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Critiques de Victor del Arbol (598)
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La maison des chagrins

Un de mes auteurs préférés. J'ai retrouvé avec un plaisir la plume de Víctor Del ÁRBOL.

Un roman sombre qui est placé sous le signe des différentes façons d'effectuer le deuil de son enfant tué par un chauffard, ivre pour certain ou qui prend la fuite mais que l'on retrouve.

Comment réagir : faut-il se venger ou pas, sachant que cela ne fera pas revenir les êtres perdus mais peut-être que cela apaisera un peu sa peine et sa douleur. Tout n'est qu'illusion et le pardon n'existe pas surtout quand l'argent s'en mêle.

Les personnages ne sont que souffrance, des écorchés de la vie, ils survivent plutôt que vivent, cherchent à assouvir leur vengeance par tous les moyens quelles qu'en soient les conséquences et ceux qui réussissent ne s'en portent pas mieux.

Un chassé croisé de personnages qui ont plus de points en commun qu'il n'y paraît, ou les évidences sont trompeuses, où la manipulation est reine.

L'auteur aborde le thème de la vengeance et de la violence : jusqu'au peut-on aller pour se venger, pour protéger ses enfants, où est la limite, y a-t-il une limite tant cette perte est omniprésente , douloureuse, une plaie à vif.

Tout le monde possède sa part d'ombre et doit vivre avec le poids de ses actes commis pour des raisons propres à soi- même.

Les personnages secondaires qui gravitent autour des principaux sont attachants, comme Sara et M.Who, et d'autres plus inquiétants car leur violence est sans limite.

Un excellent roman que je n'ai pas lâché, si vous ne connaissez pas cet auteur, laissez vous tenter.
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Toutes les vagues de l'océan

Gonzalo Gil, avocat à Barcelone apprend avec stupeur que sa sœur s’est suicidée après avoir torturé à mort l’assassin de son fils.

A partir de ce qui peut apparaître comme une banale vengeance, l’auteur nous plonge dans une sombre histoire familiale qui nous entraîne en Sibérie au goulag de l’île de Nazino sur les traces du père de Gonzalo.

Prisonnier politique en Russie, communiste engagé dans la guerre civile espagnole, soldat exemplaire de la Seconde Guerre mondiale, ce père est l’incarnation parfaite du héros. Il cache pourtant bien des secrets.

Ce roman manipule le lecteur de bout en bout avec une intrigue savamment travaillée qui nous emmène de l’enfer russe à la Barcelone des affaires avec des personnages maléfiques et héroïques qui se croisent pour notre plus grand bonheur.

L’écriture est vive, aucun temps mort, les pages se tournent trop vite.





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La maison des chagrins

Ce roman est ma deuxième rencontre avec l’auteur barcelonais à qui on doit le très bon La tristesse du samouraï que je vous recommande chaudement. Mais là n’est pas mon propos, focalisons-nous sur La maison des chagrins, titre prometteur qui ne nous donne pas franchement envie de nous précipiter dessus et là je vous dis erreur ! Vous passeriez à côté d’un très bon et beau roman noir. Ici, il est question de tristesse (au cas où vous ne l’auriez pas deviné :)) et de vengeance, de solitudes qui se croisent au cœur d’un Madrid froid et pluvieux qui se fait comme l’écho de toute cette misère sourde qui transpire à chaque page du roman et préside à chacune des destinées des personnages. Le point de départ est le suivant : un peintre alcoolique et dépressif brisé par la mort tragique de sa femme et de sa fille, est engagé par une riche et virtuose violoniste pour peindre le portrait de l’assassin du fils de celle-ci. Cette étrange requête est seulement motivée par le souhait de cette femme de ne jamais oublier le visage du meurtrier de son fils, de celui qui a brisé sa vie à tout jamais. Autour d’eux gravitent d’autres âmes perdues : l’assassin du fils chéri, homme d’affaires qui vient de purger sa peine de prison, son acolyte de cellule, Arabe au passé lourd de secrets, un jeune asiatique androgyne qui vend son corps par amour, une mère de famille esseulée qui élève sa fille un peu spéciale, et bien d’autres encore. Tous sont animés par la vengeance et le désespoir. Personnages torturés et complexes, les fils de leur destin sont imbriqués les uns aux autres, nous le découvrons au fur et à mesure de notre lecture.



Je l’avoue, j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire : je ne savais pas trop où Victor Del Arbol souhaitait nous emmener. Et puis au fil des mots, apprenant à connaître chacun des personnages, le déclic s’est opéré et tout a pris sens. Pour résumer, difficile de lâcher le livre. Bien que d’une parfaite noirceur, j’ai été séduite par l’écriture de Victor Del Arbol, d’une profonde empathie et d’une belle musicalité, qui nous offre de touchants portraits à leur manière, au-delà de leurs failles et de leurs plus inavouables secrets. Rien n’est jamais ni tout blanc ni tout noir dans la vie et comme en littérature l’auteur se fait le chantre de cette dualité. Pari réussi pour Victor Del Arbol qui est décidemment un admirable conteur.
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La tristesse du samouraï

ENFIN ! J'ai enfin lu La tristesse du samouraï ! Affolée par des critiques emballantes j'avais jeté mon dévolu sur lui dès sa parution l'année passée, d'autant que le bouquin état pensionnaire de la bibliothèque qui est facilement à 2 minutes de chez moi. Sauf que voilà, je n'étais pas la seule à être prête à me damner pour le lire, aussi, malgré une veille acharnée, il m'a été impossible de faire main basse sur l'ouvrage en question. Ne relâchant pas mes efforts, je l'offre à ma maman, qui finit par me le refiler ... au moment où il sort en poche (bon, voilà). Qui plus est, j'avais bien besoin de me changer les idées après la déception Läckberg.



