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EAN : 9782070129072
224 pages
Gallimard (09/04/2010)
4.53/5   15 notes
Résumé :
" Il y a ces pâturages qui sont sous le col à deux mille cinq cents mètres, et c'est seulement vers la fin de l'été qu'ils y montent, à cause que leur vie va de bas en haut comme l’œil fait.
Tout là-haut, au milieu de la dernière pente d'herbe, on voyait le chalet ; ils étaient devant le chalet, assis par terre, parce qu'il n'y avait même pas de banc, se tenant adossés au mur de pierres sèches, en face et au-dessus du vide. Vu de cette hauteur, le fleuve, au ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Là-haut il y a l'alpage, le chalet, les pâturages. Un chemin qui monte jusqu'au col. Et de l'autre côté du col, il y a ceux de l'autre vallée. On ne les comprend pas –ils parlent allemand - et on ne les connait pas. Ils ont là leur propre alpage. Jadis ils ont tenté de s'étendre sur celui des francophones, qui les ont chassés. La montagne sépare les deux peuples. C'est bien ainsi. Chacun de son côté.

Parfois cependant, un côté monte espionner l'autre. Regarder ce qu'ils font. Simple curiosité. Un jour alors qu'il les observe Firmin, l'un des bergers, voit une jeune fille. Elle est grande, blonde. Elle porte une robe rouge, une belle robe ornée de clochettes, de dentelles. Dans sa vallée à lui, le costume traditionnel des femmes est sombre, sévère. A cause de cette robe rouge, il lui prend un coup de folie. Il attend qu'elle s'écarte, l'assomme, l'enlève.

Pourquoi ? Il ne le sait pas lui-même. Il ne songe même pas à la violer : il l'amène tout droit à la maison de sa mère, qui lève les bras au ciel sur son abruti de fils. Que vont-ils faire de la fille ? Firmin refuse qu'elle parte. Elle est jolie, intelligente. Elle ne comprend pas leur langue mais elle est maligne, et il n'y a pas que les mots pour communiquer. Et il y a un homme pour l'aider : le colporteur, qui va d'une vallée à l'autre, parle les deux langues, connaît les deux villages. Et qui se méfierait d'un colporteur ?

Un témoignage rare et étonnant sur la cohabitation entre paysannerie francophone et alémanique. Deux mondes différents, si proches et pourtant séparés par bien plus qu'une montagne. Avec son style rude et simple, Ramuz décrit cet équilibre basé sur l'ignorance réciproque. Malheur à celui qui le brise…
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Les apparences sont trompeuses. le titre : c'est un roman, pas un essai sur le racisme. le style : il paraît simple, mais c'est l'effet d'un formidable travail d'épuration de l'écriture (Ramuz l'a entièrement réécrit 10 ans après sa 1ère publication). Voilà pourquoi cette histoire suisse du début du 20ème siècle touche à l'universel.
Il y a Nous (les Valaisans), sur le versant ensoleillé, mettant à profit chaque arpent de chaque étage de la raide et rude montagne, des vignes en bas jusqu'aux alpages sous le sommet. Et il y a Eux (les Bernois), de l'autre côté, sur le versant sombre : "ils parlent une autre langue, ils croient un autre Dieu. Ils sont habiles, ils sont nombreux, ils sont entreprenants". Pour une histoire d'amour et de pâturage, Firmin le Valaisan enlève la belle Frieda sur le col qui fait frontière, juste avant la première neige, et la redescend inconsciente sur une mule jusqu'au village, dans la maison où il vit avec sa mère. Un acte facilité par le vin et le machisme ambiant, mais un acte insensé, Firmin s'en rend vite compte.
Il a cependant été commis, et Ramuz nous montre comment il transforme la vie de ce village autarcique, où tout se fait sous le regard des autres.
Le seul élément étranger, outre Frieda, c'est Mathias, un colporteur qui vient de temps en temps vendre ses colifichets et rappeler que le monde existe en dehors.
L'air de rien, Ramuz nous tient en haleine, car on attend tout au long du récit les conséquences de cet enlèvement. Tout le monde espère que "ça va aller", que "c'est arrangé", mais sait aussi qu'il y aura un prix à payer. Lequel ? La balance oscille longtemps, pour notre plus grand plaisir, entre l'implacable fatalité et le pouvoir des sentiments.
Une nouvelle édition a été faite en 2020 (Editions de l'Aire, Vevey)
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"Et puis, c'est aussi qu'elle est belle !"

La vengeance d'une Sabine...

Deux villages séparés par la montagne. Firmin, un jeune Valaisan, aiguillonné à la fois par un ressentiment cocardier et un désir sournois, enlève une accorte Bernoise. Ce rapt alpestre coïncide avec l'arrivée des premières neiges, ce qui empêche toute riposte du camp alémanique.

A la fonte des glaces, notre Perséphone ultramontaine -secondée par un idiot et un colporteur- sèmera la désolation avant d'enfin retrouver les siens.

