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Critiques de Philippe Claudel (2648)
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L'Archipel du chien

Une petite île “aux saisons inhumaines” dans L'Archipel du Chien, et soudain les cadavres de trois jeunes Noirs, probables migrants dont la traversée a tourné au désastre et que la mer a rejetés sur la rive un matin de tempête. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Et que va-t-on (en) faire ?



Ils sont six, seulement six témoins de ce drame, six personnes à qui le Maire impose le silence, l'obligation de faire comme si rien ne s'était passé, comme s'il ne s'agissait que d'un mauvais rêve. Parce que c'est plus pratique et plus simple, parce qu'il vaut mieux ne pas troubler la tranquillité des âmes, perturber les certitudes, déranger les consciences ni faire obstacle aux intérêts économiques.



Les trois cadavres, préalablement congelés, seront jetés comme de vulgaires ordures, furtivement et à la va vite, dans l'une des bouches du volcan de l'île, le Brau. Mais le silence, surtout lorsqu'il est coupable et alourdi du poids de la mauvaise conscience, a un prix - et une punition. Ils auront ici les aspects conjugués d'un Commissaire misanthrope, teigneux et obstiné, de preuves accablantes apportées par un satellite - œil divin moderne et technologique - et de la malédiction sans recours de la culpabilité, de la nature et peut-être de Dieu…



Dès les premières phrases, j'ai été littéralement happée par ce texte puissant : “Vous convoitez l'or et répandez la cendre. Vous souillez la beauté, flétrissez l'innocence. Partout vous laissez s'écouler de grands torrents de boue. La haine est votre nourriture, l'indifférence votre boussole. Vous êtes créatures du sommeil, endormies toujours, même quand vous vous pensez éveillés. Vous êtes les fruits d'une époque assoupie. (...) Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps ?” Un texte aux accents prophétiques, bibliques, frère en esprit du livre d'Isaïe, qui regarde ce monde, le juge et le condamne : “Vous ne voulez jamais voir. Je suis celui qui vous le rappelle. Je suis le gêneur. Je vois tout. Je sais tout. (...) Je suis la voix.”



L'écriture est inspirée, précise, ciselée, avec (je me répète) des passages qui ont le souffle de certains textes bibliques ; les personnages, aux psychologies travaillées, sont bien campés et fortement incarnés, bien qu'ils ne soient - comme des archétypes - qualifiés que par leurs fonctions ; et le récit, haletant, ponctué par les grondements réprobateurs et menaçants du volcan, est très bien construit avec, comme dans une tragédie antique, une montée en tension qui nous emporte au fil des pages jusqu'au dénouement.



L'oeuvre - souvent sombre - de Philippe Claudel (“Les âmes grises”, “La petite fille de Monsieur Linh”, “L'arbre du pays Toraja”...) me touche profondément. "L'Archipel du Chien", roman particulièrement désespéré, intimement dérangeant, qui nous interpelle et nous questionne sur notre époque et sur nous-mêmes, m'a bouleversée. Car “l'histoire qu'on va lire est aussi réelle que vous pouvez l'être. Elle se passe ici, comme elle aurait pu se dérouler là. Il serait trop aisé de penser qu'elle a eu lieu ailleurs. Les noms des êtres qui la peuplent ont peu d'importance. On pourrait les changer. Mettre à leur place les vôtres. Vous vous ressemblez tant, sortis du même inaltérable moule.”



Vous l'aurez compris, "L'Archipel du Chien" est pour moi un grand livre, à lire absolument.

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Les âmes grises

Au cours de l'’hiver 1917, dans l’Est de la France, les massacres dans les tranchées sont proches. Des soldats défilent, en route vers le front, conscients d’aller vers l’horreur face à la lente procession des mutilés et des estropiés croisés sur leur chemin.



Une petite fille (Belle de jour) est retrouvée noyée. Autour de ce fait divers, surnommé "L'Affaire", plusieurs personnages inquiétants vont se croiser : Destinat, le procureur mystérieux, grand bourgeois austère vu le soir du meurtre, le juge Mierck, cynique même dans les pires circonstances et le colonel Matziev, son acolyte.