Et c'est réussi, avec ce chouette polar espagnol qui a pour cadre Barcelone sur une période qui va de la Guerre civile aux années 1980. Ce qu'il y a de bien avec la Guerre civile, c'est qu'elle constitue un vivier apparemment inépuisable de la littérature espagnole contemporaine, avec son lot de violences (psychologique et odieuse, dans L'invitation), de secrets de famille et de trahisons (comme dans THE fresque, Le coeur glacé ou Calligraphie des Rêves), d'exils (le bouleversant Rêves oubliés).



La famille Mola a tout en apparence pour être heureuse dans l'Espagne de l'après-guerre civile : une mère de famille superbe et aimante, un père cacique du Parti à l'ascension fulgurante, deux jeunes fils. En apparence oui, mais le père est un odieux sadique, la mère infidèle complote dans son dos, et le plus jeune fils entretient une passion malsaine pour la culture samouraï. Quarante ans plus tard, Maria est une jeune avocate dont la carrière vient d'être propulsée par un procès retentissant, dans lequel elle est parvenue à faire condamner un inspecteur de police pour des exactions commises sur un citoyen lambda. Sauf que le citoyen est un indic de la police, et que la fille de l'inspecteur a été enlevée. Maria est convoquée par les services secrets, qui lui donnent une photo d'Isabel Mola, en affirmant qu'il existe un lien entre les deux femmes ...



Dans ce polar historique qui montre encore une fois que la vengeance est un plat qui se déguste glacé, Del Arbol tisse avec brio les fils complexes du passé et du présent, entremêlés entre deux familles sur quatre générations. Tout ou presque est ici réussi : on trouve tant des qualités d'écriture, que des personnages consistants ou une intrigue hallucinante de suspense. Au travers de ces deux femmes violentées, bafouées et manipulées, c'est un tableau brutal et sans concession de l'Espagne que dresse Del Arbol, au rythme d'incessantes allées et venues dans les couloirs de la violente histoire espagnole, où l'on comprend que la Guerre d'Espagne est un passé qui ne passe décidément pas et hante encore la société contemporaine, dans ses peurs et dans ses fantasmes.
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La veille de presque tout

Ceux qui me connaissent un peu et suivent mes chroniques, savent l'enthousiasme quasi fétichiste que je porte à l'auteur catalan (d'adoption je précise) Victor del Arbol. Son dernier roman, Toutes les vagues de l'océan, reste sans conteste une de mes plus belles lectures de 2015. Pour vous dire j'en suis encore toute tourneboulée, 1 an et demi après. Aussi, quand j'appris que son dernier bébé venait de naître, ma pause déjeuner fut consacrée à l'aller-retour illico presto à la Fnac la plus proche ; tant pis pour le repas !



Retrouver l'univers sombre et sans concession de cette Espagne postfranquiste me chamboule. Victor del Arbol et sa galerie de personnages torturés, ambiguës au possible, sans compromis, oscillant entre le bien et le mal sur un fil tendu à l'extrême, le poids du passé en filigrane et qui ô grand jamais, ne laisse les morts et les vivants tranquilles, cet univers provoque à coup sûr un séisme émotionnel en moi.   



En résolvant l'affaire de la disparition d'une enfant trois ans plus tôt, l'inspecteur Ibarra a vendu son âme au diable. C'est désormais un homme aux prises avec ses propres démons, qui tente tant bien que mal de survivre au sein d'un mariage moribond. Ses retrouvailles, dans des circonstances dramatiques, avec la mère de la jeune victime qui n'est plus que l'ombre d'elle-même, font ressurgir les secrets et les non-dits. Dans leur sillage, un vieux chapelier argentin, une mère de famille portugaise et un jeune homme étrange, constituent le décor d'un drame imminent.



Que pasa, que paso ? No lo se. La magie (si on peut appeler comme ça l'univers de del Arbol) n'a pas opéré, ô misère, ô désespoir ! Je suis passée totalement à côté de ce roman, les pages se succédant rapidement sans marquer mon esprit de leur empreinte. Trop sombre sans doute, moins « habité » très probablement. Serait-ce l'épuisement du filon tant exploité par notre catalan ? J'en ai bien peur. La recette du roman choral imbriquant des destinées poursuivies par le passé, fait chou blanc cette fois-ci. Bien que plus court que les précédents romans, La veille de presque tout m'a semblée plus poussif, plus morne. Et mis à part Ibarra, aucun des protagonistes ne m'a touchée.



Un cru à la limite du beaujolais nouveau, pas assez vieilli en fût de chêne, trop piquant (et là je sens que je vais énerver les amateurs, mais j'assume ;)). Non Victor, je ne suis pas contente ! Mais n'étant point rancunière, y'a quand même de fortes chances pour que j'accoure acheter ton prochain. Mais por favor, pense à innover hein ?  
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Par-delà la pluie

Ne vous fiez pas à la catégorie dans laquelle ce roman est publié : ce n'est pas un roman noir, mais un roman qui fait du bien. En tout cas, moi j'en suis ressortie toute revigorée, toute ragaillardie. Et peut-être bien même que c'est un roman d'amour !



Certes, ce n'est pas de la grande littérature, certains passages sont encombrés de détails inutiles (la marque de fabrique des romans policiers, peut-être ? Je me rappelle avoir suffoqué sous l'amoncellement de détails dans les romans de Franck Bouysse et d'autres encore) . Le début est un peu pénible avec la scène du suicide de la mère et les premiers plans tournés en Suède dignes d'une série B.



