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Françoise Brun (Traducteur)
EAN : 9782743606992
180 pages
Payot et Rivages (03/10/2000)
3.94/5   39 notes
Résumé :
Le bel appartement romain, les vacances à la montagne les doux souvenirs d'une enfance innocente côtoient d'autres souvenirs, plus inquiétants, qui affleurent peu à peu dans les visages et les silhouettes de ces personnes devenues du jour au lendemain " autres " par décrets, et persécutées pour cela.
Rosetta Loy retrouve les signes mystérieux et ambigus d'un quotidien vécu à l'abri de l'Histoire, et elle chercher derrière les faits - en s'attachant aux silenc... >Voir plus
Que lire après Madame Della Seta aussi est juiveVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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En 1938 quand l'armée allemande franchit la frontière autrichienne et annexe le pays, avec des conséquences délétères pour les deux cent mille juifs autrichiens, l'Italie catholique est en phase avec l'antisémitisme virulent des nazis allemands. Les publications de nombreux intellectuels fascistes italiens attestent de ce fait, touchant jusqu'au pape Pie XII qui, à rebours de son prédécesseur Pie XI, ne tentera pas de tempérer les lois raciales de Mussolini.

« Ils furent nombreux, ceux qui signèrent des articles défendant toutes voiles déployées la valeur et la qualité de la « race italique » et dénonçant le danger que les juifs faisaient courir à toute cette pureté ».

Le baptême, basilique Saint-Pierre, de Rosetta Loy née en 1931 dans une famille bourgeoise romaine, précède une enfance privilégiée, insouciante et heureuse. Et si la petite fille découvre l'antisémitisme — avec son camarade de classe Giogio Levi, interdit d'ascenseur parce que juif, et sa voisine Madame Della Seta, cloîtrée chez elle — ce n'est qu'adulte que Rosseta en prend la véritable mesure, et fait le choix à l'âge mûr de dénoncer dans ce récit documenté les dérives terribles de son pays vis à vis des juifs.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Le livre de Rosetta Loy m'a réservé,  à le lire en V.O., plus d'une surprise...

D'abord son titre: en italien "La Parola Ebreo", Le  mot "hébreux" ,  qui, dans la version française devient "Madame Della Seta aussi est juive".

J'avais lu il y a longtemps la version française, et choisi quelques citations, en 2015, pour l'illustrer... je l'avais quelque peu oublié: je me suis donc dispensée d'une critique qui aurait été bien floue ...

Je me précipite donc,  il y a quelques jours, sur La Parola ebreo..- chic! Un Rosetta Loy inconnu! - ..et dès les premières pages, ...je tombe sur la fameuse phrase éponyme du titre français!

Pas grave, excellent exercice, me dis-je, je le relirai donc, et en vo, d'ailleurs le livre français, je ne l'ai plus, je l'ai rendu à  l'ami qui me l'a prêté. ..

Deuxième surprise: j'avais gardé le souvenir vague d'une sorte de Giardino dei Finzi
Contini, romain et catholique, et non ferrarais et juif...

Les souvenirs d'une enfance privilégiée à travers le prisme égoïste et confortable duquel s'entrevoyait, s'entrelisait, le sort tragique des juifs de Rome pris dans la tourmente...

Ce n'était pas tout à fait ça: le récit  -faussement-  innocent de la petite fille -très-riche qui a des Fraülein, des caméristes, des cuisinières, des maisons de " villeggiatura " un peu partout, qui passe de la via Flaminia à  Rome  à  Cortina, à  Rapallo, et autres lieux "molto chic" de la haute bourgeoisie italienne, est regardé sans complaisance par l'auteure adulte, qui souligne son ignorance de classe, , son inconsciente  cruauté,  sa superficialité puérile, en l'éclairant,  en contrepoint, par un essai historique parfois très général- les grandes dates du fascisme, de l'invasion allemande, etc..- mais aussi, et c'est le point le plus intéressant, par une recherche historique et critique très fouillée concernant la position du clergé romain et de la papauté à l'égard des italiens d'origine juive.

