Les éditions le passager clandestin ont réédité, fort à propos, la nouvelle d'
Isaac Asimov, «
A voté », fin 2016, alors que la campagne des primaires de la Droite et du Centre en France se concluait par l'élection d'un candidat qui n'était pas le favori des sondages.
La nouvelle d'
Asimov, écrite en 1955, propose une vision futuriste de l'élection du 4 novembre 2008 (celle d'
Obama) dans une Amérique livrée pieds et poings liés aux sondeurs et autres spin doctors.
Performance remarquable de l'écrivain qui nous projette dans un monde pas si éloigné que ça de celui dans lequel nous vivons.
Les élections traditionnelles n'existent plus en 2008 aux USA. Un ordinateur scientifique surpuissant, Multivac, ingère toutes sortes de données et désigne chaque année un électeur unique qui après une batterie de tests concoctés par la machine désigne le candidat vainqueur.
A tel point que l'on parle davantage de l'électeur que de celui qui a été élu :
« Quand on parle du gouvernement Ridgely de 1996 (…) On parle du « Maudit vote Mac Comber, comme si Humphrey Mac Comber était le seul responsable parce que c'est lui qui a dû affronter Multivac. »
La famille Muller vit à Bloomington, Indiana, Sarah Norman et leur fille Linda, 10 ans, hébergent le père de Norman, Matthew Hortenweiler.
Ce dernier a du mal à faire comprendre à Linda, excitée par la perspective de voir son père désigné comme électeur, qu'il a connu une époque où tous les citoyens votaient :
« Vois-tu, parfois il fallait toute une nuit pour compter les votes, et les gens s'impatientaient. »
Nouvelle visionnaire qui traduit, bien longtemps avant qu'elle ne survienne, la crise de la représentation politique, l'effet d'attraction répulsion de l'opinion et des politiques vis-à-vis des sondages, depuis le 21 avril 2002 et l'échec sondagier du Brexit et de l'élection de Trump.
Je crois les sondages lorsqu'ils me sont favorables et je les nie lorsqu'ils ne le sont pas, me retranchant derrière ces études d'un nouveau genre mesurant le buzz sur les réseaux sociaux et attestant de l'existence d'un vote ou d'un électeur caché…
Avec sa nouvelle,
A voté !,
Asimov pousse à peine le bouchon un peu loin, suggérant que l'analyse des données sociétales du corps électoral pourrait remplacer une élection nécessitant que chacun exprime son choix dans les urnes.
Qui n'a jamais eu la tentation de penser, si je n'allais pas voter, est-ce que cela changerait fondamentalement le sens du vote ? Tentation dont on nous dit aujourd'hui qu'elle guette de 35 à 40 % du corps électoral.
Si elle est visionnaire, la nouvelle d'
Asimov est aussi une mise en garde contre cette tentation de penser que le vote n'a plus aucune utilité.
A lire et à méditer dans le contexte actuel. Cela vaut les 4 euros que vous avez économisés en n'allant pas voter aux primaires de la Droite et du Centre et de la Belle Alliance Populaire.
En annexe du texte, une étude intéressante sur le contexte dans lequel a été écrit la nouvelle et notamment une chronologie de l'histoire des succès et des ratés des sondages prédictifs aux USA. Ceux-ci voient le jour dès 1936 avec l'institut Gallup qui s'illustre en annonçant le succès de Franklin Roosevelt…depuis, de l'eau a coulé sous le pont des instituts de sondages.
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