Consterné par ses investigations et déductions, un policier enquête et vit en parallèle un drame personnel... Les visages de quelques femmes vont éclairer faiblement les abîmes où il sombre peu à peu.



Livre confession et enquête sur un fait divers, "Les âmes grises" sont le récit d'un homme témoin de son époque, laquelle est troublée par des événements tragiques, ceux de la guerre mais également ceux fomentés par des hommes aux âmes grises, en prise avec le mal, à la recherche de l'amour et d'un bonheur éphémère comme la vie elle -même. Ce roman apparaît donc comme une longue confession à l'issue de laquelle le narrateur choisit de rejoindre dans la mort celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Une histoire à la fois belle et sombre.

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L'Archipel du chien

C'est probablement un beau livre, je l'ai apprécié, et pourtant il m'a partiellement agacé. J'essaye, avec votre aide, chers lecteurs potentiels (merci de votre silence présent), de comprendre pourquoi.



Une piste qui me vient est qu'outre la brièveté du texte, le livre a quelque chose de théâtral. Par exemple, le fait d'appeler les personnages par leur fonction ou un surnom renforce chez eux non pas un aspect désincarné, mais un air d'archétype. Certains ont un côté bonhomme, l'inspecteur par exemple, sortirait plutôt d'une comédie de Pagnol que d'un polar nordique ; plusieurs virent à la caricature, alcooliques, épuisés ou surexcités. La façon dont un dénouement probable est annoncé indiquerait une tragédie, mais ça tourne au drame.



Si les personnages sont des archétypes, alors ce monde est désespérant. Car chacun est coupable, chacun est faible, chacun est lâche, chacun est un traître potentiel, et la foule incontrôlable : « J'aime les foules quand elles sont ainsi chargées d'électricité. Elles deviennent imprévisibles ! Tout peut arriver. Venez donc les contempler : des fauves dans la fosse qui attendent la distribution de viande. ». Significativement, un des ressorts du récit, révélé vers la fin, aurait confirmé à Baudelaire que le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise (1).



En somme, sur un sujet d'actualité, qui devrait être pour nous objet d'horreur, Philippe Claudel martèle avec lourdeur les reproches que chacun de nous devrait s'adresser, car nous sommes ces caricatures qu'il anime devant nous. Et pourtant, ces exagérations font un récit qu'on peut lire en admirant des paysages et tenu en haleine par le suspense. J'admire donc l'art de Philippe Claudel, que je lis pour la première fois. Allez, j'ose un pied de nez : je ne sais pas si c'est de l'art ou du cochon, qui vous rappellera de ne pas me prendre au sérieux.



(1) Incroyable : cette citation célébrissime peut se trouver sur le net avec un mot changé, qui en inverse complètement le sens. Vérifiez.
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Le rapport de Brodeck

Lu d'une traite... ouf... on entre dans la noirceur de l'âme humaine, de l'effet de masse qui peut pousser des hommes aux pires extrémités, quand l'"Autre" ne leur ressemble pas, est un "étranger" en leur pays, et qu'il les met face à leur propre nature. J'avais déjà lu et beaucoup aimé l'adaptation de Manu Larcenet. Puissant.
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Les âmes grises

Totalement emportée par ce texte éblouissant, dans lequel tout est parfait : l’angle par lequel le thème est abordé (un village proche du front que la guerre épargne, en apparence), la construction de l’intrigue d’une infinie finesse, qui nous fait aller de l’ombre d’un personnage à la lumière de l’autre, tous parfaitement maîtrisés, habités, crédibles, mêlant leurs nuances en une communauté d’âmes grises par opposition au noir de la guerre, le style enfin, somptueux, délicat, poignant ou drôle. Une pépite bouleversante.
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L'arbre du pays Toraja

Gros plan sur l’île de Sulawesi où vivent les Toraja. « L’existence de ce peuple est obsessionnellement rythmé par la mort ». L’auteur nous décrit à la fois le lieu et nous parle de la mort notamment l’arbre où l’on pose les nouveau-nés morts. La caméra s’éloigne un peu, montrant au passage, de vieilles Américaines siliconées qui se ressemblent toutes grâce à la chirurgie esthétique.



