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EAN : 9782253070641
160 pages
Le Livre de Poche (04/01/2017)
3.91/5   185 notes
Résumé :
"Elle portait des cheveux un peu plus longs que par le passé. Sa blondeur s'était mêlée d'argent. Son visage gardait la beauté simple qui en était la marque. A peine les rides l'avaient-elles tissé d'un mince réseau de blessures. Le temps s'était déposé en elle, avec sa fatigue et son poids, comme une poussière. Étaient-ce les années vécues sans la voir qui me faisaient la croire plus jeune qu'elle n'était en vérité ? "
A la mort de sa mère, le narrateur revi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Cent regrets comme autant de tortures qui vous reviennent!
Le ciel a tant pleuré sur ce village, que l'eau a atteint des coins où elle n'avait rien à faire.
On emmènera le cercueil en barque, au cimetière. Comme une sorte de Styx à passer!
Au milieux de cet élément liquide et odorant, un homme revient pour enterrer sa mère tant aimée...voici tant d'années.
L'homme prend une chambre dans un hôtel, seul client avec une folle qui hurle après son fils mort à cinq mois....
La souvenance afflue dans la mémoire de l'homme: Les voisins, les enfants de coeur, le grand-père, la grand-mère, cette mère tant aimée et brutalement quittée à seize ans. Sa mère qui a tant pleuré, sa mère qu'il a (pourquoi, mais pourquoi!?), abandonné.
Sa maman est morte, et l'homme se retrouve seul, et c'est trop tard.
L'adolescent s'est cru malin (l'est-on vraiment à seize ans) et dans son droit en exigeant une réponse que sa mère ne pouvait lui donner à aucun prix.
L'homme est nu, désormais: La vérité l'attend-elle dans certain sac à fermoir d'argent?... Et ce sac, qu'il faut vider, est-il encore dans la chambre du logement inchangé depuis le départ précipité de l'homme?
La vérité et la réponse à sa question ont-elles, au reste, encore une quelconque importance?
Ce n'est pas un roman noir, que nous propose donc Philippe Claudel, mais un roman gris, parsemé de quelques paillettes d'or que sont les souvenirs de jours heureux. C'est magistral, avec des échos que l'on retrouve dans certaines chansons tristes.
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Tel un somnambule , un homme avance une valise à la main .
Après trop d'années , il va revoir celle qui lui prodigua tant d'amour et de soins : sa mère .
Elle est décédée .
Il revient l'enterrer .

Autant cette ville est inondée par la pluie qui ne cesse de tomber , autant son coeur est sec de ne jamais avoir osé revenir et excuser : elle lui a menti sur ses origines ; il s'est enfui .
Il est déchiré entre rancoeur et douleur .
Tout lui semble glauque dans cet endroit qui les a vus courir , chanter et rire , sa mère et lui.
Rien ne sera plus jamais pareil .
Comment a-t-il pu se tromper ainsi .
Comment a-t-il pu la juger et oublier le paradis .

On ne retrouve pas la simplicité , la délicatesse et la pudeur de " La Petite Fille de Monsieur Linh " .
Ici , le ton est presque agressif . Les descriptions et les portraits sont sordides et amplifient le mal-être du narrateur mais toujours avec beaucoup de poésie .
Le rythme est rapide comme pour en finir avec cette angoisse , celle de pardonner , surtout à une ....maman .

_ le visage de ma mère reposait sur un beau coussin de satin blanc .
(... )
Mes lèvres se sont posées sur sa joue . J'ai fermé les yeux .
Je croyais revenir dans le monde de l'enfance où ces baisers suffisaient à me guérir de toutes mes douleurs .
" Embrasse-moi sans que je te le demande " , me disait ma mère , qui aimait comme moi la tendresse des mots et des corps .
Jadis , j'éprouvais comme un frisson à sentir la chaleur de son visage , son parfum , la mollesse onctueuse de sa peau .
(... )
Mais c'était il y a longtemps . le baiser que j'ai posé sur la joue de ma mère morte s'est aussitôt glacé d'un froid de cire .
( ... )
Le visage de ma mère s'est retiré du monde . P. 106-107
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Suite à l'annonce du décès de sa mère, le narrateur (dont le nom demeurera inconnu jusqu'à la fin) retourne dans son village natal. Cela fait tant d'années qu'il l'a quitté et qu'il n'y a pas mis les pieds. Tout a changé, et pas pour le mieux. Chaque pas, chaque rencontre, tout est l'occasion pour lui de le constater. C'est comme si le temps s'y était arrêté, que la modernité et la marche de l'histoire l'avaient oublié, le laissant tomber en déclin, presque en ruine, abandonné. L'arrivée du narrateur dans ce trou perdu, inondé sous la pluie, un spectacle grisâtre qui hante et donne le ton. Cette impression, cette sensation est aussi renforcée par les villageois qui croisent son chemin. Eux aussi, ils ont connu leurs heures de gloire, mais ils ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. le tenancier de l'Hotel de l'Industrie, autrefois homme riche, subvient difficilement à ses besoin grâce à son établissement que personne ne fréquente. Son épouse est handicapée à ses heures et l'unique pensionnaire est une vieille femme, à moitié folle, qui vit dans le passé. Et que dire du curé alcoolique et désabusé et de l'énigmatique croque-mort veuf ! Bref, une galerie de personnages fascinants malgré leur dégénérescence, uniques, décalés. Ils ne font qu'accentuer le sentiment d'étangeté et de malaise qui poursuit le narrateur (et le lecteur !). Décidément, la désolation est partout. Et ce jeune garçon qu'il voit au loin, à quelques reprises, est-ce un enfant égaré ou le fruits de son imagination ? Difficile à dire… un mystère de plus?

