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Citations de Curzio Malaparte (230)


Dans cette pièce tiède aux parquets couverts de tapis épais, éclairée par cette lueur de miel froid que donnaient la lune et la flamme rose des bougies, les paroles, les gestes, les sourires des jeunes femmes évoquaient avec envie et regret un monde heureux, un monde immoral, jouisseur et servile, satisfait de sa sensualité et de sa vanité. Et l'odeur morte des roses, l'éclat éteint de l'argenterie ancienne et des vieilles porcelaines, le rappelaient à la mémoire avec une impression funèbre de chair putréfiée.
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Le fascisme, ce sous-produit de la civilisation catholique, cet ultime avatar de la Contre-réforme, ne pouvait pénétrer dans l’Allemagne de Luther, de Kant, de Goethe, de Bismarck que par la frontière avec la Bavière. Ce n’est pas le dogmatisme de l’Eglise de Rome qui entre avec lui dans le Reich : mais le principe corruptif et dégénératif contenu dans les défauts de la mentalité catholique.
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“Mais le combat ne montre rien de sa dure réalité : hommes et choses sont estompés par la brume argentée de l’aube marine, la fumée des explosions, le brouillard artificiel que les avions laissent tomber du ciel pour dissimuler et protéger les opérations de débarquement.”
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- La peau, répondis-je à voix basse, notre peau, cette maudite peau. Vous ne pouvez pas imaginer de quoi est capable un homme, de quels héroïsmes, de quelles infamies il est capable, pour sauver sa peau. Cette sale peau. (Ce disant, je saisis avec deux doigts la peau du dos de ma main, et la tiraillai en tous sens.) Jadis on endurait la faim, la torture, les souffrances les plus terribles, on tuait et on mourait, on souffrait et on faisait souffrir, pour sauver l'âme, pour sauver son âme et celle des autres. On était capable de toutes les grandeurs et de toutes les infamies, pour sauver son âme. Aujourd'hui on souffre et on fait souffrir, on tue et on meurt, on fait des choses merveilleuses et des choses terribles, non pour sauver son âme mais pour sauver sa peau. On croit lutter et souffrir pour son âme, mais en réalité on lutte et on souffre pour sa peau, rien que pour sa peau .
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[Suite au bombardement de la cathédrale de Naples, un homme répond une rumeur suivant laquelle la châsse contenant les fameuses reliques de Saint Janvier aurait été détruite]
Un mot sortit clairement de sa bouche: « O’ sangre ! ». Je reculai, surpris et apeuré. Ce mot me répugnait. Pendant quatre ans, un mot terrible, cruel et dégoûtant, un mot allemand « Blut, Blut, Blut ! » avait frappé mon oreille comme le glouglou d’une eau gargouillant d’un tube: « Blut, Blut, Blut ! ». Maintenant ce même mot en italien, « sangre », m’inspirait de la peur et du dégoût, me donnait la nausée. Mais, dans cette voix, dans cet accent, il y avait une résonance qui me parut merveilleuse. C’était un mot doux…
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Le lieutenant tombe à son tour. « Si je meurs, ne me laisse pas ici », murmure l'officier à son ordonnance, le chasseur alpin Calusia (Calusia est le nom que se sont donné les chasseurs alpins de Bergame). C'est un Bergamasque puissant, au visage innocent et bon, qui balbutie en dialecte quand il est ému, et rougit. « Ne me laisse pas ici, Calusia, ramène-moi chez moi, à Naples. Chez ma mère. Palazzo Pigatelli, Monte di Dio, Naples… »
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À ce moment la porte s'ouvrit, et sur le seuil, précédés par le majordome, quatre valets en livrée apparurent apportant, sur une espèce de brancard recouvert d'un magnifique brocart rouge aux armes des ducs de Tolède, un énorme poisson couché au milieu d'un immense plateau d'argent.
