on a l'impression d'être immergé dans un épais brouillard !



Bian se retrouve après la relative période d'or du collectivisme, perdu dans un pays en plein chambardement, où ne subsistent que la loi du profit et la corruption de certains !

Le roman s'achève toutefois sur une petite note d'espoir et de

changement !!! Ma curiosité envers cette auteure reste intacte...

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Une taille de guêpe

Je vais ajouter ma perle au collier, Chrystèle.

Comme le dit Croqui, cette nouvelle est une douceur: la lecture appropriée pour un soir de Noël.



Une merveille de délicatesse, de pudeur, de poésie. En peu de lignes, une histoire naît dont on ne sait ni le début, ni la fin, mais dont on savoure chacun des instants et que l'on garde en tête longtemps comme une gourmandise fondant doucement dans la bouche.



Cet homme et cette femme se connaissent, ils partagent une histoire que nous ne connaitront pas. Peu Importe. J'ai aimé les voir échapper à l'humidité extérieure de cette pluie des prunes, partager le thé, cérémonie intime surement déjà partagée à de nombreuses reprises, et se quitter en attendant la prochaine rencontre.



il pleut toujours sur la ville. la vieillesse est là pour les deux personnages: lui propulse son ventre bien nourri, mais elle a toujours sa taille de guêpe.
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Le show de la vie

Dans la rue du Bon-Augure, sous la lune bleue et le bleu étoilé des cieux, il est de bon augure d’aller déguster les cous de canard de la célèbre Célébrité, la grande spécialité de Wuhan dans ce marché nocturne et bouillonnant d’un peuple ivre et bruyant qui vagabonde entre les étals et les marmites de pangolins bouillis. Célébrité dort le jour, travaille la nuit, ne va pas la réveiller avant 15 heures, sinon, de mauvais poils, elle te rabrouera vers ta charrette. C’est pourtant ce que fit son grand frère, venu profiter de la bienveillance de sa sœur, le sourire de son neveu devant la porte. C’est que si les hommes apparaissent souvent comme des piliers de comptoir, Célébrité est le pilier de cette famille. Elle a le caractère fort mais ne peut rien refuser à son neveu, comme s’il était devenu son propre fils… Après tout, c’est elle qui lui a donné le sein, et le sein dans la pensée chinoise est culturel. Ainsi autour de Célébrité, gravitent les membres de la paresse, de l’avidité ou de la luxure, ses frères et sœurs et belles-sœurs, chacun ayant à ses yeux ses propres tares…



Le show de la vie, c’est avant tout une histoire de vies et de la vie d’une femme. Une femme qui consacre sa vie à son petit étal alléchant, devenu institution dans la région. Les gens viennent la voir, pour sa cuisine, pour boire un verre en solitaire, pour lui abreuver de leurs petits tracas du quotidien, se faisant par moment de la soirée discrète confidente. Célébrité, une femme forte qui, à force de caractère, en impose dans cette Chine ouvrière. C’est le show de la nuit, chaude et humide, où les vapeurs d’alcool et de bouillons enivrent les passants à la recherche de réconfort et de vie.



Dans la rue du Bon-Augure, je sens ces parfums nocturnes, des grillades dans des bouis-bouis, odeur de charbon, d’essence et de viandes grillées, je déguste des bols de riz, de nouilles ou de tofu brûlants. Le calme a perdu toute sa raison, et c’est dans un vacarme quotidien jusqu’aux premières lueurs du soleil que j’erre l’esprit affamé dans cette gouaille populaire. A Wuhan, il y a de la vie, des cris, des rires et des pleurs, des cous de femmes et des cous de canard ; c’était avant le confinement.
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Une taille de guêpe

Délicatesse, poésie, harmonie pour cette courte nouvelle de Chi Li découverte par MH et lue et appréciée par les babéliotes curieux. Moi aussi j'aime bien l'idée de ce collier confectionné par les lecteurs de Babelio qui apportent chacun leur petite perle.

Pat, il te tardait de nous voir monter cet escalier avec Guo, c'est chose faite pour moi.

L'escalier nous mène à une lumineuse dame âgée que l'on imagine toute menue et fragile, on devine que Guo et elle se sont connus cela fait certainement bien longtemps, quand lui travaillait encore. Rien n'est dit, on ne peut qu'imaginer leur relation passée.

Leur courte rencontre est rythmée par les 3 temps des 3 infusions du thé. En peu de mots, l'autrice arrive à nous faire imaginer leur vie l'un sans l'autre, l'un avec l'autre pour quelques moments d'intimité suggérée, c'est fait avec beaucoup de talent.

On peut entrevoir dans ce texte la vie passée, la vieillesse présente et l'avenir proche de la fin.