Avec Quelques uns des cent regrets, tout est propice à la nostalgie, les souvenirs (d'abord innocents), les questions auxquelles on préfère ne pas répondre. Philippe Claudel est un de mes auteurs modernes préférés pour plusieurs raisons, et sa plume extraordinaire est l'une des principales. Avec quelques mots, des phrases concises, une description d'un lieu ou d'un personnage, l'évocation d'un souvenir enfouis, un sentiment refoulé ou en suspens, il parvient à me faire visualiser des scènes entières et, surtout, à me faire ressentir toute une palette d'émotions. Avec ce roman, j'ai été intrigué, ému, attristé… même chaviré ! C'est tout un don. Surtout avec cette concision qui est la sienne (un roman si complexe en 154 pages), et son vocabulaire si juste et si beau.

Si au début le narrateur semble indifférent à la mort de sa mère ou, du moins, pas aussi affecté que quiconque le serait, c'est qu'il y a anguille sous roche. Puis, il y a cette brisure. Les souvenirs, qui jusque là se confinaient à des événements brumeux ou innocents ou carrément heureux, en ravivent d'autres beaucoup plus douloureux. Et les secrets se dévoilent petit à petit. Que s'est-il passé entre la mère et le fils ? Leur histoire est déroulée vers la fin et quelle histoire ! Je dois admettre que les vingt dernières pages m'ont beaucoup affecté. En bien, évidemment, mais quelle catharsis ! La visite que le narrateur fait de l'appartement de sa mère… ouf ! Claudel a réussi à me faire voir, comprendre la vie de cette pauvre femme, à ressentir les émotions qu'elle a vécues. (Telle est la force de persuasion de sa plume !) Accusée par son fils de l'avoir privé de son père, insultée et blessée, elle a passé le reste de sa vie seule et dans le dénument. Ça m'a beaucoup affecté, surtout quand on croit en avoir deviné la raison, je dois admettre que j'avais l'oeil larmoyant pendant cette partie de ma lecture, ce qui n'était pas arrivé depuis très, très longtemps. Et la situation du narrateur n'est guère mieux. Comment vivre avec soi-même (le deuil, les remords) après tout cela ? Heureusement, les dernières pages nous laissent sur une note un peu plus positives. Au final, Quelques uns des cent regrets est une lecture qui ne devrait laisser personne indifférent.
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"Il pleure dans mon coeur / Comme il pleut sur la ville.." s'attristait Verlaine.
Ce sont ces vers qui émergent (pour moi) des eaux de la ville d'enfance du narrateur( inondée par des pluies diluviennes) et qui s'envolent de son coeur noyé de regrets , suite au décès de sa mère (perdue de vue depuis seize ans et qu'il revient enterrer).
Le "tout est inondé depuis trois jours" du chauffeur d'autocar nous plonge déjà dans une ambiance de trépassé.
"Pour celles et ceux qu'on blesse", pose Philippe Claudel d'emblée car il est bien question de blessure ici, pour cause de non-dits et de secret de famille, ce qui rend ce roman bouleversant.Durant seize ans, il a aimé plus que tout celle qui lui a tout sacrifié, celle qui travaillait chez des riches, et, malgré sa précarité, lui offrait les succulents gâteaux du Merle blanc, celle qui l'amenait voir la tombe du soldat disparu sous laquelle gisait son père (aviateur disparu en héros lors de la guerre) sans nom apparent, celle à laquelle il écrivait des lettres d'amour en colonie,celle dont il voulait capter la fierté en gagnant quelques sous (en se faisant exploiter par des "négriers")...celle dont un sale jour, découvrant les mensonges il a interprété le passé, qu'il a mal jugée,a insultée,a blessée et a abandonnée... Quelques-uns des cents regrets pleure comme un chagrin d'enfant éperdu d'avoir trop aimé, perdu d'avoir rejeté sans chercher à comprendre, d'avoir haï en s'estimant trahi.
Quelques-uns des cents regrets (qui a obtenu le prix Marcel Pagnol en 2000) est un chef-d'oeuvre de sensibilité, un beau portrait d'homme écartelé entre passé et présent, entre joies et souffrances des souvenirs revécus à chaque pas alors qu'il revient pour l'enterrement de cette mère si malheureuse qui le portait comme un "fardeau", celui d'une faute qui en fait ne lui incombait pas.
On retrouve ici, la poésie de Parfums et les personnages glauques, (comme dans Les âmes grises) de la France profonde. Présents: l'hôtelier aux "110 kilos de muscles et de graisse", sa femme (dépressive mais alerte) dont la lubie est de se faire pousser en fauteuil roulant, le chauffeur d'autocar aux propos lugubres,le curé aux propos culpabilisants ou passés comme le grand-père indifférent habitant juste en face, l'ouvrier de l'abattoir séducteur surnommé "Merlin l'enchanteur"...