Mais ça vaut la peine de s'accrocher un peu et de faire la connaissance d'Helena et du professeur Marquès, deux adorables personnes âgées qui n'ont qu'une seule envie, celle de profiter de la vie en dépit de leur âge, des interdits imposés par la rigide directrice de la maison de retraite et du regard de leurs co-résidents. Et à partir de là on se laisse aller dans un roadmovie en Espagne, depuis Tarifa tout au sud de l'Andalousie, jusqu'à Barcelone, en compagnie d'Helena et de Miguel, deux êtres que tout oppose.



C'est l'occasion de visiter l'Espagne et son histoire à travers la vie des personnages. C'est un roman initiatique où des êtres de lumière irradient des personnes ordinaires, ternes et tristes. Un roman sur l'amitié, sur l'amour et sur le pardon. Un roman qui nous dit qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre à vivre.



PS : l'intrigue policière qui se déroule en Suède, loin, si loin de l'Espagne, n'est au fond qu'un prétexte qui ne pèse pas bien lourd dans cette histoire. Amateurs de polar, vous voilà avertis !

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Le fils du père

Si je me réfère à ceux que j’ai lus, les romans de l’écrivain espagnol Victor del Arbol sont peuplés de personnages sombres, rongés par la mémoire tragique de l’histoire nationale, hantés par les séquelles de drames familiaux, luttant sans espoir contre un mal-être personnel. C’était le cas dans Par-delà la pluie et surtout dans Toutes les vagues de l’océan, un thriller formidable et complexe dont je garde un souvenir ébloui.



Dans les premières pages de Le fils du père, on apprend qu’un homme vient d’en tuer un autre, après l’avoir torturé. Comment cet homme, nommé Diego Martin, un professeur d’université bien établi à Barcelone, en est-il arrivé à commettre un tel crime ? Pour répondre, l’auteur embarque le lecteur dans la généalogie du meurtrier.



D’extraction misérable, originaire de la province d’Estramadure, la famille avait longtemps servi dans la domesticité d’une vaste demeure, la Grande Maison, appartenant autrefois à d’importants propriétaires régionaux. Une condition de soumission humiliante, qui avait pris fin de façon sanglante, lorsque la guerre civile avait porté à leur paroxysme les haines mutuelles de classes.



Frustes, sans formation, portés par des rancœurs inextinguibles, le grand-père et le père de Diego ont été ballottés dans les équipées militaires de leur époque. Elles ont asséché leurs dernières onces d’humanité et de moralité. Deux mauvais garçons, deux brutes, tueurs à l’occasion, guettant des expédients pour survivre. Ils n’ont cessé de justifier des attitudes ineptes par leur « manque de chance », par la « nécessité de s’en sortir », les excuses classiques des losers qui saisissent les opportunités d’apparence facile, sans réfléchir aux conséquences.



Ces deux hommes, père et fils, se sont mutuellement méprisés et ont trouvé normal de brutaliser leurs femmes. Maltraitées, celles-ci se sont mises au diapason et se sont comportées en mères indignes. Quand ils n’ont pas détesté leurs enfants ou petits-enfants, ces hommes et leurs femmes les ont simplement ignorés.



A l’actif toutefois du père de Diego, le rachat de la Grande Maison en ruine, grâce à un billet de loterie gagnant. Une revanche sociale qui ne rapproche pas Diego de son père — dont on ne connaîtra d’ailleurs le prénom qu’à la dernière ligne du roman ; un artifice littéraire qui n’apporte rien !



Dans ce contexte d’abandon familial, Diego a failli mal tourner. Il s’est pris en charge, a suivi des études, est devenu écrivain, professeur d’université. Il a épousé une femme belle, brillante et riche, qui l’admire. Il s’occupe avec dévouement d’une sœur à laquelle il est très attaché : Liria, une femme au mental fragile, en perdition sociale et physique. Désormais aphasique, elle est hospitalisée sans espoir de sortie.



A l’instar de son père et de son grand-père, Diego ne pourra s’empêcher de saper ses propres fondations. L’auteur l’a fait naître sous le signe du scorpion, ascendant scorpion. Je ne suis pas féru d’astrologie et je n’y connais rien, mais j’ai toujours entendu dire que l’autodestruction était la malédiction incontournable de ce signe.



Comme son père et son grand-père encore, Diego en est arrivé à tuer un homme : l’infirmier en charge de Liria. Peut-être, lectrice, lecteur, te demandes-tu pourquoi ? Eh bien, pour le savoir, tu devras lire Le fils du père ! Mais je te préviens ; la lecture de ce long roman très noir est difficile et quelque peu démoralisante. Un livre qu’on pourrait qualifier de feel bad.



La construction est habile, mais complexe. Les cinquante premières pages sont hermétiques et il m’a fallu refeuilleter les premiers chapitres pour avoir une idée à peu près claire de l’identité des personnages, pour appréhender une chronologie s’étendant sur près de quatre-vingts ans, et pour comprendre pourquoi des événements se passent dans l’agglomération de Barcelone, alors que tout a commencé au sud-ouest de l’Espagne.


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Avant les années terribles

Isaïe bosse à Barcelone.

Comblé aux côtés d'une femme aimante dont il attend un enfant, il doit composer avec ses innombrables démons abandonnés en Ouganda.

Aussi, lorsqu'une vieille connaissance franchit le pas de son échoppe puis l'invite pressamment à retourner au pays dans le but oh combien louable d'assister à une conférence censée taffer sur la réconciliation nationale, Isaïe aurait dû écouter sa petite voix intérieure et refuser tout de go ce billet retour pour l'enfer.



J'aurais adoré adorer, ce ne fut pas le cas.

Si le sujet abordé et développé fait preuve d'une maîtrise et d'un sens de la pédagogie certain, difficile d'en dire autant de l'écriture qui m'aura laissé sur le bord du chemin du début à la fin.



Isaïe est un personnage complexe, torturé par un passé qui lui explose de nouveau à la gueule sans préavis, et qui semble avoir pour film fétiche Un jour sans fin (saloperie de marmotte, tiens).

