Le chien est un animal essentiellement philosophique et littéraire. Il a commencé sa carrière avec Diogène "le Cynique", qui vivait et philosophait dans la rue, et à la mémoire de qui les Athéniens dédièrent la statue de marbre d'un chien au sommet d'une colonne. On le retrouve, par-delà les siècles, aussi bien dans
Cervantès avec ses inoubliables Rinconete et Cortadillo des "
Nouvelles Exemplaires", que dans "
Coeur de chien" de
Boulgakov, l'auteur du "Maître et Marguerite". Deux exemples parmi des milliers de l'usage romanesque du chien, qui vit dans la rue et jette sur la société humaine un regard sans illusions et souvent ironique, pour ne pas dire "cynique". Agnon crée Balak, chien de Jérusalem (où la vie n'est pas facile pour un animal de sa sorte), et dont le nom résulte de la lecture à l'envers de l'hébreu Kelev : tous ses ennuis commencent le jour où un Anglais sachant peu d'hébreu peint sur son dos, à l'endroit pour lui mais à l'envers pour les habitants, "chien fou", chien enragé. D'aucuns ont vu en lui et dans ses aventures une métaphore de la condition juive : marqué d'un signe distinctif et infamant, l'homme-chien est condamné à ne plus trouver de place dans la société. Et comme le souligne
Kundera avec justesse, ne pas avoir de place dans la société, c'est devenir un héros de roman.