On ferme Quelques-uns des cent regrets et on le vit encore. C'est ça la magie de Philippe Claudel: permettre au lecteur de se projeter, de se dire qu'est-ce qu'un destin? Qu'aurais-je fait ou éprouvé dans un tel cas? Et moi, qui ai-je blessé et qu'ai-je donc a regretter?
Le style est élégant, imagé (ex: La ville était à tordre) parsemé parfois de plus cru (comme l'inscription de Dudulle dans les toilettes) pour permettre au lecteur de comprendre le sordide qui se trame en rentrant dans l'esprit de certains des habitants de cette ville refermée sur elle-même.
On comprend aisément, après lecture de ce deuxième roman que l'auteur ait obtenu par la suite le Prix Renaudot en 2003 pour Les âmes grises et le Goncourt général pour le rapport Broddeck!
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Naturellement il s'agit là d'un roman triste, très nostalgique... Mais j'ai aimé ce texte car je suis inconditionnelle de Philippe Claudel. Je ne puis qu'apprécier son immense talent d'écrivain, et être réceptive à cette plume envoutante. Un très grand livre encore une fois. Merci Philippe Claudel pour votre sensibilité et l'art que vous avez pour ajuster vos phrases et émotions sans pathos.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Sur la tapisserie de la chambre, des biches fuient depuis plus de trente ans les chasseurs embusqués, à l'épaule endolorie. Seule la couleur du pelage et celle du feutre des chapeaux se sont perdues un peu en cours de route, donnant de la grâce à ce qui jadis n'était qu'un papier peint du plus mauvais goût.
Tout est là : la beauté ne survient qu'après l'usure et les grandes fatigues, sans qu'on l'attende, qu'il s'agisse de celle des choses ou de celle des êtres.
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Il a bien fallu que je me décide. Jusque là, je n'avais pas vraiment osé lever mes yeux sur la ville où j'avais grandi. Je craignais trop de succomber à un repentir facile, une sorte de nausée de nostalgie, aux effets connus et ravageurs mais qui, somme toute, n'ont que peu de parenté avec la sincérité des affections profondes. Les murs sont des murs ; les rues, des routes, les voies tracées ne sont que des lignes de bitume et de gravillon. Pourquoi diable leur faire endosser une peau trop humaine?
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Elle qui fût la plus parfaite des mères, je l'ai laissée un matin, partant comme un voleur à la petite semaine, sans un mot griffonné, sans une explication, à peine en colère.J'ai tiré une porte et un trait. Je me pensait grandiose, immensément mâle.L'orgueil a fait le reste.Puis la gêne a pris le relais, ainsi que la jeunesse oublieuse, l'usure des jours qui creuse les désirs aussi sûrement que l'acide, et qui fait qu'il est de plus en plus malaisé de tendre de nouveau la main, de poussé une porte, de dire un nom.
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Les parfums des lieux où nous avons vécu gardent à jamais dans nos mémoires leurs vives empreintes, à l'inverse des visages et des voix qui s'en vont inexorables se perdre dans des puits sombres. Les respirer nous replonge, avec une vigueur toujours effrayée, dans des moments qui ne sont plus depuis longtemps. Les yeux clos, baigné dans l'odeur qui était celle de mon enfance, odeur de plancher frotté de Javel, de lavande sèche serrée dans des filets de jute et glissée entre le linge, de plâtre travaillé d'humidité et de charbon de bois, j'ai perdu peu à peu mes habits d'homme. Je me suis dépouillé de toutes mes années de fatigue et d'ennui. Je suis redevenu le garçon trop maigre aux cheveux en bataille qui, la semaine, été comme hiver, allait en culotte courte, genoux écorchés, sur les chemins et dans les taillis, épiant les couvées et les terriers, les fougères et les brins de muguet naissants.
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En un instant dans l'église presque déserte, j'ai vu la vie de ma mère, durant mes longues années de fuite. Recluse, se cachant, sortant peu, refaisant inlassablement les mêmes chemins, traquant mon fantôme de dix ans, dix ans, c'est à dire une tête de moins qu'elle, des yeux émerveillés, des rires, une main qui s'agrippait encore à sa jupe, une aveugle confiance...J'ai repensé à ce que m'avait dit le curé, à cette fleur dont il m'avait parlé et qui ressemblait à ma mère. J'ai compris sa douleur. J'ai vu son regard sans flamme. J'ai su qu'elle avait commencé à mourir il y a longtemps.
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Connaissez-vous ce grand roman sur l'indicible mais aussi sur l'autre, sur l'étranger, que l'on doit à un écrivain contemporain et qui reçut le prix Goncourt des Lycéens ?
« le rapport de Brodeck » de Philippe Claudel, c'est à lire au Livre de poche.
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