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EAN : 9782710368144
224 pages
La Table ronde (16/02/2012)
3.56/5   9 notes
Résumé :



Malaparte a commencé à écrire Muss en 1931. Ce devait être une biographie, Le Caporal Mussolini, qui serait confiée à Grasset. Il l'a retravaillé en 1943-1945, puis après-guerre, mais le projet est resté inachevé. Muss est une brillante analyse historique des conditions d'émergence du fascisme, de son inscription dans l'histoire italienne, une préfiguration aussi de ce que sera l'Allemagne d’Hitler à partir de ce qu'il voit de l'Italie de Mus... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
A travers un essai atypique qui se prolonge par une satire romanesque, Curzio Malaparte dessine à partir de 1933 et d'un trait très personnel, le fascisme mussolinien des années 30 jusqu'à sa chute.

Désavoué par les dirigeants du régime, ignoré de Mussolini, Malaparte saisit l'opportunité d'une tentative de biographie pour entrer en dissidence et dresser un portrait du Duce à l'italienne dans lequel la désinvolture se dispute à la clairvoyance. le ton n'est jamais neutre, il est souvent narquois.
Ce recueil serait-il le résultat d'une blessure d'orgueil ?
Malgré les dénégations de l'auteur, l'oeuvre ressemble néanmoins à un pamphlet anti-Mussolini dans lequel l'auteur s'attarde avec acrimonie sur la personnalité égocentrique et les défauts du dictateur italien, à défaut d'analyser les idées politiques et la doctrine fasciste.

Toutefois, Malaparte a l'intelligence de ne pas réduire les textes en une simple caricature. Dans une langue tour à tour enjouée, méprisante mais toujours élégante, le journaliste décortique habilement les mécanismes de manipulations psychologiques utilisées par Muss pour convertir le peuple italien au culte du chef, rouage qui a indiscutablement façonné et installé le fascisme en Italie. Il appuie sur la ferveur religieuse italienne opportunément détournée par le dictateur pour accéder au pouvoir.
Cependant, loin de revendiquer une posture démocratique, Malaparte affiche certes un discours passionné mais sans attache idéologique. Il badine, joue avec la vérité pour appuyer ses réflexions. Il use de répétition et d'éloquence pour railler Mussolini et expliquer l'hypocrisie populaire, arborant ostensiblement une certaine arrogance, celle-là même qu'il condamne provenant du dictateur. Jamais d'attaque directe dirigée contre les fondements du fascisme, seulement une dénonciation des « crimes contre la conscience »_ liberté d'expression chère à l'auteur.

Ainsi face au fascisme de Mussolini, Curzio Malaparte donne l'impression de cultiver une certaine révolte esthétique, un anticonformisme bourgeois que l'on retrouve dans la structure même de cet essai : les réflexions brillantes ne sont jamais exposées de manière péremptoire, elles émergent subtilement au sein d'un texte confus, parfois contradictoire, souvent ironique. Voire absurde, en témoigne la fable le Grand Imbécile dans laquelle l'auteur met en scène un soulèvement populaire sous la forme d'une joute verbale qui peut apparaître farfelue pour le lecteur. Mais ô combien audacieuse puisque dans un style enfiévré et volubile, l'auteur reprend une vieille tradition latine du persiflage visant à couvrir de ridicule le Duce rebaptisé le Grand Imbécile. Une allégorie visant finalement à louer le courage goguenard du peuple italien face à l'oppression.

Ces textes auraient pu retentir comme une violente charge contre le fascisme mais la nature profondément italienne de Malaparte rappelle que l'Histoire ne s'inscrit pas forcément dans de grands mouvements idéologiques, elle est également tributaire des tempéraments des hommes qui la font.
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Grâce à la lecture de ce livre, j'ai pu faire une nouvelle rencontre, celle d'un nouvel écrivain, que je connaissais à peine. Voilà tout ce que je demande au livre : m'étonner ! Merci aux éditions La Table Ronde.
De son vrai nom, Kurt-Erich Suckert, Curzio Malaparte (nom qu'il a choisi par opposition à Bona-parte ; cela montre déjà la démesure du personnage), journaliste et écrivain, est avant tout un intellectuel très engagé- et même enragé- qui a vécu la période trouble des deux dernières guerres qui ont déchiré l'Europe. Cet auteur, italien par sa mère, toscan et fier de l'être, s'est engagé très tôt dans l'histoire en participant dès l'âge de 16 ans aux combats de la première guerre mondiale dans l'armée française, et est devenu ensuite fasciste révolutionnaire. Il garda apparemment tout au long de sa vie une franche liberté de pensée, qui ne plût pas à beaucoup de ses compatriotes. Il dénonça très vite, dès le début des années 30, l'imposture d'un Mussolini, d'un Lénine et d'un Hitler, leur arrivisme, leur démagogie mais aussi l'aveuglement des peuples. Aucune complaisance chez cet auteur ! Il en paya d'ailleurs le prix par la relégation en résidence surveillée. Par après, il fut correspondant de guerre en Europe de l'est (raconté dans « Kaputt » 1943) puis participa à la libération de l'Italie (sujet de « La Peau » 1949). Il devint même communiste à la fin de sa vie…