Véritable pierre angulaire de ce roman, sorte de Kurtz emblématique d'Apocalypse Now, dont il est régulièrement fait référence, et appelé à plonger encore et encore dans un chaos perpétuel, il semble voué à revivre éternellement ce qu'il s'évertue à oublier pour le salut de son âme.

Pour la résilience, c'est en face. En vous remerciant.



Les thématiques sont d'une richesse et d'une multiplicité incroyable.

Ce roman, très dur, lève le voile sur un pays meurtri, balafré par des conflits d'une violence inouïe à l'encontre d'une populace expiatoire.

Joseph Kony et sa LRA, en seigneur de guerre rebelle, homme brutal, sans conscience, avide de pouvoir, fût-il obtenu hors de tout cadre législatif et aux détriments d'innombrables atrocités commises par des enfants soldats qu'il s'évertuait à enrôler dès leur plus jeune âge.



Ouganda, terre de légende, de magie mais également de rituels ancestraux d'une bestialité peu commune. Naître albinos, c'était (c'est encore aujourd'hui dans certains pays) s'aliéner des années de persécution, voire de sacrifices rituels à base guillerette de décapitation, d'éventration et de démembrement.



Avant les années terribles aurait, de source peu sûre, été banni de tout office de tourisme ougandais.

Formidablement instructif et, paradoxalement, terriblement humain, il ne lui aura manqué qu'une adhésion pleine et entière au style pour cocher toutes les cases du très très grand roman.



Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud pour ces années de plomb.
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Avant les années terribles

Dans ce roman l'auteur alterne deux périodes :

- début des années 90 - guerre civile en Ouganda

- années 2010 - le personnage central, Isaïe, va quitter l'Espagne où il s'est réfugié pour revenir dans son Ouganda natal participer à un colloque sur la réconciliation.

Très rapidement on comprend qu'Isaïe est un ancien enfant soldat de l'Armée de résistance du Seigneur (sans rire) du tristement célèbre Joseph Kony. Personnage toujours poursuivi par La Haye. Toujours en fuite, toujours vivant. Jamais jugé.....

Ce roman aborde aussi la question des albinos africains et l'horrible traitement qui peut leur être réservé. Vu comme des esprits noirs, dont la mort (de préférence sous torture) ou les organes peuvent apporter bonheur, santé etc à ceux qui les massacrent....

.

En soi ce livre est très intéressant. "Mais" car il y a un mais....

La partie années 90 est passionnante. On sent que c'est le sujet qui intéresse l'auteur. C'est fouillé, étudié.... S'ajoutent les questionnements du personnage central sur ce qu'il est, ce qu'il est devenu, le fait d'être innocent et coupable à la fois.

La 2e partie fait "too much", c'est trop.... Trop de rapt, de violences, de retournements, de traîtrises.... Au final j'ai trouvé que ça desservait le livre.

.

Donc un roman utile mais avec une petite pointe de déception en ce qui me concerne. Mais que cela ne vous empêche pas de jeter un oeil sur ce livre !

Merci pour ce cadeau obtenu lors de la dernière Masse Critique !
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La tristesse du samouraï

Victor Del Arbol, c’est le gars super gentil qui vous raconte comment il écrit ses livres avec un sourire ravageur. J’avais rencontré cet auteur à un salon du polar il y a quelques années déjà, mais une fois de plus, mon côté dispersé a pris le dessus et ce n’est que maintenant que j’ai achevé la lecture de ce livre, ma foi, fort sympathique.

C’est une histoire dense, chargée d’histoire, de haine, de vengeance que va nous raconter cet auteur espagnol et dont la lecture ne laisse pas indifférent.

J’ai eu de la peine à rentrer dans l’histoire au début de ma lecture, mais très vite, grâce entre autres à la plume de l’auteur, je me suis laissé entrainer dans cet écheveau où le passé est clairement la clef.

On découvre peu à peu les différents protagonistes qui sont mêlés à cette histoire, sans forcément comprendre ce qui les lie réellement.

Nous sommes dans les années quatre-vingt, et Maria Bengoechea , brillante avocate est interrogée par la police. Elle semble être suspecte mais de quoi l’accuse-t-on exactement ?

Et quel est le lien avec cette jeune femme ambitieuse et ce qui s’est passé quarante années auparavant, en pleine guerre d’Espagne ?

Et c’est quoi ce titre ? Alors que presque toute l’histoire va se dérouler en Espagne, pourquoi parle-t-on de samouraï ?

Evidemment, c’est en avançant dans ma lecture que j’ai eu les réponses à toutes ces questions, à ma grande satisfaction.









Challenge A travers l’Histoire 2022

Challenge ABC 2022/2023

Challenge Mauvais Genres 2022

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Toutes les vagues de l'océan

De l’Espagne au goulag stalinien, un polar qui est beaucoup plus qu’un polar.



Sa sœur a été retrouvée morte dans son appartement. La police conclut qu’elle s’est suicidée après avoir assassiné l’homme qui avait tué son fils alors qu’elle menait une enquête contre le crime organisé. Si on s’arrête là, c’est déjà matière à un bon polar.