Un "oh" de joie et d'admiration parcourut la table, et en s'écriant : " Voici la Sirène !" le général Cork se tourna vers Mrs. Flat, et s'inclina.
Le majordome, aidé des valets, déposa le plateau au milieu de la table, devant Mrs. Flat, et recula de quelques pas.
Tous regardèrent le poisson, et pâlirent.
Un petit cri d'horreur s'échappa des lèvres de Mrs. Flat, et le Général Cork blêmit.
Une petite fille, quelque chose qui ressemblait à une petite fille, était étendue sur le dos au milieu du plateau, sur un lit de vertes feuilles de laitue, dans une grande guirlande de branches de corail. Elle avait les yeux ouverts, les lèvres mi-closes : et contemplait d'un regard étonné le Triomphe de Vénus peint au plafond par Luca Giordano. Elle était nue : mais sa peau brune, luisante, du même violet que la robe de Mrs. Flat, modelait exactement comme une robe ses formes encore hésitantes et déjà harmonieuses, la ligne douce de ses hanches, la légère éminence de son ventre, ses petits seins virginaux, ses épaules larges et pleines.
(Chapitre VII - Le dîner du Général Cork - pages 319 à 322 de l'édition Livre de Poche de 1963).
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Nous étions des hommes vivants dans un monde mort. Je n’avais plus honte d’être un homme. Que m’importait que les hommes fussent innocents ou coupables ? Sur la terre, il n’y avait que des hommes vivants et des hommes morts. Tout le reste ne comptait pas. tout le reste n’était que peur, désespoir, regrets, haine, pardon, espérance.
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C’était un silence horrible. La lumière était morte, l’odeur de l’herbe, la couleur des feuilles, des pierres, des nuages errant dans le ciel gris, tout était mort au fond de ce silence immense, vide et glacé. J’éperonnai mon cheval, qui se cabra et s’élança au galop et je m’enfuis, pleurant et criant à travers la steppe, dans le vent noir qui courait çà et là dans le jour clair, comme un cheval aveugle.
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Quelque chose me troublait dans cette toile. Ce n’était pas le visage de cire du mourant, ni la pâleur des serviteurs, ni la richesse fastueuse de l’immense salle resplendissante de miroirs, de marbres et de dorures : mais le bouquet de roses que le mourant serrait dans sa main. Ces roses, d’un vermeil vif et tendre, semblaient faites de chair, d’une chair rose et tiède de femme. Une sensualité inquiète s’exhalait de ces roses, en même temps qu’une douceur pure et affectueuse : comme si la présence de la mort ne ternissait pas la délicatesse vive et limpide de ces pétales de chair, mais ranimait en eux cet orgueil qui est le triomphe éphémère, et éternel, des roses.
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- pour les peuples vaincus, dis-je, tous les vainqueurs sont des hommes de couleur.
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Quel pays merveilleux, l’Italie ! pensais-je. Quel autre peuple au monde pourrait-il se payer le luxe d’offrir à une armée étrangère, qui a détruit et envahi sa patrie, une Sirène à la mayonnaise garnie de coraux ?
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Elle était pâle, et des larmes brillaient dans ses yeux. j’étais content qu’elle fût émue, je lui fus profondément reconnaissant de ces larmes. Je l’avais mal jugée : Mrs Flat était une femme de cœur. Si elle pleurait pour un poisson, elle finirait bien, un jour ou l’autre, par avoir pitié du peuple italien, par pleurer aussi sur les deuils et les souffrances de mon pauvre peuple.
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- La faim, la faim, toujours le même prétexte, dit Mrs Flat.
- Quand vous rentrerez en Amérique, dis-je, vous aurez au moins appris ce fait atroce et merveilleux : que la faim, en Europe, on peut l’acheter comme un objet quelconque.
- Qu’entendez-vous par acheter la faim ? me demanda le général Cork ?