Elle met en lumière  l'attitude si différente des deux papes de la guerre, Pie XI et Pie XII,  la complicité quasiment avérée de ce dernier d'abord avec les fascistes, puis avec l'occupant allemand, et la mort plus que suspecte du premier à la veille d'une encyclique qui aurait changé à coup sûr le sort des juifs d'Italie...si elle n'avait mystérieusement disparu avec son auteur...pour ne refaire surface que 56 ans plus tard!

Deuxième surprise, donc, et non des moindres, voici un livre de souvenirs qui devient un précis d'histoire italienne des années 30 à la fin de la guerre!

 Troisième surprise , les souvenirs légers ne le sont pas*- Giorgio Levi et sa bicyclette, Madame Della Seta et son plat de bar, Emmanuele et sa veste en oreille de cochon,  le grand frère déguisé en fasciste en l'honneur du retour du père. .qui l'ignore ostensiblement et passe, glacial, à côté de son fils et de sa femme  sans leur jeter un regard- et toutes les recherches, opiniâtres , désolantes de l'auteure devenue adulte  pour retrouver la trace de tous ces voisins charmants disparus dans les crématoires d'Auschwitz , voilà qui plombe d'une singulière gravité la légèreté apparente!

Quatrième surprise  : je n'avais pas rendu à  mon vieil ami les deux volumes de Rosetta Loy lus depuis si longtemps.. .je viens de les retrouver dans une de mes bibliothèques!

Che vergogna!

* pour des éclaircissements supplémentaires de ces exemples , voir ma critique de la VO, La parola ebreo,
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En ce qui concerne le sujet de la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement la dramatique machine mise en place dans toute l'Europe pour conduire à l'extermination d'une bonne partie de la population juive, j'ai beau empiler les lectures, j'ai toujours du mal à comprendre comment une telle ignominie a pu se produire. En achetant ce livre, parce que je voulais découvrir Rosetta Loy depuis longtemps, je pensais avoir affaire à un roman avant de m'apercevoir qu'il s'agit d'un récit mêlant souvenirs et investigation de la part de cette auteure qui tente elle aussi de comprendre l'incompréhensible. Elle qui avait huit ans, à Rome, lorsque la guerre a été déclarée. Elle qui est née sous Mussolini et dont l'enfance au sein d'une famille bourgeoise romaine ne lui a pas tout de suite permis de décrypter ce qu'il se passait autour d'elle, dans son immeuble ou dans sa rue. Alors elle enquête, recompose le contexte et examine ses souvenirs à l'aune des faits désormais connus. C'est captivant. C'est terrifiant.

J'ai rarement eu la nausée en lisant un livre et pourtant, j'ai souvent eu sous les yeux les descriptions de scènes à la limite du supportable. On sait de quoi les nazis et les fascistes étaient capables. Mais ici, il ne s'agit pas de scènes à grand spectacle ou de raconter l'horreur encore une fois. Non. Il s'agit du comportement de gens ordinaires, dans l'Italie fasciste. Et surtout, point central de ce livre, de l'attitude du Vatican et de l'Eglise catholique. Avec deux figures qui s'opposent, celles de Pie XI et de son successeur Pie XII. Rosetta Loy, à l'aide de recherches méthodiques dans les archives met à nue les hypocrisies, les contradictions, les connivences destinées à servir des ambitions politiques et des prises de pouvoir. Et se demande ce qui se serait passé sans le décès de Pie Xi qui avait chargé un trio de jésuites de lui préparer la matière à une encyclique sur le racisme et le nationalisme... que son successeur s'est dépêché d'enterrer. "Nul est en mesure de dire aujourd'hui de quelle manière ni jusqu'à quel point l'encyclique Humani Generis Unitas aurait pu changer le destin de millions de Juifs. Mais elle aurait sans doute posé à la conscience de près de cent millions de catholiques européens un problème qu'ils auraient eu beaucoup de mal à éluder".