Mais ce n’est pas tout, on remonte aux années 1930, où un ingénieur idéaliste espagnol se rend en Union soviétique pour contribuer aux grands projets de construction du pays. Dans ce pays, c’est l’ère stalinienne, tout ce qu’on dit peut se retourner contre nous et les sanctions sont terribles…



Les époques s’entrecroisent au fil des chapitres. On revient en Espagne pour la Guerre civile, une autre dictature qui n’hésite pas à utiliser une répression sanglante. Un détour par les camps de réfugiés en France, puis retour au 21e siècle avec des avocats habiles et des promoteurs liés au crime organisé…



Et des liens de famille et des secrets enfouis feront surface…



Un excellent roman de plus de 600 pages bien remplies, qui oscillent entre cruauté humaine et grands idéaux. Un livre dur, quand même, car on y trouve des meurtres, des tortures, de l’exploitation sexuelle des enfants et même du cannibalisme.
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Toutes les vagues de l'océan

Difficile de considérer ce livre comme un simple polar, une enquête qui commencerait dans les années 1930 e, se poursuivrait dans les années 1960 et se terminerait dans les années 2000

Un départ, il y a Elias Gil, jeune et brillant idéaliste communiste espagnol qui part avec trois compagnons en URSS pour apporter son savoir et découvrir l’idéal communiste

La chute sera brutale. Il découvrira d’abord le goulag stalinien et surtout l’enfer de Nazino. Il y rencontrera aussi Igor Stern, crapule absolue qui le mutilera et qui, pour moi, est l’autre grand protagoniste de l’histoire

La description de Victor del Arbol est absolument atroce et et troublante .Des pages qu’on oublie pas

De retour dans son pays ,Elias est au cœur de la guerre civile en Espagne et de l’arrivée de Franco au pouvoir

Puis viendra la Seconde Guerre Mondiale. Après toutes ces vagues historiques ( d’où le titre), quel homme est devenu Elias ?

cette première partie du roman est époustouflante

Connaître l’histoire de ce père devenu héros aux yeux de tous, voilà la quête de Gonzalo, avocat de modeste réputation , dominé par un beau père riche et puissant

Reste aussi le mystère de la mort, par suicide , il paraît de sa sœur Laura

J’ai eu un peu de difficulté avec cette partie du livre qui paraissait assez simple en comparaison de la puissance créatrice de la première partie

Puis , tout doucement , le souffle revient, les secrets se révèlent

Ici pas beaucoup de place pour l’amour

Ne reste qu’une noirceur et une violence absolue jusqu’au dénouement final ,en plusieurs étapes

Où est le Bien? Où est le Mal dans tout cela?

Peux-t-on éviter d’être submergé par les vagues?

Questions métaphysiques dans la violence de l’Histoire

Inutile d’en dire plus dans ce livre de plus de 600 pages

Énorme travail historique.Un style très brillant

Soyons clairs: ce livre est réservé à un public de lecteurs et lectrices aguerris , qui seront capables de supporter sa noirceur

Mais quelle force!

Accrochez-vous, le jeu en vaut la chandelle

Un très,très grand roman
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Toutes les vagues de l'océan

Dès le prologue qui se passe en 2001 près de Barcelone , le ton de ce pavé est donné : le lecteur qui se glisse innocemment dans ce livre assiste à la mort d'un petit garçon jeté dans le lac , meurtre ordonné par un certain Zinoviev.



Cet enfant est le fils de Laura Gil, personnage pivot de ce roman . Elle est flic et elle est aussi la fille ainée d'Elias Gil, mort dans des circonstances suspectes en 1967.



C'est une femme déterminée, elle enquête sur un réseau mafieux russe étendu de prostitution enfantine connu sous le nom de Matriochka et elle a également publié un article mettant à bas le mythe entourant la vie de son père .



Retour en 1933,où Elias Gil, avec son diplôme tout neuf d'ingénieur en poche arrive à Moscou avec trois autres jeunes hommes étrangers , fervents communistes, pour mettre leurs compétences et leur jeunesse au service de Staline et de l'Union soviétique .



Ils connaitront ensemble le camp de Nozino en Sibérie où les pires conditions de survie mettent à mal leur amitié et où leur candeur et leur jeunesse disparaissent à jamais .



À ces situations extrêmes , répondent une large palette de sentiments : amour et haine , lâcheté et loyauté avec des frontières qui s'effacent comme les paysages blancs de la steppe .

Jusqu'où un être humain peut-il aller pour sauver sa peau , l'amour est-il plus fort poussant au sacrifice ?



De retour de ce camp de l'horreur, Elias rentre en Espagne au moment de la guerre civile, en mission pour le parti communiste , puis lors de la défaite des républicains en camp à Argelès .



Entre les chapitres de l'histoire mouvementée et tragique d'Elias, l'écrivain bascule sur la période récente où Gonzalo, le frère cadet de Laura , avocat sans envergure et homme sans combat , est ébranlé par le suicide sa sœur et affronte peu à peu tous les non-dits de son enfance , de l'histoire de sa famille .

Il décide de reprendre le dossier sur cette mafia russe sans se douter où il va mettre les pieds.



Victor Del Arbol malmène son lecteur, il faut s'accrocher devant les différentes tentacules , aussi bien du passé de communiste actif d'Elias, que de cette puissante Matriochka , son récit est comme les poupées russes, quand on croit avoir déroulé le fil, il en arrive un autre autant emmêlé.



Les portraits des personnages sont approfondis, léchés, ambigus souvent , laissant souvent un sillage de trouble chez le lecteur.



Héros ou monstre ?



"Le monstre avait peut-être toujours palpité en lui, attendant patiemment son heure pour dévorer la carapace qui le dissimulait au regard des autres. "



Jusqu'où nos convictions peuvent-elles nous mener , ne deviennent-elles pas souvent la façade pour une cause personnelle : narcissisme, vengeance, âpreté du gain, complaisance dans l'état de violence ...



J'ai beaucoup aimé ce roman bouleversant, dur, exigeant .



Si les conditions des goulags ont déjà étaient décrites, c'est à chaque fois la même abomination avec la nausée qui prend à la gorge .

Celles dans les camps des républicains espagnols, comme ceux d'Argelés ont été une découverte pour ma part .







