Comme on peut se tromper! On ne connaît pas les gens jusqu'à ce qu'ils se racontent. J'imaginais Brialy égocentrique, exclusivement passionné par sa propre personne, bref: insupportable. Je me trompais lourdement. Brialy était un affectif hypersensible, un écorché vif et pudique, et son attention aux autres, la délicatesse pointilleuse, mais toujours bienveillante avec laquelle il décrit ses contemporains rendent son autobiographie captivante. On y apprend une foule de choses insolites, cocasses, et d'autant mieux préparées pour surprendre le lecteur qu'elles sont bien décrites. Car Brialy écrivait bien, et cela aussi, c'est une surprise. Je retiens les portraits psychologiquement déroutants de Pierre Brasseur, Roger Nimier ou Jean Gabin, ceux, touchants, de Marie Bell ou de Marlene Dietrich... Tout passionné de cinéma français du XXe siècle devrait se procurer Le Ruisseau des singes.
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J'ai toujours adoré cet homme, plutôt admiré sa prestance, sa facilité, sa faconde, sa gentillesse apparente. le récit qu'il nous livre est à son image, et nous ouvre les portes de quelques vedettes, amis, rencontres. On découvre son amour des autres, et on est conquis encore par celui qui fut pour moi l'un des meilleurs second rôles de notre cinéma.
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Je suis né le 30 mars 1933. En Algérie, le printemps était tiède et doux, l'air était chargé de senteurs lourdes et sucrées. J'étais très laid, un véritable petit singe, avec une tête en forme de poire recouverte de cheveux noirs. Mes parents étaient tout de même fiers et contents d'avoir un garçon. La mode étant aux prénoms composés, ils m'appelèrent Jean-Claude
Le producteur contacta Danielle Darieux, qui accepta de tourner ce rôle secondaire pour une somme modeste. Le jour où elle arriva, nous déjeunâmes ensemble avec Jean. Comme à son habitude, Jean avait commandé un plat léger, dans le genre boudin aux pommes, et son vin, un gros-plant. Nous étions en train de bavarder tous les trois lorsque, en plein milieu du repas, un assistant arriva en s'excusant d'exister. Prudemment il s'adressa d'abord à Danielle, lui dit qu'on avait besoin d'elle pour faire la première scène. Puis tout de suite, il s'adressa à Jean.
"Vous pouvez rester là, monsieur Gabin, vous avez le temps."
Alors Jean le fusilla du regard et lui lança :
"Quand Melle Darrieux fait son premier plan dans un film où je suis, Gabin est sur le plateau !"
Il se leva donc, abandonnant son assiette pour accompagner Danielle. Je les suivis un peu comme un enfant suivrait ses parents. Jean l'attendit, cigarette au bec, puis nous revînmes finir notre repas.
La vision que l'on a de soi est toujours approximative : même si l'on a plus ou moins apprivoisé son physique, même si l'on veut bien se reconnaître quelques défauts et quelques qualités.
La vraie raison de ma participation au film Le Puits aux trois vérités, independamment du fait qu’Henri Jeanson,le magnifique dialoguiste d’Hotel du Nord,avait écrit,la aussi,un dialogue très serré, très beau,était la présence de Michèle Morgan.Comme
tous les garçons,j’étais amoureux d’elle.Elle était la plus grande vedette du cinéma francais et,malheureusement,sans doute la plus sage! Elle symbolisait la tranquillité,la beauté,elle était rassurante et lumineuse,aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur.J’avais vu tous ses films et au moins cinq fois La Symphonie pastorale.
Je me souviens que Michèle avait découvert l’écologie,la phytothérapie et les médecines douces bien avant l’heure!Elle avait installé dans sa loge de cinéma,à Boullogne-Billancourt,une véritable pharmacie.Elle se servait d’une bombe à oxygène pour respirer,de temps en temps,un peu d’air pur avec un masque.Dans sa loge,elle avait des herbes, des tisanes,elle avait de tout.Il suffisait de lui dire:,elle sortait la racine,la fleur ou la poudre magique de ses tiroirs!Quand je rencontrai Michèle,elle venait de perdre Henri Vidal six mois plus tôt.Il avait été le grand amour de sa vie.Ce garçon turbulent,qui fréquenta les bordels,abusa d’alcools et de drogue et fit les quatre cents coups,avait un charme inouïe.Robert D’Alban partageait, d’alleurs,son goût pour la vie tumultueuse. c’était un peu Don Juan et Sganarelle. Le second suivait l’autre partout,îl était sa conscience.D’Alban lui faisait parfois la moraleMais Henri donnait l’impression de courir au suicide. Il se jetait à corps perdu dans toutes sortes de folles aventures.Si bien qu’on le découvrit un jour,dans un hôtel,mort d’une crise cardiaque.
Edith et ses amants, c'était un sacré roman ! elle les quittait toujours parce qu'elle ne supportait pas d'être abandonnée. Comme cadeau d'adieu, elle leur offrait une montre Cartier. Un jour, elle invita tous ses anciens fiancés à déjeuner et ils eurent l'élégance et l'humour d'être tous présents ! Au dessert, pour s'amuser, elle demanda l'heure. Ils avaient tous la même montre !
Jean-Claude Brialy - On n'est pas couché 18 novembre 2006.