La force du livre de Rosetta Loy c'est ce retour sur les souvenirs à hauteur d'enfant avec, en point de mire, la figure de Madame Della Seta, sa voisine, le goût des petits plats qu'elle cuisinait parfois pour eux. Et puis l'ombre de la famille Levi, les brimades dont elle n'avait pas pris conscience à l'époque en voyant son copain Giorgio Levi monter les escaliers son vélo sur l'épaule parce que la concierge de l'immeuble tenait à l'application stricte des règles : pas d'ascenseur pour les juifs. Ce n'est que plus tard qu'elle fera le lien. Alors ce qu'elle nous donne à voir avec ce livre c'est comment chacun, en ne résistant pas formellement, et même sans en avoir conscience, cautionne et participe à l'engrenage fatal. Ne pas dire non, c'est dire oui.

"'Discriminer sans persécuter'. Comme le fil est subtil pour séparer les hommes entre les bons et les méchants. Entre les innocents et les coupables. Si d'autres veulent ensuite les "persécuter", c'est eux, les bourreaux, que ça regarde. Ponce Pilate ne s'était-il pas lavé les mains, montrant ainsi qu'il était innocent de la mort du Christ ?"

Un livre choc, essentiel. Un livre qui m'a profondément dérangée malgré tout ce que je savais déjà. Un travail impressionnant de justesse et de précision, remarquable dans sa volonté d'éclairer et son constant souci d'équilibre. A lire absolument.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Dans ce livre Rosetta Loy évoque des souvenirs de son enfance et de son adolescence, pendant la montée du fascisme en Italie, puis pendant la guerre. Nous voyons les choses par ses yeux d'enfant, puis d'adolescente. Mais ce voyage dans les souvenirs a un but, un objet. Celui de faire revivre, et d'essayer de comprendre le destin des voisins, des amis, et au-delà de l'ensemble des Italiens qui à un moment donné ont été catalogués comme juifs dans leur pays. Une attention toute particulière est portée sur le rôle et les positions de l'Eglise, en particulier des papes, Pie XI et Pie XII. Rosetta Loy alterne donc les réminiscences, le retour vers le monde de son enfance, et aussi les faits, les chiffres, nous livre un pan de l'histoire de son pays, qu'elle est allée chercher, pour comprendre, pour donner sens à ce qu'elle a pu vivre, ce dont elle a été témoin sans forcément le saisir réellement à l'époque des événements.

Un livre étonnant entre le sensible et la pensée, entre le particulier et le général. Il résume d'une manière très claire ce qui s'est passé, les faits historiques, en mettant en parallèle quelques destinées individuelles, comme celui de la Madame Della Seta du titre. le livre donne à comprendre, mais aussi à ressentir. Intelligent et émouvant.
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Voilà une lecture qui a été pour le moins déconcertante !

Madame Della Seta aussi est juive est un ouvrage qui mêle récit et faits historiques d'une manière très inhabituelle. Ce livre est l'occasion pour la romancière de voir comment ont agit les catholiques, à l'échelle de la foule puis à l'échelle institutionnelle. Seulement, je m'attendais à ce que ce questionnement soit abordé par le prisme de la fiction, mais pas du tout ! A l'inverse, le récit est très factuel. Les soixante dix premières pages sont consacrées aux faits, aux dates.
Les apparitions des personnages sont très épisodiques et peu suivies, donc difficile de s'attacher aux personnages à la manière dont cela se fait avec des romans.
En cela le titre italien qui aurait été maladroit en français, "le mot 'juif'" donne davantage d'indices sur cet aspect réflexif davantage que romanesque.