- J’entends acheter la faim, répondis-je, les soldats américains croient acheter une femme, et ils achètent sa faim. Ils croient acheter l’amour, et ils achètent un morceau de faim. Si j’étais un soldat américain, j’achèterais un morceau de faim, et je l’apporterais en Amérique pour en faire cadeau à ma femme, pour lui montrer ce qu’on peut acheter en Europe avec un paquet de cigarettes. C’est un beau cadeau, un morceau de faim.
- Les malheureuses qui se vendent pour un paquet de cigarettes, dit Mrs Flat, n’ont pas l’air d’avoir faim. Elles semblent se porter fort bien.
- Elles font de la gymnastique suédoise avec la pierre ponce
- What ? s’écria Mrs Flat en écarquillant les yeux.
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Vous êtes un peuple heureux, dis-je, vous ne pouvez pas comprendre certaines choses.
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Nous aussi, dans notre jeunesse, nous avions été vendus. C’est la destinée des jeunes, en Europe, d’être vendus dans la rue par la faim ou par peur. Il faut bien que la jeunesse se prépare, et s’habitue, à jouer son rôle dans la vie et dans l’Etat. Un jour ou l’autre, si tout va bien, la jeunesse d’Europe sera vendue dans la rue pour quelque chose de bien pire que la faim ou la peur.
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Il me semblait que ce vieux mur était quelque chose de vivant, un mur de chair où apparaissaient toutes les aventures de la chair humaine, depuis la rose innocente de l’enfance jusqu’à la verte et jaune mélancolie de l’âge déclinant. Il me semblait que ce mur de chair se fanait peu à peu : et ces blancs affleuraient, ces verts, ces ivoires, ces jaunes blêmes de la chair humaine déjà fatiguée, déjà vieille, déjà sillonnée de rides, déjà tout près de la dernière et merveilleuse aventure de la décomposition. De grosses mouches erraient en bourdonnant sur ce mur de chair. Le fruit du jour devenait blet, pourrissait lentement, et dans l’air las déjà corrompu par les premières ombres du soir le ciel, ce cruel ciel de Naples, si pur, si tendre, jetait un soupçon, un regret, un bonheur triste et fugitif. Une fois de plus, le jour mourait.
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Je me demandais avec stupeur, comment, de ma génération, forte, courageuse, virile, d’hommes formés dans la guerre, dans la lutte civile, dans l’opposition individuelle à la tyrannie des dictateurs et des masses, comment d’une génération mâle, non résignée à mourir, et non point vaincue, malgré les humiliations et les souffrances de la défaite, avait pu naître une génération aussi corrompue, cynique, efféminée, aussi tranquillement et doucement désespérée.
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Personne, en Russie, n'a le droit de se soustraire au travail commun, aux sacrifices communs, de déserter sa place de fatigue, de souffrance, de lutte, de trahir la cause de la révolution. Maïa kovski a trahi la révolution.
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Il y avait parmi ces êtres nus, assis sur le banc du bas, un homme que je crus reconnaître. La sueur coulait le long de son visage aux pommettes saillantes où les yeux myopes, privés de leurs lunettes, brillaient d'un éclat blanchâtre et mou, semblable à celui des yeux de poisson (...).
De grosses gouttes de sueur glissaient le long de la poitrine et ruisselaient sur la peau de ce tendre ventre pour se réunir sur le pubis comme de la rosée sur un buisson. Au-dessous du pubis pendaient, rabougris et mollasses, deux petits œufs dans un sachet de peau flétrie, froissé comme un sac de papier : il semblait fier de ces deux œufs comme Hercule de sa virilité (...).
Quand Dietl leva le bras et dit "Heil Hitler !" l'homme se mit debout, et je le reconnus. C'était le personnage de l'ascenseur : c'était Himmler. Il se tenait debout devant nous, ses bras courts pendant le long du corps. Un ruisseau de sueur lui jaillissait du bout des doigts comme une source. De son pubis aussi jaillissait un flot d'eau; si bien qu'Himmler ressemblait au Mannekenpis de Bruxelles.
(chapitre XVI).
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