S’en suit une réflexion sur la vie, la mort, l’amour… car l’auteur, cinéaste de son métier, apprend qu’Eugène, son meilleur ami va mourir. Il est à une période de sa vie où l’on fait le bilan, il a divorcé mais continue à voir son ex, lors de rendez-vous dans la chambre d’un hôtel : « le couple de la 107 » qui aurait pu être le titre d’un film. En même temps, il observe une jeune femme jusque dans son intimité, dans un appartement situé juste en face du sien.



Comment se comporter vis-à-vis de quelqu’un qui va mourir ? Comment aborder l’autre ? Qu’est-ce que la maladie et la mort changent dans notre façon de nous comporter, de réfléchir…



Ce que j’en pense :



C’est une belle histoire que nous raconte Philippe Claudel, qui se trouve désemparé, en face de son ami Eugène. Le mot cancer a été prononcé et tout bascule. En Occident on a beaucoup de mal à parler de la maladie, surtout le cancer : on parle d’une longue et douloureuse maladie, comme si le mot lui-même était dangereux, voire contagieux. D’ailleurs on a changé certains termes, le terme cancérologue a disparu, on parle d’oncologue, cela fait beaucoup moins peur…



C’est sa première expérience de la mort face au cancer. Il a perdu des amis déjà mais c’était par accident (alpinisme) ou suicide. Qu’est-ce que la mort, surtout quand il s’agit de quelqu’un de jeune encore



L’auteur va jouer avec les mots ; pronostic vital ? Rémission surtout pas guérison, la notion de durée aussi : J’ai toujours trouvé admirable la force qu’ont les hommes de « durer ». P 47. Préservation de l’espèce ?



Il se demande aussi pourquoi on devient malade. Est-ce une routine qui ferait qu’on baisse la garde ? L’auteur a besoin de réponses à ses questions, donc il va interroger le corps médical et c’est ainsi qu’il fait la connaissance d’Elena qui n’est autre que la voisine qu’il observe…



J’ai bien aimé ce livre mais… il y a un bémol. J’ai eu l’impression, malgré les réflexions profondes de l’auteur, d’être dans une salle de cinéma. Il y a beaucoup d’images, de zooms, de flash-back. J’ai eu souvent l’impression de lire un scénario.



Je pense que c’est délibéré car l’auteur est un cinéaste et il a voulu que l’histoire se déroule caméra au poing. Il en joue en quelque sorte : Je me rends compte qu’écrire est une inhumation qui ensevelit tout autant qu’elle met de nouveau au jour. Le cinéma n’opère pas de la même façon, mais il est vrai qu’il n’est pas constitué non plus de la même matière. P 139



Cela me laisse une frustration. Néanmoins, son analyse me plaît car il aborde tous les sujets, toutes les réflexions sans tabous, avec une grande lucidité sur l’homme contemporain.







Note: 8/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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La petite fille de Monsieur Linh

Par petites touches légères mais terriblement justes, l'auteur nous fait partager la perte de repères de Monsieur Linh, qui a quitté son pays (qui pourrait être le Vietnam) avec sa petite fille après que la guerre lui ait pris son fils unique et sa belle-fille et détruit son village. Réfugié, il se retrouve dans un pays dont les habitants, les façons de vivre et la langue lui sont totalement étrangers ; son seul objectif : survivre pour aider sa petite fille à grandir et s'épanouir. S'ouvre alors un très long couloir sombre au long duquel, apathique, il va se plier à toutes les directives données… jusqu'à ce qu'il rencontre M. Bark sur un banc dans un parc. Ils ne dialoguent pas avec des mots (barrière des langues) mais, dans leurs solitudes respectives, ils se sont trouvés, se sont reconnus et une amitié solide va naître. Lorsque la vie les séparera Monsieur Linh va avoir un deuxième objectif : retrouver son ami.