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Le fils du père

Un gosse efflanqué, côtes saillantes, le regard baissé ou les yeux clos. Deux mains masculines qui embrassent sa tête ou l'emprisonnent, peut-être sur le point de rompre le cou fragile. Le noir et blanc de l'image... La photo de couverture du huitième roman de Victor del Arbol génère un malaise. Amour ou violence, l'ambivalence est tapie sur le cliché. Et c'est la force de ce roman que de fouiller les rapports ambigus entre pères et fils.

Diego vient d'une lignée d'hommes maudits. Travailleurs pauvres dans une Espagne bouleversée par l'Histoire, ils sont ballottés d'un village de l'Estremadure aux quartiers miséreux de Barcelone au gré des trahisons de l'un, des amours illicites de l'autre, selon les morts violentes ou les humiliations.

Simon, le grand-père a combattu aux côtés des Allemands au sein de la division Azul sur le front russe. Volontaire malgré lui de cette guerre pour être le frère de Joaquim, anarchiste engagé dans les brigades internationales, torturé et pendu au pont du village sous les yeux de toute la population réunie.

Le père, joueur et bateleur, ancien légionnaire, abandonne régulièrement foyer et enfants.

Les mères et grand-mères sont soumises ou méchantes, et souvent les deux à la fois.

Diego a voulu faire table rase de cet héritage maudit, se construire une histoire qui ne serait que la sienne, loin des drames et secrets de cette famille noyée sous les flots ravageurs de l'histoire et des vicissitudes intimes. Il a réussi. Auteur reconnu et enseignant à la faculté, il reste pourtant le fils du père jusqu'à dans son miroir où, chaque jour, il retrouve les mêmes traits, les mêmes sourires et les mêmes moues, comme un écho vengeur.

Et puis, il y a Liria, sa jeune soeur maudite, ensevelie vivante dans son mutisme et sa détresse.



C'est un roman puissant, charnel et bouleversant, qui brasse destins et histoire d'une écriture élégante et sobre.

Au fil des années, les livres de Victor del Arbol délaissent le versant" noir" pour coucher une oeuvre plus intime. Celui ci, bien que paru chez Actes noirs, fait peu cas de la trame policière. Il ya bien eu meurtre, mais le coupable est connu d'emblée. L'attente du procès laisse le temps au travail de mémoire et peut-être aussi à celui du pardon.

Victor del Arbol est assez peu lu en France. Il est reconnu en Espagne comme l'un des écrivains majeurs de sa génération.

Ayant lu chacun de ses romans traduits, j'ai puisé à toutes mes lectures matière à m'émouvoir, à réfléchir ou apprendre.

Enfin, je lui sais gré de cette dédicace complice à Roselyne, formidable libraire toulousaine, qui fait de chaque jour un hymne à la littérature...
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Le Poids des morts

Quand un polar commence par une pendaison, on devine que ça ne sera pas rigolo.



Cette exécution dans les geôles espagnoles donne le ton pour tout le roman. Et ce n’est pas réjouissant, car la trame repose sur des dimensions historiques, sur les relents du régime franquiste après la Guerre d’Espagne.



Ça pèse lourd, tous ces morts… des hommes torturés dans les prisons, une femme infidèle empoisonnée, mais la chape de plomb posée sur le passé sera soulevée à la mort du dictateur lorsqu’un couple réfugié en Autriche reviendra au pays à la mort du dictateur. On découvrira alors des êtres sont encore plus abjects que l’on croyait.



Un polar historique très noir. La qualité de l’écriture de l’auteur est évocatrice et trempe le lecteur dans les émotions troubles d’une époque sans pitié.

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Par-delà la pluie

Lorsque l’on se lance dans un livre de Victor Del Arbol, on sait qu’on ne va pas s’amuser. On sait qu’on va s’attaquer à du sérieux. Non pas qu’il n’y ait pas d’humour dans ses livres, mais les thèmes qu’il aborde sont souvent sombres et graves.



Pour cette nouvelle histoire, il s’intéresse aux destins de deux individus vieillissants qui vont se retrouver dans une maison de retraite. Comme d’habitude, l’auteur mise sur la personnalité de ses personnages pour construire une aventure passionnante. En effet, ils sont ce qu’ils sont, avec leurs qualités mais aussi avec leurs défauts. Ils sont tous traités avec nuances. Cette manière non caricaturale de présenter ces protagonistes apporte une certaine vérité à leurs rapports.



Helena et Miguel porte chacun leur passé dramatique avec eux. Ils doivent se débrouiller avec tous les obstacles que la vie à mis sur leur route et ses conséquences. Leur caractère est dicté par les drames qu’ils ont vécus. Avec leur aventure, différents sujets sont développés. On y parle de la guerre civile espagnole, de la maltraitance domestique, de l’homosexualité, de la folie, de la vieillesse… Des sujets personnels et parfois tabous mais qui sont traités avec une justesse et délicatesse à fleur de peau.



Victor Del Arbol pousse son talent au paroxysme avec ce roman d’une grande densité émotionnelle. Ses deux acteurs principaux déclenchent une empathie folle. On est immergés dans leur dernière quête et on les suit sans hésitation dans leur road trip existentiel. Malgré le destin qui semble s’acharner sur eux, Helena et Miguel nous emportent dans leurs joies et leurs espoirs, de manière bouleversante.



« Par-delà la pluie » est un roman touchant, débordant d’humanité, qui, dans le même temps, vous tirera des larmes, vous serrera le cœur et vous le réchauffera. C’est du noir que viendra la lumière !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Par-delà la pluie

J'avais beaucoup aimé La Veille de presque tout ainsi que Toutes les vagues de l'océan et j'ai été emballée par ce nouveau roman foisonnant : Par-delà la pluie. Il est probable que, si on aborde Victor del Árbol par ce livre, on sera décontenancé au début par la complexité de la construction et la quantité de personnages qui semblent d'abord n'avoir pas de rapport entre eux. Mais tout s'éclaire magiquement au fil de la lecture grâce aux fils que le talent de l'auteur nous permet de tirer un à un pour en défaire les nœuds.