Le premier texte intitulé « Muss » devait être au départ une biographie du dictateur italien. Il fut commencé en 1931, interrompu plusieurs fois et reprit dans les années cinquante. Il changea d'objectif et devint finalement une réflexion sur la relation du fascisme avec l'histoire, avec les italiens, et avec le national-socialisme allemand. Ce mouvement politique, essentiellement italien, y est montré comme restaurateur d'un ancien ordre classique, comme dernier avatar de la Contre-Réforme du XVIème, mouvement de redressement de la foi catholique face à l'émergence protestante. Mussolini est présenté comme Dieu le Père car ainsi le considérait ce bon peuple italien très croyant et aimant les saints. Malaparte dirigera essentiellement ses attaques contre le Duce, décrit comme un bonhomme sans scrupules, voulant se faire idolâtrer.
Son style est baroque et pourrait être rapproché de celui d'un Céline. le ton est net, dur et tranchant par moment, et grandguignolesque à d'autres.

Dans le second texte, intitulé « le Grand Imbécile », la charge reste mais les diatribes prennent un ton très satirique, voire très caricatural, afin de susciter le mépris pour le personnage. La cible des attaques sont surtout les caractéristiques physiques de Mussolini – ce qui nous vaut des descriptions grinçantes, folles, clownesques du chef fasciste. Mais en fin de lecture, je l'ai vu comme une réflexion sur les dictatures, ainsi que d'une analyse de la relation du peuple avec son chef et de la « nature italienne ». Certaines considérations peuvent d'ailleurs nous aider à décoder les événements politiques contemporains.
Malaparte ne mâche pas ses mots et cela me plaît beaucoup. La langue de bois, il ne connaît pas ; mais la langue de vipère, bien ! Ses mots sont des coups de massue, qui peuvent faire très mal. Après avoir refermé le livre, j'ai la nette impression d'avoir découvert un nouvel univers, étonnant, d'un écrivain très, très surprenant.
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Muss mêle tout à la fois l'essai politique, la satire violente, le pamphlet, et des fragments de récits autobiographiques concernant les relations personnelles, conflictuelles, entre le dictateur et l'écrivain engagé, qui fut membre et grand théoricien du Parti Fasciste Italien avant de s'affirmer comme l'un des plus farouches opposants au mussolinisme.

Dans un style flamboyant, Malaparte accumule les attaques virulentes contre le Duce et son régime, et, en parallèle, contre Hitler et le nazisme, en utilisant la dérision et la caricature.

« Mais Hitler a-t-il vraiment l'étoffe d'un grand homme ? D'après Mussolini lui-même (qui doit avoir une certaine expérience des grands hommes de son espèce), on pourrait croire qu'Hitler n'est rien d'autre qu'un homme assez gras, de taille moyenne, aux moustaches ridicules, qui marche en se dandinant, et dont la seule force consiste en sa capacité à se faire passer pour une sorte de Jules César tyrolien. Ce jugement de Mussolini serait peut-être juste s'il n'était entaché d'une pointe de jalousie. On pourrait de toute façon objecter que Mussolini aussi est un homme gras, de taille moyenne, qui marche en se dandinant, et dont la seule force consiste à se faire passer pour une espèce de Jules César à la veille de la conquête des Gaules » (page 47).

Pour Malaparte, Mussolini a dévoyé la révolution fasciste pour la seule satisfaction de son ego.

« Or, pour Mussolini, la dictature n'était que le moyen d'imposer aux Italiens l'idolâtrie de sa personne» (page 87).

La haine de l'écrivain s'exprime à son paroxysme, en des phrases à la fois lyriques et crûment réalistes, lorsqu'il relate les exactions dont il a lui-même été victime :

« Tu ne sais pas combien je t'ai haï, Muss. Combien de fois je t'ai craché à la gueule, dans ma cellule de Regina Coeli, la cellule n° 461 du 4e secteur, dans la puanteur des punaises et de la moisissure, dans l'odeur des excréments qui s'exhalait du seau… » (page 120).