Le coup de théâtre des dernières pages est digne du scénariste qu'est Philippe Claudel, même si, au cours du récit, certains indices pouvaient le laisser prévoir.



Vous l'aurez compris : il n'y a pas d'action, c'est un roman intimiste qui parle de manière émouvante du deuil, du déracinement, de la solitude et de l'amitié.

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La petite fille de Monsieur Linh

Monsieur Claudel, vous connaissez si bien l'âme humaine ! Souvent teintée de gris ou de noir, la voici cette fois-ci d'une nuance beaucoup plus claire.



Quelle merveilleuse amitié relie ces deux hommes ne parlant pas la même langue mais se comprenant grâce aux langages corporel et émotionnel.

L'homme, cette fois-ci, dans votre roman est capable du beau pour effacer ou soulager les souffrances.



Monsieur Claudel, avec si peu de mots (votre roman est court), vous abordez tant de thèmes différents : la guerre, la perte d'êtres chers, le déracinement, l'exil, le nouveau monde, la perte des repères, la peur, l'amour, l'amitié.



Monsieur Claudel, on dit que certains musiciens attribuent des couleurs aux notes, moi c'est à vos mots que je l'ai fait. Et là, monsieur Claudel, je viens de prendre un bain d'arc en ciel.
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Fantaisie allemande

« …Le terme fantaisie, présent dans le titre, est à entendre dans son acception musicale et poétique qui désigne, comme on sait, une œuvre où la subjectivité de l’auteur domine et qui s’affranchit du respect de règles strictes de composition ou d’harmonie. » C’est par ces mots que Philippe Claudel conclut son recueil d’histoires et il fait bien d’apporter cette précision car il n’est pas question de bluettes. Cinq nouvelles qui ont pour lien la partie de l’histoire de l’Allemagne la plus odieuse : la montée du nazisme jusqu’à la seconde guerre mondiale. Ce lien s’appelle Viktor, personnage qui traverse les époques, représentant de ce que l’homme a de plus vil en lui. Il est en pleine débâcle ce soldat honteux et apeuré qui a effacé de son uniforme toute trace dénonçant son appartenance à une idéologie monstrueuse, mais aussi ce vieillard qui se souvient de son premier amour alors qu’il n’avait que quinze ans, ce père sénile enfermé dans un hospice livré à l’insouciance impatiente et impitoyable de sa jeune aide-soignante, il est ce psychiatre cruel qui annonce la mort de son patient schizophrène à son épouse, omettant de lui préciser qu’il a été « liquidé » comme tant d’autres malades mentaux par le programme Aktion T4 d’Hitler. L’esprit machiavélique de Viktor habite ces gens sans scrupule, inhumains, qui ont commis l’indescriptible. De toute cette horreur il ne reste que cette petite fille sauvée de l’holocauste, seule tâche de lumière au milieu de toute cette noirceur, qui s’est enfermée dans sa forteresse, muette et sourde à son environnement, et qui repasse les rares souvenirs heureux qui lui restent de ses parents, les rangeant précautionneusement dans un chiffon virtuel dont elle noue les quatre coins pour qu’ils ne lui échappent pas.

Effectivement, Philippe Claudel ne respecte aucune règle stylistique dans son patchwork de destinées mais il nous offre le plaisir immense d’un ouvrage d’une grande sensibilité, où les émotions nous inondent.

Editions Stock, 170 pages.

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L'arbre du pays Toraja

Savez-vous que près d’un village du pays Toraja en Indonésie, il existe un arbre particulier ? C’est un arbre-sépulture, un arbre qui accueille en son tronc les corps des très petits enfants décédés. Ainsi confiés à l’arbre, ces petits êtres continuent ainsi à grandir en même temps que lui...



C’est parce qu’il vient de perdre son meilleur ami, que le narrateur nous embarque dans une jolie réflexion sur l’amitié, l’amour, le vieillissement et la mort. Et contrairement au thème annoncé, la lecture n’est en rien morose, elle est en fait un hymne à la vie, un engagement à aller de l’avant, à oser poursuivre.