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L'histoire se déroule en sept parties, titrées de février à août 2014, et trente chapitres. Les quatre chapitres de chacune des parties (il y en a cinq dans la sixième partie) portent en exergue le nom du lieu où ils se déroulent, ce qui facilite le repérage : on sait très vite qui se situe à tel ou tel endroit, même si certains personnages changent de lieu. L'intrigue qui nous est proposée par un narrateur à la troisième personne suit une temporalité linéaire, mais elle comporte de nombreux retours en arrière qui permettront d'éclairer le présent. Le prologue et l'épilogue font exception : le premier se déroule en 1955 et le second en 2017.

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Nous suivrons essentiellement deux personnages principaux en ces 7 mois de 2014 : Helena et Miguel, deux septuagénaires que le hasard a placé dans la même maison de retraite où ils ne s'attarderont d'ailleurs pas. On ne comprendra pas tout de suite l'importance de certains personnages secondaires. Ainsi Abdul, présenté dans le prologue, conditionne pour ainsi dire la vie d'Helena à cause de l'importance qu'il prend dans celle de ses parents. Nous le retrouverons à Malmö, paumé, tyrannique, amer et monstrueux, faisant vivre un enfer à sa fille Fatima et à sa petite-fille Yasmina. On ne soupçonne pas non plus le rôle déterminant de Gustavo, le gendre pervers narcissique et violent de Miguel qui viendra hâter le dénouement de cette histoire. Citons encore Marqués, indocile, provocateur et désespéré, pensionnaire de la même maison de retraite qu'Helena et Miguel, qui va par son suicide provoquer le départ des protagonistes principaux.

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Beaucoup de thèmes divers traversent cette très riche histoire : les traces laissées par la Guerre civile espagnole, le souvenir des exactions des franquistes, l'homosexualité masculine et féminine, la violence conjugale, la prostitution, l'immigration et l'insertion, le poids de la culpabilité, les jeux de la mémoire et de l'oubli, etc., mais aussi la vieillesse, les faiblesses qui l'accompagnent, et peut-être avant tout le reste, la joie et le bonheur de vivre au présent.
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Les pigeons de Paris

Incipit : Juan -- Juanito, comme l'appelait autrefois les voix du village qui n'existent plus -- attend.

Assis sur la vieille chaise en bois d'un bleu décoloré, un peu bancale -- la chaise --, et un peu aveugle -- lui.

"Plus personne ne vient ici.... Il ne reste que moi, Juan Orozco del Romero, mais je ne compte pas : je suis plus une ombre qu'un homme ..." p 53



Juan est âgé, il est seul, il attend ceux qui vont emprunter "le seul accès possible à sa vieille maison, le chemin qui mène à la géographie de son enfance...", ceux qui vont venir le dépouiller, lui enlever cette maison et tous les souvenirs qui y sont liés. Il est le dernier d'un village isolé.

"Vous vous demandez en râlant pourquoi cette résistance, pourquoi je m'accroche à ce bout de désert qui nous entoure. C'est normal, vous êtes des étrangers sur cette terre habitée par mes souvenirs."

Ses souvenirs, c'est tout ce qui reste à cet homme qui ne sait même plus quel âge il a puisque tous les registres de l'état civil ont disparu durant la guerre et que sa mère est morte à sa naissance : " elle seule aurait eu la patience de faire le décompte de mes années et de les fêter."



Mais de ses souvenirs il y en a un plus précieux que les autres, celui de son premier amour. Elle s'appelait Clio, elle est arrivée à l'époque des vacances comme tous les "rapatriés temporaires", espagnols qui avaient essaimé dans toute l'Europe au cours des années cinquante et soixante et dont le retour faisait rêver ceux qui étaient restés.

Clio va lui apprendre un peu "sa moitié de langue" dans un petit livre à couverture bleue dont elle ne se séparait jamais qui avait pour titre "Les Pigeons de Paris".

Clio va lui permettre de s'enfuir, de "vivre d'autres vies à travers elle". A la fin de l'été, après avoir échanger un baiser inoubliable, elle va s'en aller et ne jamais revenir au village.

"Tout le monde les oublia ; moi aussi je feignais de les oublier. Mais tous les ans, quand les oiseaux migratoires traversaient l'espace en direction de l'ouest, une pluie de plumes tombait doucement du ciel et je les caressais en pensant aux pigeons de Paris, à ce dernier baiser dont Clio m'avait gratifié en cachette dans un recoin de la maison, comme si elle savait plus de choses que moi, des choses qui n'étaient pas encore arrivées... p 43

De ces choses qui vont arriver je ne dirais rien. Il faut lire ce beau petit livre dont je regrette que la couverture ne soit pas bleue comme celle du livre de Clio. J'ai découvert Victor del Arbol avec la lecture de cette émouvante nouvelle et je me suis lancée juste après dans la lecture de "Toutes les vagues de l'océan" passant ainsi à l'un de ces gros romans dont il a l'habitude. Je l'ai dévoré mais je garderai comme Juan, un faible pour "Les pigeons voyageurs" qui m'ont offert avec simplicité et sincérité le trésor de ses souvenirs, un trésor à protéger, qui permet de rester, envers et contre tout, un être humain.

"Tout est une métaphore de quelque chose, si nous laissons de la place à l'irréel, si nous nous éloignons suffisamment pour que les mots soient d'abord des images et ensuite du silence."

C'est l'une des grandes qualités de ce petit texte. Il laisse place au silence.