Purement factuel, ce roman, trapu et bouleversant dans son dépouillement, est scandé par l'amour de plus en plus irrépressible de Firmin pour sa victime et par les souterraines menées de la belle ourdisseuse de trames.

Certains personnages, bien qu'ébauchés, y vibrent d'une maléfique et sourde lumière : Mânu, crétin des Alpes au crâne hypertrophié, devient malgré lui l'artisan d'un sort cruel cependant que Mathias, le camelot bancroche -entre Branchu et Caille- joue le fourbe messager des Erynies. Et plutôt que Firmin, désespérant d'entêtement obtus, c'est la funeste Frieda, beauté ravie, qui macule, rouge sang, notre mémoire : lèvres incarnates, jupe écarlate, elle éclabousse tout le roman de sa (juste ?) vindicte.

A la façon d'un peintre, Ramuz écrase les perspectives et met au premier plan la poésie comme matière. Il décrit la montagne -hommes et reliefs- à la verticale, sans ligne de fuite et chacune de ses phrases possède, alors, un intense pouvoir d'évocation. On reste pantois devant cette maîtrise à offrir le meilleur en tordant la syntaxe, jouant des échos et ponçant tout effet. Ramuz mène son récit en jouant d'écrans séparés et réduit le temps et l'espace sans le moindre interligne, nous arrachant d'exquises commotions.

Y a-t-il une morale à ce conte humblement mythologique ? Les races sont-elles vouées à demeurer séparées ? Faut-il renier Dieu, sa mère et ses frères pour dépasser le schisme originel ? La barrière des langues façonne-t-elle le mensonge ? Ramuz pose des questions dont il se garde bien d'esquisser la moindre réponse et nous abandonne face à l'abyme.

Avec l'évidente simplicité d'un Nicolas de Staël, le divin romancier largue ses bombes à sublime fragmentation et leurs éclats nous foudroient de bonheur, encore et encore...

"(...) on ne peut pas empêcher de venir dehors ce qui vous sépare en dedans."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Avec un style TRÈS simple que même un enfant de dix pourrait reproduire, Ramuz réussit quand même, une fois notre lecture adaptée, à raconter la séparation de deux villages, l'un romand et l'autre alémanique, par une chaîne de montagne. Aucune hostilité mais pas de contact direct avec "l'étranger" que représente le petit bourg d'à côté; cependant, tout change lorsque qu'un romand enlève une alémanique pour en faire sa femme.

Il est intéressant pour des non helvètes de lire ce livre pour se rendre compte que l'acceptation de l'étranger en Suisse, vue naïvement par le reste du monde, n'a pas le même esprit du " tous égaux" mais de l'inverse: bonne cohabitation car point d'échange culturel et malheur à celui qui briserait cette paix social !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il y a ces pâturages qui sont sous le col à deux mille cinq cents mètres, et c'est seulement vers la fin de l'été qu'ils y montent, à cause que leur vie va de bas en haut [...]. Tout là-haut, au milieu de la dernière pente d'herbe, on voyait le chalet ; ils étaient devant le chalet, assis par terre, parce qu'il n'y avait même pas de banc, se tenant adossés au mur de pierres sèches, en face et au-dessus du vide. Vu de cette hauteur, le fleuve, au fond de la vallée, n'était plus qu'un bout de fil gris apparaissant à travers une brume bleue, comme si ce n'eût pas été de l'air, mais de l'eau, dans laquelle on aurait mis fondre du savon, qui remplissait cet immense bassin de fontaine ; ils se tenaient là sans parler, parce qu'on se sent tellement petits, c'est tellement trop grand pour nous.

[C.F. RAMUZ, "La séparation des races", 1922]
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Vu de cette hauteur, le fleuve, au fond de la vallée, n’était plus qu’un bout de fil gris apparaissant à travers une brume bleue, comme si ce n’eût pas été de l’air, mais de l’eau, dans laquelle on aurait mis fondre du savon, qui remplissait cet immense bassin de fontaine ; — ils se tenaient là sans parler, parce qu’on se sent tellement petits, c’est tellement trop grand pour nous.
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On va, on va longtemps avec les yeux contre cette côte ; elle est si élevée que, pour arriver jusqu'en haut, il faut renverser fortement la tête en arrière.

[C.F. RAMUZ, "La séparation des races", 1922, chapitre I - incipit]
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- Et puis, c'est aussi qu'elle est belle !
Il n'a plus pu se retenir cette fois, ni se corriger :
- Elle est comme du lait, elle est rose comme la rose... Elle n'est ni brune, ni noire, ni jaune de teint comme elles sont chez nous... Rose et blanche, rose et tendre... Et puis elle est grande, dit-il. (p. 23)
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Vidéo de Charles-Ferdinand Ramuz
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

#paulsen #guerin #livres #farinet #ramuz #saillon
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