« Nous sommes tous des arbres qui accueillons en nous des présences. »

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Quelques-uns des cent regrets

Tel un somnambule , un homme avance une valise à la main .

Après trop d'années , il va revoir celle qui lui prodigua tant d'amour et de soins : sa mère .

Elle est décédée .

Il revient l'enterrer .



Autant cette ville est inondée par la pluie qui ne cesse de tomber , autant son coeur est sec de ne jamais avoir osé revenir et excuser : elle lui a menti sur ses origines ; il s'est enfui .

Il est déchiré entre rancoeur et douleur .

Tout lui semble glauque dans cet endroit qui les a vus courir , chanter et rire , sa mère et lui.

Rien ne sera plus jamais pareil .

Comment a-t-il pu se tromper ainsi .

Comment a-t-il pu la juger et oublier le paradis .



On ne retrouve pas la simplicité , la délicatesse et la pudeur de " La Petite Fille De Monsieur Linh " .

Ici , le ton est presque agressif . Les descriptions et les portraits sont sordides et amplifient le mal-être du narrateur mais toujours avec beaucoup de poésie .

Le rythme est rapide comme pour en finir avec cette angoisse , celle de pardonner , surtout à une ....maman .



_ Le visage de ma mère reposait sur un beau coussin de satin blanc .

(... )

Mes lèvres se sont posées sur sa joue . J'ai fermé les yeux .

Je croyais revenir dans le monde de l'enfance où ces baisers suffisaient à me guérir de toutes mes douleurs .

" Embrasse-moi sans que je te le demande " , me disait ma mère , qui aimait comme moi la tendresse des mots et des corps .

Jadis , j'éprouvais comme un frisson à sentir la chaleur de son visage , son parfum , la mollesse onctueuse de sa peau .

(... )

Mais c'était il y a longtemps . Le baiser que j'ai posé sur la joue de ma mère morte s'est aussitôt glacé d'un froid de cire .

( ... )

Le visage de ma mère s'est retiré du monde . P. 106-107
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La petite fille de Monsieur Linh

À notre époque où les mouvements migratoires ont pris une ampleur presque incroyable, ce petit bouquin m'a touché, non seulement par son évidente pertinence, mais aussi, et surtout, par son style dépouillé. Avec une économie de moyens, peu de personnages, peu de pages, une retenue dans les dénonciations pourtant acerbes sur le fond, Claudel réussit à émettre des messages forts dans un emballage charmant et charmeur, en toute simplicité. Comment ne pas être ému par l'isolement total de cet involontaire réfugié, partager la tristesse de son pays perdu, l'encourager à développer sa seule source d'amitié, rugir aux normes débiles de standardisation en hébergement, déplorer l'incompréhension et l’insouciance dont il est victime? L'espoir réside-t-il uniquement dans le rêve, ou se pourrait-il que, pour une fois, le bonheur surgisse malgré tout....

Une lecture mémorable!



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La petite fille de Monsieur Linh

C'est l'histoire de Monsieur Linh et de sa petite-fille Sang Diû. Monsieur Linh a fui son pays natal, un pays en guerre où sont restés les corps sans vie de sa femme et de ses enfants. Une photographie, un peu de terre de son pays… Monsieur Linh n'a pas emporté grand-chose avec lui. Son plus grand trésor est Sang Diû, sa petite fille, petit bébé qu'il serre contre son coeur. Exilé, perdu dans une ville inconnue, Monsieur Linh trouve refuge dans un dortoir auprès d'autres réfugiés comme lui. Les jours s'écoulent, gris et moroses. Sortir lui fait peur. La ville est trop grande, les gens vont trop vite. Et puis un jour, Monsieur Linh se décide à sortir pour le bien de Sang Diû et rencontre Monsieur Bark. Les deux hommes ne se connaissent pas et ne parlent pas la même langue. Et pourtant, en partageant leur solitude respective, ils vont se comprendre et devenir amis.