Mais la mort refait du tyran un homme, devant la dépouille de qui Malaparte oublie sa haine pour déplorer la lâcheté collective :

« Ce qui comptait, c'était qu'il était un vaincu, que tous l'avaient renié, qu'ils l'avaient tué comme un chien, pendu par les pieds, couvert de crachats et d'urine, au milieu des hurlements féroces d'une foule immense qui, la veille encore, l'applaudissait, lui lançait des fleurs par les fenêtres » (page 145).



Le Grand Imbécile est une mise en scène burlesque de la rébellion imaginaire de la cité du Prato, chère au coeur de l'auteur, contre un Duce grotesque à qui les Pratois opposent une chatte, attachée sur les remparts selon une ancienne tradition.

Les cinéphiles y revivront l'épisode du film 1900 de Bertolucci, dans lequel le fasciste éventre d'un coup de tête une chatte pendue à un mur.

L'écriture y est d'une admirable fluidité, le texte semble avoir été rédigé d'un seul trait de plume, la charge contre le dictateur y est continue, exacerbée, soutenue par une expression ponctuée d'invocations, d'exclamations : un long cri, un défoulement, un soulagement vomitoire, libératoire, sur cinquante pages qui se lisent sans reprendre souffle.
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Ce petit ouvrage de Malaparte comprend deux essais, tous deux centrés sur Mussolini. Un personnage historique sur lequel, finalement, j'ai appris peu de choses durant ma scolarité, hormis quelques grandes dates. contrairement à Hitler.

Dans Muss, tout d'abord, Malaparte entreprend de tracer le portrait du dictateur. Non pas un portrait politique, mais dans un cadre plus large, le portrait de l'Italie mussolinienne et de l'époque qui a permis l'émergence de la dictature. Et il faut reconnaître que l'auteur n'y va pas de main morte avec ses compatriotes. Car pour lui, Mussolini est avant tout un italien, avec les défauts qu'ils considère inhérents aux italiens en général. Et en particulier le mysticisme catholique, qui était pour lui la condition majeure pour l'établissement du culte de la personnalité.
Car dans le fond, le Mussolini qu'il nous montre est un homme ambigu: un orgueilleux narcissique , mais timide et influençable. Un type qui se veut à la fois homme du peuple et César. Un pauvre type, sans envergure. Un petit chef qui s'est retrouvé presque par hasard propulsé à la tête de l'état, et qui, comme tout petit chef parvenu, a vite pris le chemin de l'abus de pouvoir.
La position de Malaparte aussi est ambigüe. Ayant rencontré Mussolini à plusieurs reprises, il oscille entre compassion pour l'homme tout court derrière l'homme politique, et haine franche pour le dictateur qui l'a fait emprisonner.
Le problème de ce texte, inachevé, est qu'il a été rédigé sur une vingtaine d'années, avant et après l'exil de l'auteur, remanié. D'où cette hétérogénéité, pas franchement gênante, mais qui donne l'impression de se contredire par moments.
Muss est complété par un court texte issu de " il y a quelque chose de pourri", où Malaparte parle de sa mère, fervente admiratrice de Mussolini. C'est elle d'ailleurs qui le surnommait Muss. Il y est également question de la mort de Mussolini. Ou plutôt de ce qui a suivi: le dictateur mort, trainé dans les rues,le cadavre livré a la vindicte populaire, conspué par ceux qui le soutenait encore quelques jours plus tôt, puis à la morgue. Ce passage est incroyable, le ressentiment de Malaparte envers le comportement indigne et ridicule de ses compatriotes est presque palpable. Pas tant la question du manque de respect au mort que celle de l'hypocrisie des italiens, de leur facilité à se rebeller contre un mort après s'être comporté avec complaisance envers la dictature pendant des années ( il y a quand même sur ce point là pas mal de mauvaise foi de la part de l'auteur, et justement , d'après lui quelques pages plus tôt, la mauvaise foi est un des principaux défauts collectifs des italiens). Toujours est-il que cet extrait prend une dimension extrêmement contemporaine, car l'histoire est un éternel recommencement. En lisant les description de la mort et de l'autopsie de Mussolini ( et malgré sa photo sur le bandeau), ce n'est pas sa tête à lui que j'ai vue, mais celle de Khadafi. Quelque 65 ans plus tard, mes circonstance, même réactions du peuple. Presque au détail près. Ca rend par contre coup le récit de Malaparte encore plus visuel.