L'écriture est délicate, poétique, elle nous enveloppe avec finesse dans cette "pluie des prunes qui tombait sans discontinuer légère, morne, silencieuse" dans cette ruelle de peut-être la dernière rencontre.

Merci à mes amis babéliotes pour leurs partages amenant à cette belle découverte !

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Une taille de guêpe

C'est une courte nouvelle qui m'a été proposée par mes ami.es babelionautes et j'ai sauté immédiatement sur l'occasion afin de pouvoir rajouter à mon tour une perle au collier de la communauté.

Je me suis plongé avec délice dans cette histoire hors du temps. On se retrouve dans une ville chinoise proche du fleuve Yangtsé. Dans un décor urbain délavé par les fortes pluies, où on ne distingue que l'ombre des choses et des hommes. Et là, on suit la trace humide d'un vieil homme Gao qui vient rendre visite à une amie aussi âgée que lui. Un vrai parcours initiatique que cette rencontre entre ces deux êtres que tout semble au départ séparer.



Il finit de monter. Levant la tête vers lui, elle lui demanda d'un ton doux et paisible : « Vous êtes venu ? »« Oui », dit le vieil homme. Il ressentit un grand soulagement, tel l'oiseau rentré au nid à la nuit, comme s'il revenait là chaque jour.



Une fois ensemble dans cette même pièce, on veut comprendre la relation qui les a unis. Mais l'auteur Chi Li par pudeur ou par respect pour leurs âges respectifs laisse planer un doute. Et dans cette atmosphère de clair-obscur digne d'un tableau de Rembrant, on va pénétrer par petites touches dans l'intimité d'Elle à la taille de guêpe malgré son âge et Lui au ventre rebondi à cause du sien. Et il y a aussi cette cérémonie du thé avec ses silences, ses odeurs, ses lumières, ses postures, son temps qui passe.



Le visage du vieil homme était parcouru de profondes entailles. Son visage à elle était strié de petits plis en long et en large. Un livre mystérieux dont ils étaient les seuls à savoir déchiffrer les arcanes.



Et puis au bout du temps, quand les cheveux deviennent gris, qu'on arrive au crépuscule de sa vie, on veut pouvoir vieillir avec un être aimé ...



Il faut que tu partes, dit-elle.



J'ai bien aimé pour Elle ses deux mains aux os fins, je n'ai pas aimé pour Lui son geste déplacé car c'est fragile une taille de guêpe. Une larme c'est à la fois sucrée et salée. La pluie des prunes continuait toujours de tomber. La terre et le ciel ne faisaient plus qu'un. Il faut laisser la nature suivre son cours et refermer lentement la dernière page de cette merveilleuse nouvelle. A lire pour l'aimer indéfiniment.



Et le vieil homme entra dans un long hiver...

Un singe en hiver. Antoine Blondin.



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Une ville à soi

Voici un petit livre qui ne mérite pas d'être si peu connu.

C'est l'histoire d'amitié entre Mijie, qui tient une boutique de cirage de chaussures et Fengchem, jeune femme qui va devenir son employée pour échapper à son mari qui la délaisse. La relation entre ces deux femmes est loin d'être simple et tranquille, elle sera même par moment, tumultueuse. A travers cette amitié Chi Li, nous parle de la vie des femmes en Chine. Il y a un va et vient entre l'intimité qui se joue entre ces deux femmes et l'évolution de la société, qui est cernée de valeurs morales très présentes et quelques peu aliénantes. Alors oui, j'ai aimé m'immerger dans la vie de ces deux femmes et dans la grande ville de Wanchu.

Je trouve qu'il n'est pas facile de parler de ce livre qui peut paraître "simpliste" mais qui est pourtant, selon moi, une fresque intéressante et intimiste de la vie chinoise qui va bien au-delà de l'histoire d'amitié.

Un petit plus pour la couverture que je trouve très belle est à noter. C'est toujours agréable d'avoir entre les mains un bel objet.
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Tu es une rivière