« La petite fille de Monsieur Linh », récit court au style simple et poétique, nous emporte par sa profondeur et l'émotion qu'il dégage. Comment ne pas être touché par l'histoire de ce grand-père et de sa petite-fille, perdus dans un pays étranger, déracinés et sans repère ? La relation qui se tisse ensuite entre Monsieur Linh et Bark est tout simplement magnifique, empreinte de tendresse et de respect.

Philippe Claudel nous donne à lire un roman sur l'exil, l'amitié, la solitude et le deuil. Si le sentiment qui domine tout le long du roman est la tristesse, l'auteur sait heureusement distiller au bon moment ses notes d'espoir. Touchant du début à la fin.

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Les âmes grises

J'ai une fois de plus été séduite par l'écriture de Philippe Claudel. Ses livres sont toujours d' une grande profondeur. ici c'est un livre bien sombre pour ces âmes grises. J'ai eu beaucoup de plaisir à lire et découvrir ces âmes si bien décrites mais je suis aussi contente de fermer ce livre pour y voir un peu plus de blanc. Oui, je ne suis pas une grande optimiste mais je pense et m'oblige à penser qu'il existe des âmes moins grises !
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Le rapport de Brodeck

Après la seconde guerre mondiale et sa déportation dans les camps de concentration, Brodeck rentre dans son village et retrouve sa femme Emilia qui a perdu la raison et s’est enfermée dans un mutisme suite à un traumatisme.

Par la suite Brodeck va occuper un travail qui consiste à rédiger des rapports sur la vie du village (la nature, les saisons, le gibier, la flore).

Un soir il se rend à l’auberge et assiste à un meurtre qui implique des hommes et les notables du village. La victime surnommée « L’anderer » (l’autre) est un inconnu mystérieux débarqué de nulle part, mais qui au fur à mesure de son séjour a réveillé des choses qui s’étaient endormies et a mis en lumière "des vérités profondes des âmes du village".

A la demande du maire, Brodeck est contraint de rédiger un rapport suite à l’événement.

Mais la cruauté de cette mort va bousculer sa conscience.

Au fil de la lecture, l’histoire du village, ses secrets, ses silences se dévoilent et nous découvrons avec horreur que la seconde guerre mondiale a réveillé la laideur des hommes.

Brodeck fil conducteur du récit, observe les coupables du meurtre mais surtout ces notables impunis d’un passé pas très glorieux.

Certains villageois rongés par la culpabilité dénoncent à Brodeck les ignominies humaines subies par des innocents pendant la seconde guerre mondiale.

Face à ses révélations et sa conscience, Brodeck fera-t-il un acte de courage au moins une fois dans sa vie et dénoncer ses notables véreux et sans scrupules...

Et pourquoi Brodeck parmi tous ces coupables ne se sent pas tout à fait innocent ?

Garde-t-il lui aussi un secret inavouable ?



Un récit éclaté qui s’oriente au fur et à mesure de la lecture, un roman puissant qui met mal à l’aise, et vous noue la gorge.

P.Claudel arrive avec élégance et beauté dans l’écriture à dépeindre la laideur des hommes, c’est glaçant, poignant, certains passages sont émotionnellement presque insupportables, on ne peut rester hermétique à ce récit plein de douleur.

A mes yeux un roman aussi inoubliable que « les âmes grises » deux romans qui mettent en évidence les blessures, les faiblesses, les failles humaines et l’indicible horreur de l’homme.

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Le rapport de Brodeck

A peine la lecture commencée on reconnaît la plume de Philippe Claudel, poétique et ciselée, parfois incisive, toujours pleine de caractère. Il ne faut pas longtemps dans ces conditions pour s’immerger dans ce petit village au nom inconnu et déambuler dans ses rues en jetant un œil perplexe sur les habitants. Évidemment, nous ne sommes nul part et partout à la fois. Cette histoire a quelque chose d’universelle. Claudel nous raconte l’Humanité et pour nous servir de guide il a choisi Brodeck. Ne cherchez pas son prénom il n’en a pas, ça n’a d’ailleurs aucune importance. Au début j’avoue que le choix de ce personnage m’a déstabilisé. Brodeck me semblait un peu fluet, un peu faiblard pour une telle tâche. Manquerait-il de charisme, d’envergure ?

