Elle nous confie ses illuminations, des instants mystérieux, ces passages qui se sont ouverts devant elle soudainement et qui ont donné à ses récits leur âme. Elle nous écrit sa vie ,simplement, ses heures d'attente, de doute, elle nous écrit ses amours, ses amitiés, sa vie telle qu'elle la recevait, s'en étonnait, ce qui la passionnait, l'emportait. Elle nous parle de ces instants de solitude, de perte, d'absence. Et puis on lit ces lettres de guerre. Même si l'on connaît l'issue de sa relation avec Reeves, on ne peut qu'être pris par cet échange épistolaire, dont les combats sur le sol européen durant la seconde guerre mondiale constituent la trame. Et puis viennent les trois dernières grandes nouvelles de Carson ; « Hush, little baby », « l'homme d'en haut » et « la marche ».
« Elle pouvait se construire une « chambre intérieure » où elle trouvait refuge, pour reprendre souffle, travailler et se protéger elle-même. Trente ans après avoir était dicté, ce texte est comme un journal de voyage à la recherche de ce lieu secret où elle pouvait guérir son âme. Et comme elle le souhaitait sa publication nous offre la chance exceptionnelle de l'y rejoindre ». Carlos L. Dews.
“I seem strange to you, but anyway I am alive.”'.. Carson Mc Cullers.
Astrid Shriqui Garain
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« Illuminations et nuits blanches » est l’autobiographie inachevée de Carson McCullers et se compose de deux parties distinctes : la partie autobiographique et la correspondance entre l’auteure et son mari pendant la Seconde Guerre mondiale.
Je dois avouer que les seuls souvenirs que j’avais de Carson McCullers, ce sont les textes étudiés en cours d’anglais au lycée, notamment » Le coeur est un chasseur solitaire ». J’en ai gardé un sentiment de tristesse qui ne m’avait pas donné envie de réellement découvrir ses romans.
Alors, me direz-vous, pourquoi lire son autobiographie ? Parce que je suis curieuse des écrivains et de leurs univers, de ce qui nourrit leurs romans.
Dans l’ouvrage en question, j’ai découvert une femme sensible, courageuse (elle s’est battue pendant des années contre la maladie et a beaucoup souffert physiquement), une travailleuse acharnée, qui ne renonce jamais.
Mais aussi une jeune femme tombée très jeune sous l’emprise d’un mari menteur, manipulateur, jaloux de son succès et qui n’hésitera pas à la spolier du fruit de son travail. Carson McCullers demandera le divorce en 1941.
Malheureusement pour elle, enfin c’est mon avis personnel, Reeves McCullers reprend contact avec elle deux ans plus tard, alors qu’il est mobilisé et envoyé au front en Belgique. Il n’aura de cesse de la harceler pour qu’ils se remarient. Elle aura la faiblesse de céder et le cauchemar reprendra de 1945 au 19 Novembre 1953, date à laquelle Reeves se suicidera.
Carson McCullers décédera le 29 Septembre 1967 à 50 ans après avoir subi plusieurs attaques cérébrales, être restée paralysée du bras gauche, avoir perdu la vision d’un oeil et avoir été amputée de la jambe gauche et opérée d’un cancer du sein.
J’ai trouvé fort intéressant de découvrir la vie de cette femme, ce qui m’a donné envie de finalement lire ses romans, et me suis beaucoup énervée à la lecture des lettres de Reeves !!!
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J’ai utilisé à plusieurs reprises le mot « illumination ». C’est un mot sur lequel il faudrait ne pas se méprendre, car j’ai traversé de nombreuses périodes où j’étais complètement « non illuminée », effrayée à l’idée que je n’écrirais plus jamais. Pour un écrivain, c’est la peur la plus angoissante. D’où vient notre travail ? Quel infime incident, quel miraculeux hasard met brusquement en marche les rouages de la création ?
J’ai écrit un jour une nouvelle, Qui a vu le vent ?, mettant en scène un écrivain incapable de travailler. « Comment avez-vous pu l’écrire ? m’a demandé Tennessee Williams. C’est la plus atroce nouvelle que j’ai lue. » C’est vrai qu’en l’écrivant je me sentais comme enlisée, mais j’ai eu un vrai soulagement d’avoir pu la mener à bien.
Quand je rencontre aujourd’hui mes anciens professeurs, ils ont du mal à croire qu’une élève aussi désinvolte ait pu devenir un auteur à succès. En vérité, je comptais pour rien ce que j’apprenais au collège, alors que l’étude de la musique me passionnait. Mes parents me donnaient raison. Vivre solitaire à ce point m’a certainement privée de quelques avantages sociaux, mais je m’en suis très bien passé.
Je n'ai pris conscience du pouvoir qu'avait Reeves de se perdre qu'au moment où il s'est trouvé à jamais perdu. Il devait revenir pour Noël et j'ai commencé à l'attendre Je n'avais qu'Edwin comme ami. Malade et effrayée, j'écrivais, j'espérais, j'étais en attente de lui. Lorsqu'il est revenu à Noël, au lieu de boire de la bière comme d'habitude, nous avons commencé à boire du Sherry. Parfois même il buvait du whisky. Non, je n'ai réellement découvert ce pouvoir qu'avait Reeves McCullers de se perdre qu'au moment où il était trop tard pour le sauver et me sauver. Il était en parfaite santé et j'étais incapable à l'époque de déceler les symptômes de l'alcoolisme.
Les prochaines générations d’étudiants auront peut-être envie de savoir pourquoi j’ai fait telle et telle chose, et j’ai envie de le savoir, moi aussi. J’ai été reconnue comme un écrivain presque du jour au lendemain. J’étais trop jeune pour comprendre ce qui m’arrivait et les responsabilités qu’entraînait cette reconnaissance. J’en ai éprouvé une sorte d’effroi sacré qui, associé à mes maladies, m’a pratiquement détruite. En me rappelant les conséquences que provoque le succès et en les racontant aux générations à venir, j’aiderai peut-être de futurs artistes à mieux le supporter.
De tous les écrivains du XXe siècle, Carson McCullers est sans doute celui dont l’univers romanesque emprunte le plus à ses expériences personnelles. Elle a dit : « Tout ce qui arrive dans mes romans m’est arrivé ou finira peut-être par m’arriver. » Elle voulait déchirer ce voile de fiction derrière lequel elle se dissimulait et raconter sa vie avec ses mots à elle, à partir de deux points essentiels : les moments où l’inspiration éclairait brusquement ce qu’elle tentait d’écrire (ce qu’elle appelle ses illuminations) et les cauchemars nocturnes nés de ses attaques, de ses amitiés trahies, de ses morts : sa grand-mère, sa mère, Reeves (ce qu’elle appelle ses nuits blanches).
Dans les années 1930, dans le Sud profond des États-Unis, le sourd-muet John Singer et la garçonne Mick, passionnée de musique, s'observent l'un l'autre au café de Biff, où se côtoient la pauvreté et la tendresse. /
Premier roman de Carson McCullers, publié à 23 ans, « Le cœur est un chasseur solitaire » s'est vite affirmé comme un classique de la littérature américaine. Dès 1998, la Modern Library lui donne la 17e place dans son palmarès des 100 meilleurs romans anglophones du XXe siècle. Ariane Ascaride lui donne pour la première fois une voix en français, accompagnée à l'harmonica. /
Musique : Improvisation à l'harmonica de Chris Lancry.
Le texte français, traduit de l'anglais américain par Frédérique Nathan-Campbell, a paru en 2017, chez Stock. Direction artistique : Francesca Isidori.
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