Un énième roman de Chi Li dans lequel elle raconte la misère de la Chine dans la deuxième moitié du XXe siècle. Une réalité dure et crue que l’auteure n’essaie pas d’atténuer, d’enjoliver ni de rendre plus attrayante à lire grâce à des artifices ou une certaine poésie propre à la littérature asiatique. Quoique, j’y pense, c’est peut-être plus spécifiquement japonais. Dans Tu es une rivière, l’auteure s’intéresse à Lala. Le roman s’ouvre sur la mort de son mari, elle se retrouve veuve avec sept enfants sur les bras. Plutôt que se marier à nouveau (on se bouscule même au portillon) ou chercher un emploi à l’usine, elle fait travailler sa progéniture à la maison. La vingtaine d’années qui suivent racontent leur quotidien, comment l’un besogne sans relâche, comment l’autre tente de poursuivre ses études, comment tel autre doit recourir au larcin ou bien tombe gravement malade, etc. C’est un quotidien misérable. Et la mère qui se bat pour les garder tous auprès d’elle, même quand le gouvernement veut les lui enlever. Il faut reconnaître son ingéniosité. D’autant plus que sa relation avec certains de ses enfants n’est pas toujours la meilleure. Comme je l’écrivais plus haut, c’est dur et ça se ressent sur chaque ligne de chaque page. Heureusement que le roman n’en a qu’une centaine, je ne crois pas que j’aurais pu continuer s’il en comptait le double. Aussi, l’auteure évite les longues descriptions qui auraient alourdi le texte. Le dénuement et la détresse, à petites doses s’il vous plaît. Pour finir, Tu es une rivière offre une perspective assez lucide sur les effets négatifs de la Révolution culturelle et des autres décisions politiques du régime chinois de l’époque. C’était instructif.
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Une taille de guêpe

Comment résister à cette nouvelle que me conseillent mes ami.es ? Comment ne pas ajouter à ce collier de lecteurs que nous formons une nouvelle petite perle ?

Découverte par mh17 sur le site chinese-shortstories, « Une taille de guêpe » est une nouvelle de seulement trois pages, publiée en 1986.



*

Ce qui m'a tout de suite plu, c'est l'ambiance que créée Chi Li en seulement quelques mots et dans laquelle je me suis immergée immédiatement, avec délice.



« Une fine pluie des prunes tombait sans discontinuer, légère, morne, silencieuse.

Le crépuscule gagnait, le ciel était sombre, la terre évanouie ; à proximité ou dans le lointain, tout devenait indistinct. »



Indistinct est le mot qui me vient aussi à la lecture de cette nouvelle. Tout est sombre, serpentin, sibyllin, caché à l'image de cette nuit pluvieuse qui forme un rideau de brume qui occulte au lecteur le passé des deux personnages de cette histoire.



*

Le vieux Guo se rend chez une dame âgée. On ressent tout de suite une très grande complicité entre eux, une complicité qui n'a besoin que peu de mots.

Et en effet, entre eux, il y aura peu de paroles. Les émotions passent à travers le rituel de la cérémonie du thé, nous laissant à nos interrogations.

Le lecteur ne fait que deviner les liens qui les unissent si tendrement.



« Elle était assise les genoux serrés, les pieds collés l'un contre l'autre – les épaules étroites, la taille fine, les doigts délicats, et une expression de douceur et de sérénité dans une distance toute de simplicité. Assise ainsi, elle avait la patine et l'arôme du temps, et son air de douceur et de sérénité, souligné par cette humble distance, se transmettait imperceptiblement au vieil homme. »



On sent une distance entre eux, mais aussi une intimité profonde.

Le silence n'est pas gênant, au contraire, il les enrobe dans un cocon de douceur qui les isole du monde extérieur. Ils se regardent et chaque nouvelle ride apparue sur le visage de l'autre est comme une carte qui en dit long sur les épreuves de la vie, les non-dits, les secrets de l'autre.



Les souvenirs affluent dans leur esprit, et le lecteur, sourd à ce dialogue, n'en reçoit que des fragrances.

Les odeurs de thé emplissent la pièce, l'atmosphère s'apaise, comme si le thé apportait un baume sur les souffrances intérieures du vieil homme.



*

J'ai aimé la douceur mélancolique de ce récit. La vieille femme dont on ne connaîtra même pas le nom est celle qui apparaît la plus énigmatique. Pleine de sagesse, elle insuffle douceur, chaleur et apaisement.

Tandis que sa taille de guêpe laisse entrevoir sa fragilité, sa douceur, ses tourments, elle révèle aussi sa force de caractère.



« Elle avait des cheveux d'un blanc de neige, et un visage du même blanc, plein de bonté et de noblesse. Dans sa joue gauche se dessinait une fossette comme creusée dans cette surface neigeuse par quelque larme chaude, à l'endroit même qui faisait autrefois tout le charme d'une femme. »



*

Pour conclure, ce récit tout en délicatesse est une très belle rencontre avec une auteure qui m'était jusqu'à aujourd'hui inconnue. J'ai aimé cette atmosphère mystérieuse, mélancolique et sombre, les jeux de contraste amenant un clair-obscur à cette rencontre.



Chi Li, avec une tendre ironie, parle ici des destins qui se croisent, mais finissent par diverger, apportant une très belle réflexion sur la destinée, la solitude, le sens de la vie.



Je vous remercie, chers ami.es, pour ce beau moment de lecture partagée.
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