Alors ce récit n'a rien d'inintéressant, bien au contraire puisque je ne connaissais pas grand chose à cet aspect de la Seconde Guerre mondiale en Italie. Cette lecture aura été donc instructive pour moi, mais je m'attendais à un roman et à être touchée différemment.
Cela m'a toutefois donné envie d'en découvrir davantage sur l'oeuvre de cette auteure.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Le Vatican se tait. Le 30 juillet [1942], Harold Tittmann, représentant américain auprès du Saint-Siège ... envoie au département d’Etat à Washington un télégramme informant de ses tentatives répétées d’avertir le Saint-Siège de ce que l’absence de toute protestation publique de sa part contre les atrocités nazies met en péril son prestige moral, mine la foi dans l’Eglise et dans la personne même du Saint-Père. Mais aucune demande d’intervention, écrit-il encore, n’a obtenu de résultat.
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... en novembre 1941, Pie XII peut exprimer à l’ambassadeur espagnol au Vatican, Yangas Messía, sa sympathie chaleureuse à l'égard de l’Allemagne et son admiration pour les grandes qualités du führer. Des déclarations qui, rapportées à l’ambassadeur von Bergen, sont évidemment envoyées par lui à Berlin, le 17 novembre, dans un télégramme de satisfaction.
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Il faudra trente-trois années avant qu'on puisse savoir, en partie du moins, quelle était la volonté de Pie XI, et ce qu'il avait probablement l'intention de dire aux évêques ce 11 février 1939. Et il faudra cinquante-six ans, cinquante-six années avant qu'on connaisse enfin le texte de l'encyclique Humani Generis Unitas ( "L 'Unité du Genre humain") , préparée à la demande du pape par un jésuite franco-americain.
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Personne ne sait encore quelles interrogations démesurées naîtront de cette image muette, pendant qu'elle nous offre ce poisson couché entre des bouquets de persil vert. Son image s'est dissoute dans cette journée de juillet, laissant dans la mémoire une empreinte, comme si elle s'était imprimée en transparence sur une gaze sans qu'il soit possible, jamais plus, de retrouver le corps qui interceptait la lumière, ou ce mouvement quand elle s'asseyait dans le salon, le bruissement de sa jupe. Rien que ce bar au court-bouillon, ça oui par contre, dévoré pourtant en un clin d'oeil, les boules blanches de ses yeux qui roulaient dans le plat.
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La tante de Mirella, Elisabetta, habitait elle aussi le quartier de Testaccio. Avertie par son beau-frère, elle sortit dans la rue, habillée comme elle était, avec ses trois enfants et son sac. C'était juste avant le couvre-feu et, prise de panique, elle monta dans un taxi. Quand le chauffeur se retourna pour lui demander où il devait l'emmener, elle répondit : "Qu'est-ce que j'en sais moi, je suis juive et il y a les Allemands qui viennent nous prendre." Le chauffeur de taxi devint tout pâle : "Oh, Sainte Vierge, et j'en fais quoi moi de ceux-là ?" Mais après un moment de terreur où ils restèrent à se regarder, aussi affolés l'un que l'autre, l'homme démarra et les emmena tous les quatre chez lui, où il vivait avec sa femme et ses deux enfants. Et ils restèrent là eux aussi pendant huit mois, entassés les uns sur les autres dans deux pièces, mangeant le peu de nourriture que la femme d'Ermete, le chauffeur de taxi, réussissait à se procurer.
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Videos de Rosetta Loy (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Rosetta Loy
Samedi 19 septembre 2020 / 9 h
Florence Seyvos et Anne Alvaro nous font parcourir l'univers de Sisyphe est une femme, l'essai de Geneviève Brisac, à travers l'évocation d'Alice Munro, Marguerite Duras, Rosetta Loy...
Florence Seyvos est écrivaine et scénariste. Les Apparitions, Prix Goncourt du premier roman 1995 et le prix France Télévisions 1995. L'Abandon, 2002, le Garçon incassable, 2013 (prix Renaudot poche). Elle a également publié à l'École des loisirs une dizaine de livres pour la jeunesse et coécrit avec la réalisatrice Noémie Lvovsky les scénarios de ses films, comme La vie ne me fait pas peur (prix Jean-Vigo), Les Sentiments (prix Louis-Delluc 2003) ou Camille redouble. Elle publie en septembre 2020 Une bête aux aguets, aux éditions de l'Olivier.
Anne Alvaro est actrice de théâtre et de cinéma. Elle a joué dans des pièces mises en scène par Georges Lavaudant, Claude Guerre ou Hubert Colas. Au cinéma dans le film Danton d'Andrzej Wajda en 1981, et dans quatre films de Raoul Ruiz. En 1999, elle reçoit le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour son rôle dans le film d'Agnès Jaoui, le Goût des autres et une seconde fois en 2010 pour le personnage de Louisa dans le Bruit des glaçons de Bertrand Blier.
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