C’est là que l’on voit le talent de Claudel, ne vous y trompez pas, Brodeck est l’homme de la situation mais lui même ne le sait pas encore. Parce que Claudel nous révèle son personnage au fil des pages et le fait évoluer avec beaucoup de subtilité et de finesse. Le personnage nous devient familier de même que son passé, il prend de l’épaisseur, de la profondeur. Une évolution toute naturelle.



Brodeck est un anti-héros mais il est loin d’être dénué de qualités. Si sa fierté n’est pas sortie indemne de cette période de sa vie, il a su garder son humanité et ses valeurs, ce qui au sortir de la guerre est un luxe. Un luxe que peu d’habitants possèdent dans ce petit village. Mais comment leur en vouloir ? La peur transforme les hommes et révèlent leur nature. Ici comme ailleurs, en tant de guerre rien n’est tout blanc ou tout noir. Et en tant de paix, qu’en est-il ?

Brodeck ne s’était probablement jamais posé la question il aurait même sûrement préféré ne pas savoir mais puisqu’on le contraint à faire un rapport sur « les évènements »il va le faire. Il va même en faire deux ? Après tout n’y a t’il pas toujours deux versions pour une même histoire : l’officielle et l’officieuse ? Celle des vainqueurs et celle des vaincus ? A bien y réfléchir il y a de très nombreuses versions pour une même histoire. Mais tout ce qu’on veut de Brodeck c’est la version officielle, la politiquement correcte. Mais Brodeck ne peut se résoudre à faire ce qu’on lui demande, alors il fera aussi un autre rapport mais ce sera une véritable plongée dans l’âme humaine et personne ne sera épargné, pas même lui : couardise, mensonges, lâcheté, instinct de survie, cruauté, humilité, pardon, résilience… et puis aussi le fin mot de l’histoire. Parce que finalement tout ceci n’est qu’une histoire … une histoire qui interpelle, une histoire qui interroge, une histoire qui trotte dans nos esprits… mais juste une histoire.
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J'abandonne

Voici un livre très court, noir , pessimiste, fulgurant, lu d'une traite.

Il conte le dégoût d'un homme blessé, au bord de l'effondrement, qui refuse avec force de léguer à sa petite fille âgée de vingt- et un mois, un monde qu'il juge déshumanisé !



Le narrateur, jeune veuf, " psychologue "dans un hôpital est en fait baptisé du nom de "hyène " , surnom donné dans le petit cercle où il exerce ........

En fait , il est chargé , avec un collègue qui ne brille pas par sa finesse, d'annoncer aux familles la mort d'un proche lors d'un accident et d'obtenir leur accord : "une demande particulière " afin de prélever sur leurs corps de multiples organes nécessaires à la vie d'autres personnes ........

Il déteste ce nom qui lui fait mal jour et nuit.

Son métier le dégoûte ainsi que la bêtise et la haine de son collègue, la vulgarité et la superficialité de ses contemporains.

Il porte un regard sans complaisance sur les lâchetés et les impostures de cette société , son indifférence glacée.

Bouleversé par l'attitude d'une mére qui vient d'apprendre la mort de sa fille , il comprend peu à peu qu'il ne peut abandonner son enfant , fragile et innocent .Tout au long , diatribe ironique et désabusée, le lecteur retiendra les dernières phrases d'une infinie douceur et les images d'amour et de tendresse dédiées à sa fille !

Ce roman fort et poignant , ce cri de détresse d'un homme qui se libère, au style fluide, nous plongeant dans l'univers des dons d'organe, sans complaisance, sans cynisme et voyeurisme porte, au final , des paroles d'espoir et de rédemption.........

Je connais Philippe-Claudel, Lorrain, rencontré plusieurs fois lors de conférences à propos de ses oeuvres.