Quand au "grand imbécile ", c'est encore Mussolini, qui perd son appellation affective de Muss pour n'être plus que le Grand Imbécile. Cette fois, Malaparte aborde le problème sous un angle plus bouffon, imagine le Grand Imbécile ridiculisé par une chatte. Partant d'une tradition ( qui a tout l'air d'une légende) qui veut que lors d'un siège, les assiégés envoient une chatte se promener sur les remparts de la ville. A charge aux assiégeants de convaincre le félin du bien fondé de l'attaque. La chatte de Malaparte devient en quelque sorte l'allégorie de la résistance, qui doit se faire non par la violence en tuant le tyran, mais par la rigolade, en le ridiculisant. En effet, on retrouve en germe l'idée de "quelque chose de pourri": Tuer un tyran au moment ou il est affaibli n'a rien de glorieux, tout au contraire, c'est ridicule et facile, c'est s'abaisser au même niveau que celui dont on veut se débarrasser. Seules la dérision et l'humiliation publiques sont une vraie victoire. Les passages où le Grand Imbécile, pérorant sur en costume militaire, tente de faire entendre au greffier des concepts comme " gloire", "grandeur', "patrie", "aigles de Rome", et se voit opposer des "Miaouuuu" pour toute réponse, sont savoureux.

Autant Muss a été écrit sur plusieurs années, autant le Grand imbécile est concis et homogène, écrit en 1943, au moment de la destitution du tyran. C'est assez intéressant d'avoir d'une part le témoignage d'un témoin direct des événements, et d'autre part, de voir son opinion évoluer au fil du temps: de la sympathie et de la compassion ( relatives) dans Muss, du mépris ouvert dans le Grand imbécile, du désenchantement total dans "quelque chose de pourri". Les trois textes se complètent et s'explicitent l'un l'autre, c'est une très bonne initiative de les avoir rassemblé. Tout ça se lit facilement, je craignais qu'une biographie d'homme politique soit un peu plus rébarbative, mais l'écriture de Malaparte est très vivante. Un document fort intéressant.

Merci à Babelio et aux éditions de la table Ronde.
Lien : http://chezpurple.blogspot.c..
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Ce livre se compose de deux textes inédits sur Mussolini, établis à partir de notes et de manuscrits en possession des héritiers de Malaparte, et publiés en Italie seulement en 1999.
« Muss » est une esquisse de biographie du Duce, ou plutôt une réflexion tirée à la fois d'anecdotes mettant en évidence les traits ridicules de sa psychologie, et d'une analyse sociologique et culturelle sérieuse du fascisme, notamment en relation avec la catholicisme (foi populaire et institution ecclésiastique). Commencée en 1931 à Paris pour paraître chez Bernard Grasset, ami de l'auteur, elle fut interrompue parce que ce dernier se sentait menacé, non sans raison, puisque son arrestation et relégation coïncidèrent avec son retour en Italie en 1933. Reprise ensuite en 1945-46 sur des tons remarquablement plus amers et aussi plus caustiques et sarcastiques, à un moment où l'auteur aurait eu tout intérêt à marquer sa position critique vis-à-vis du régime, elle ne fut toutefois pas publiée à cette époque non plus. A noter qu'un texte sur la visite de Malaparte à la morgue où gisait Mussolini, destiné à un autre ouvrage mais figurant ici (intelligemment) en appendice à « Muss », révèle une étrange pitié, assurément un sentiment de pardon et à l'évidence l'ampleur de l'ambivalence des sentiments que l'auteur vouait au dictateur. Ceci peut expliquer que l'ouvrage soit resté inédit de son vivant.

Le deuxième texte, « Le Grand Imbécile », qui remonte sans doute à 1943, est une farce hyperbolique basée sur un épisode historique réel survenu au cours du siège de Padoue en 1509 : l'auteur imagine que la fin la plus adaptée pour un Mussolini chevauchant gauchement – entravé par son gros cul – à la tête de son armée de sbires, consisterait à se trouver face à la ville natale de Malaparte, Prato, entourée de fortifications, à haranguer contre... une chatte féroce et en présence d'une population hilare !

Il apparaît donc clairement trois styles - voire trois modes d'écriture - distincts qui s'alternent au fil de ces pages : l'intimisme du récit, parfois presque dans le registre impudique du commérage et de la revanche personnelle ; la réflexivité de l'essai, surtout dans les pages de 1931 destinées à un public français jugé imparfaitement conscient de la nature et des dangers du fascisme (d'autant qu'Hitler n'est pas encore au pouvoir en Allemagne) ; la créativité purement littéraire, qui caractérise non seulement « Le Grand Imbécile » mais certaines pages plutôt poétiques ajoutées à « Muss » dans ses versions successives.