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La maison des chagrins

Comment accepter la mort de son enfant ? La vengeance permet-elle de continuer à vivre ? Est-il possible de pardonner, d’oublier ?



Eduardo, peintre-portraitiste, a choisi de tuer celui qui a causé l’accident dans lequel sa femme et sa fille sont décédées. Sorti de prison, il vivote en s’abrutissant avec l’alcool et les médicaments. Saura-t-il trouver un peu de réconfort auprès de la femme de son immeuble qui vit seule avec sa fille malade ?



Une violoniste célèbre n’a jamais pardonné. Son couple s’est disloqué, sa carrière abandonnée. Elle demande même à Eduardo de faire le portrait d’Arthur, l’homme qui a écrasé son fils avec sa voiture. Pourquoi vouloir cette image ? Est-ce qu’entretenir la haine peut l’aider à ne pas oublier son fils ?



Poète devenu homme d’affaires, Arthur est en prison pour avoir écrasé deux piétons. Mais sa propre fille est également disparue. Il est prêt à tout pour la retrouver, même à engager un détective, un ancien bourreau d’une junte militaire.

Des personnages secondaires alimentent aussi les réflexions sur la vie et la mort, le bien et le mal : Ibrahim, l’Algérien torturé par des Français, M. Who qui vend ses charmes et qui veut s’enfuir avec la jeune Chinoise dont il est amoureux ou encore l’Arménien qui veut venger sa fille.



Un excellent pavé noir où s’entrecroisent des destins tragiques. Il sera question de crimes et de vengeance, de grand amour et d’amour parental, d’art et de torture.

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Le fils du père

De l'hôpital psychiatrique où il est enfermé, un homme s'adresse à un destinataire inconnu pour lui raconter son parcours. Cet homme, c'est Diego Martín, professeur d’université, spécialiste de Dostoïevski, qui semble avoir réussi sa vie, épousé une femme remarquable, puis a enlevé, torturé et tué un certain Martín Pierce dans la Casa Grande et a appelé la police.

Il confie alors à cet inconnu : "Oui je suis aussi porté à la colère. Comme mon grand-père, comme mon père."

Déjà l'essentiel est dit: ceci est un roman de pères et de fils, un roman de l'héritage, de la transmission. Même et surtout si on rejette la totalité de cette hérédité.

Mais c'est aussi un roman de riches et de pauvres, de puissants et d'invisibles, de maîtres et d'esclaves. Tout cela dans le chaos de l'histoire du XXe Siècle, de la guerre d'Espagne aux goulags de Sibérie.



À travers deux narrateurs, Diego Martín lui-même à la première personne qui nous raconte sa vision de l'histoire, et un narrateur omniscient qui nous propose l'histoire de la famille à partir du village d'El Pueblo en 1936, Víctor del Arbol nous sert une intrigue où la haine joue l'un de ses plus beaux rôles.

C'est d'abord celle qui oppose la famille Patriota, la famille des propriétaires terriens, à celle d'Alma Virtudes, une famille pauvre qui a osé défier l'autorité par l'intermédiaire du frère anarchiste. Affrontements politiques qui se sont achevés par des trahisons et une pendaison !



Cette haine de classes qu'il faut taire trouve alors à s'exprimer au sein de la famille.

Humiliés, dépendants, marqués par la violence des guerres, les pères extériorisent leurs colères et leurs frustrations en s'en prenant à leur femme et à leurs enfants. Leur violence naît de la haine et de la peur. Comme une malédiction, chaque génération d’hommes va transmettre cette sauvagerie aux fils. Diego est celui qui veut rompre avec cette maladie, qui veut effacer l'image du père en choisissant les livres et la culture.



L'auteur aborde ce destin familial dans son aspect social, mais aussi dans un contexte historique riche qui lui permet de multiplier des bribes de l'histoire de l'Espagne et de ses traumatismes.

Le grand-père Simón est envoyé dans la division Azul, cette division franquiste qui partit combattre les Russes avec les Nazis, puis dans un goulag . Comme chaque soldat, il sera confronté à la mort et à l'obligation de faire des choix. Le père sera enrôlé en Afrique du Nord espagnole à l'époque de Franco. Il sera impliqué dans de nombreux traffics et dans la mort d'un enfant dont le fantôme le hante.



Les notes de Victor racontent l'histoire d'une possession.

" Il est là, en moi. On dit que nous sommes identiques, deux gouttes d’eau au même âge. Être ce qu’on rejette, le voir chaque fois qu’on se regarde chaque matin en se rasant, en se lavant les dents, assis sur la cuvette des WC, c’est difficile. Le même nez, les mêmes yeux foncés, les mêmes sourcils, la même bouche. Jusqu’à la façon de rire. Soudain, on est devenu son propre père. On est devenu ce qu’on déteste le plus. "



Alors qu'il nous a raconté ses efforts pour échapper à la fatalité, pour ne pas devenir une brute qui maltraite ses enfants, Victor se sent happé par cette ressemblance." Mon père restait en moi comme une malédiction, comme une musique qui n’en finissait jamais. Il était partout, dans tout ce que je faisais, disais, pensais et ressentais. Le repousser, c’était me repousser."

Quel meilleur moyen pour se disculper que d'invoquer une emprise quasi démoniaque ?

On avait deviné que Victor n'était pas forcément le plus fiable des narrateurs puisqu'il devait justifier son crime. Cette fatalité incontrôlable pourrait bien représenter un motif d'irresponsabilité, du moins à ses propres yeux.



Cette saga familiale est davantage qu'un thriller. Elle mêle avec brio différentes périodes historiques traumatisantes et traumatismes affectifs. La violence conjugale, la maltraitance, l'inceste et la pauvreté qui peuvent se répéter de générations en générations, laissent des blessures profondes et sans doute inextinguibles.



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