J'avais acheté ce petit livre en poche, et oublié de le lire, bien rangé dans ma bibliothèque.



J'aime beaucoup cet auteur éclectique !
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La petite fille de Monsieur Linh

Émouvante histoire d'un vieux réfugié (vietnamien? cambodgien?) la guerre lui ayant tout pris et débarquant quelque part en occident, avec un petit sac contenant la terre de son village, une vieille photo et sa toute petite fille Sang Diû qu'il serre contre lui.

Dans la grande ville sur un banc se noue doucement par gestes une amitié avec un veuf triste, le gros Monsieur Bark, et alors Monsieur Linh se sent riche.



Mais ce serait trop beau... alors Mr Linh est placé dans un château en bord de mer, un mouroir où il ne croise que des regards vides et ne connaissant pas la langue ne peut exprimer son désir de revoir son ami.



Délicieusement écrit à la manière d'un conte pour enfant, cette belle amitié m'évoquait 'Ernest et Célestine' le brave ours et la petite souris mais m'a aussi permis de mieux comprendre ce que vivent et ressentent les réfugiés de guerre arrivant chez nous.

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Les âmes grises

Un ancien policier se souvient et raconte… pendant la première guerre mondiale, la guerre sévissait à quelques kilomètres de son village situé au nord-est de la France ; on entendait le bruit des canons et on pouvait observer les combats du sommet de la colline. Mais dans son petit village, c'est un autre drame qui se déroule, un meurtre ! le roman débute ainsi, par cette énigme policière : Qui a tué « Belle de jour » la petite fille du restaurateur ? Depuis cet assassinat le village est en émoi, on épie son voisin, on suspecte son ami, tous semblent être de potentiels coupables, mais surtout ces soldats déserteurs et le taiseux procureur qui allait souvent chez Bourrache le restaurateur…

Vingt ans plus tard, ce policier, narrateur de l'histoire, tente d'élucider « l'Affaire », ce crime le tarode ...

Philippe Claudel, dans une belle écriture pleine d'émotion, aborde des thèmes tels que, la souffrance, le deuil et la mort. Il sonde l'âme humaine avec un « réalisme criant ». Il décrit des êtres solitaires rongés de remords et emplis de leurs secrets. Les femmes sont des héroïnes belles et aimées, elles éclairent ce sombre récit.

Ainsi dès les premières pages nous savons où il va nous embarquer : « Je ne sais pas trop par où commencer. C'est bien difficile. Il y a tout ce temps parti, que les mots ne reprendront jamais et les visages aussi, les sourires, les plaies. Mais il faut tout de même que j'essaie de dire. Dire ce qui depuis vingt ans me travaille le coeur. le remord et les grandes questions. Il faut que j'ouvre au couteau le mystère comme un ventre, et que j'y plonge à pleines mains, même si rien ne changera rien à rien" Ce récit est poignant et plein d'humanité, Philippe Claudel nous dit « rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne » ; justice et injustice, innocence et culpabilité, amour et haine, le mal et le bien s'affrontent mais c'est aussi la réalité, la vérité à affronter. Pour terminer, je vous livre cette belle phrase « On dit toujours que l'on craint ce que l'on ne connaît pas. Je crois plutôt que la peur naît quand on apprend un jour ce que la veille on ignorait. »



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Le Café de l'Excelsior

Jules,orphelin, recueilli par son grand-père, va vivre des moments heureux dans ce café de l'Excelsior, lieu où l'on vient noyer ses souvenirs malheureux, où malgré tout on y trouve de la tendresse, de la poésie.



À travers son regard d'enfant, Jules perçoit cette vie simple avec ce grand-père"pauvre de trop boire", dont les gestes deviennent de l'art et les mots, qui ont parfois du mal à sortir, de la poésie.

Ce grand-père lui apporte l'essentiel , l'un et l'autre pansent leurs écorchures de la vie, vivant de petits rituels et de petits moments de bonheur tout simple, même si tout n'est pas accompli dans les règles de la société bien pensante.



Petit livre avec beaucoup de poésie, de douceur et d'émotions.
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