Je choisis trois extraits qui relèvent du deuxième style, dont un assez long qui constitue une intéressante prise de conscience de la propre position de l'auteur face au fascisme. (cf. mes citations)
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« C'est avec beaucoup d'amertume que je procède à l'examen des méthodes utilisées par Mussolini pour avilir et humilier systématiquement la conscience des Italiens. Pour ma part, je n'ai jamais hésité, pendant dix ans, à hausser le ton, avec une hardiesse qui m'a valu beaucoup d'ennemis mais aussi beaucoup d'amis […]
Pendant dix ans, je n'ai jamais eu d'autre préoccupation que de sauver mon âme. Il se peut que ma conduite politique n'ait pas été très avisée, que je n'aie pas fait honneur à la patrie de Machiavel […]
Mon œuvre littéraire hétérodoxe, mes imprudences politiques, mes polémiques, mes duels, mes mésaventures, la situation intenable que je me suis créée au sein du fascisme par mes positions anticonformistes témoignent de ce que tous les jeunes, en Italie, n'approuvent pas avec enthousiasme une politique qui n'a d'autre résultat que d'habituer le peuple italien à tenir les yeux baissés et à perdre peu à peu tout sens de la dignité morale et civile.
Pourtant, je me demande parfois, en écrivant ces pages, si ceux qui critiquent les méthodes appliquées par Mussolini pour réduire l'Italie à une énorme prison-modèle, décorée de bannières et d'arcs de triomphe, retentissante de musiques militaires et d'applaudissements disciplinés, dans laquelle vivent depuis dix ans quarante millions d'hommes, n'ont pas tort. » (pp. 98-99)
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Non, les tyrans, il ne faut pas les tuer, il faut les railler. Il ne faut pas les couvrir de sang mais de ridicule. C’est cela, la morale de l’histoire de l’Italie, à laquelle le peuple est fidèle depuis plus de neuf cents ans.
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« La condition indispensable pour réussir était que le fascisme n'ait ni programme défini, ni idées claires, ni buts précis. Depuis le début, Mussolini a toujours pris soin d'empêcher que la conscience de la petite bourgeoisie et des masses, dans ce chaos qu'était l'Italie d'après-guerre, trouve un point d'appui concret. Il fallait éviter que le peuple italien, sur cette mer démontée, eût une bouée quelconque à laquelle se raccrocher.
Le Duce, qui possède à un très haut degré la fourberie et le cynisme qui reviennent si souvent dans l'histoire des servitudes politiques en Italie, a eu la grande habileté tactique de faire émerger ce fond trouble de fanatisme qui alourdit et obscurcit la conscience des masses catholiques. » (p. 63)
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Le fascisme, ce sous-produit de la civilisation catholique, cet ultime avatar de la Contre-réforme, ne pouvait pénétrer dans l’Allemagne de Luther, de Kant, de Goethe, de Bismarck que par la frontière avec la Bavière. Ce n’est pas le dogmatisme de l’Eglise de Rome qui entre avec lui dans le Reich : mais le principe corruptif et dégénératif contenu dans les défauts de la mentalité catholique.
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« Au fond, la civilisation d'Europe se réduit au respect de quelques préjugés et de conventions. Parmi ces préjugés, le plus caractéristique consiste à condamner toute forme de violence illégale ; et parmi ces conventions, la plus généralement respectée est d'approuver toute forme de violence légale. Les gens honnêtes, qu'ils s'appellent Babbit ou Candide, se sentent parfaitement en règle avec leur conscience quand ils protestent aujourd'hui contre Hitler (comme jadis contre le Duce) et, dans le même temps, approuvent Mussolini avec enthousiasme. Le jour où Hitler aura réussi à légaliser la violence en Allemagne, comme Mussolini l'a fait depuis longtemps en Italie, Babbit et Candide applaudiront Hitler comme aujourd'hui ils applaudissent Mussolini. » (p. 44)
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Vidéo de Curzio Malaparte
D'après un roman de Curzio Malaparte, voici une singulière histoire. En 1943, la guerre est perdue pour l'Italie. Les libérateurs américains débarquent, et les voleurs sillonnent la péninsule. Un soldat italien, Calusia, charge une énorme caisse sur le dos de son âne. Que contient cette caisse ? Mystère… Ce que l'on sait, c'est qu'il doit livrer la caisse à Naples puis rentrer chez lui, à Bergame.
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