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EAN : 9782020059671
268 pages
Seuil (01/10/1981)
3.68/5   69 notes
Résumé :
Un homme solitaire entretient de curieuses relations avec une Encyclopédie en vingt-cinq volumes qu'il a entreposée dans les toilettes communes, à l'étage de l'immeuble dans lequel il vient d'emménager. En ce « havre de paix », il cherche à redonner vie à son passé, s'interroge sur la maladie dont il se croit atteint et les guerres qui déchirent le monde. - Mais bientôt, le temps qu'il passe aux cabinets devient source de quiproquos, et les conflits avec ses voisins... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
"Tout fluctue. Et mergitur."

C'était lors d'un voyage en Normandie, quelque part près du Havre. Un petit hôtel style Belle Epoque, de ceux qui portent des noms comme "Chez Ginette", "Chez Paulette" ou chez une autre "-ette", morte et enterrée depuis belle lurette. Un endroit charmant et cossu, mais qui se souvenait des jours meilleurs. Une chambre au mobilier branlant, un lit avec un matelas à ressorts qui ressortent, et un couloir au tapis rouge moelleux : une voie royale qui menait directement au Trône au bout du palier, caché derrière une porte surélevée avec un loquet douteux.
Je ne sais pas pour vous, mais je ne suis jamais tout à fait à l'aise quand il faut partager la royauté avec des inconnus. L'idée que quelqu'un attend son tour devant les commodités m'incommode. Les successions au trône ne sont que trop fréquentes... le roi est mort, vive le roi ! le tout c'est d'éviter la guerre. Il est absolument hors de question d'y traîner en apportant de quoi lire, mais que voulez-vous, à ce prix-là ?

Voilà aussi le souci du narrateur de "Cabinet portrait", un livre au caractère fortement autobiographique et fortement réjouissant. C'est intelligent, bourré d'irrésistible humour noir, et dépressif juste ce qu'il faut pour servir d'antidépresseur.

Après la séparation d'avec sa femme, notre héros change pour un appartement plus petit. le déménagement en soi est déjà épique, mais c'est sans parler de ses nouveaux voisins. D'un côté les Sbritzky avec la télé qui hurle comme mille diables, et de l'autre une folle aux râles indéfinissables. "Hâ-ââ-âr-rrr-âââ-â" ! Est-elle en train de rendre son dernier souffle, ou... ?
Bien sûr, "à ce prix-là", les ouatères sur le palier, comme il se doit. Tsst, passons...
La vielle bibliothèque ne rentre pas dans le nouvel appart, mais si l'on empile les bouquins le long du mur... Restent les 25 tomes de l'Encyclopédie Universelle que l'on pourrait déposer, à la rigueur, si le caïd Sbritzky le permet, dans les gogues mêmes. Il y a de la place, et cela pourrait profiter à l'instruction générale des locataires.
Le calme céleste de ces lieux d'aisance, en dehors de la portée des jeux télévisés des Sbritzky, est idéal pour que notre héros puisse continuer de s'instruire.
D'abord sur ses propres origines juives/séfarades, puis sur l'Espagne, la Suisse, Istanbul, Andrinople; sur les guerres et les périples de sa famille dont il ne sait pas grand-chose. Que de voyages peut-on faire, avant de tirer la chasse !
Puis, il y a le "tome C", qu'il hésite à ouvrir de peur qu'il lui confirme une terrible maladie.

Il n'est pas étonnant que les voisins deviennent mécontents. Hostiles, même. Soupçonneux et revendicatifs, même quand il n'y a pas d'"urgence". Les tomes en désordre alphabétique ne sont que le début. Pièges infernaux, appels aux autorités, petites batailles gagnées ou perdues. Et tout cela ponctué d'humour ravageur et de réflexions cyniques qui vous malmènent le diaphragme.
Qui est tu, Benoziglio, et quelle est ton histoire familiale ? Est-tu vraiment malade ? Vas-tu tenir le coup ?

Deux histoires en une : la première est une hilarante guerre de trônes, et la deuxième, en sous-couche, bien plus sombre et sérieuse.
Un livre pour tous les amateurs de la lecture aux toilettes, vécés, gogues, ouatères, latrines, cabinets... comme vous voulez. Mais aussi pour ceux qui ne trouvent pas la lecture aux sanitaires forcément saine. La couverture (en rapport avec l'histoire) donne envie, et le contenu va agréablement vous vider... ben, au moins la tête ! 4,5/5, cher lecteur en quête d'instruction. Tsst. C'est libre, au suivant... Mais respectez l'ordre alphabétique de l'Encyclopédie et regardez où vous marchez !

"Et c'est ainsi, boitillant et contrefait, que Quasimodo atteignit la porte des toilettes et s'y enferma."
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Le narrateur passe de longues heures aux toilettes.

Son colon le travaille. Son angoisse aussi. Cancer? pas cancer?

Il meuble cette expectative et ses longues stations dans ce modeste lieu clos par la lecture appliquée d'une encyclopédie, ce qui lui laisse le temps de le passer, justement, le temps..

On rit beaucoup, car Benoziglio, juif levantin bourré d'humou,r est une sorte de Woody Allen sépharade, un petit frère des Valeureux d'Albert Cohen, en moins truculent et plus intello!

Ecriture percutante, jamais ennuyeuse: rester assis sur la lunette, les fesses au frais est finalement une position idéale pour penser à l'humaine condition.. et ce n'est pas Rodin qui me démentira!

A découvrir...vous ne le regretterez pas, et veillerez, j'en suis sûre, à installer l'Encyclopédie dans vos gogues pour élever le niveau de vos méditations..
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Je ne viens pas ici présenter, résumer, décortiquer, ou vanter cet excellent roman de Jean-Luc Benoziglio, d'autres comme Bobby_The_Rasta_Lama, s'en sont déjà parfaitement acquittés.

Ma greffe sur ce post est purement stratégique, ce roman étant le plus connu de la bibliographie du génial Helvète j'espère par ce truchement toucher un maximum de lecteurs.

Qu'est-ce qu'il nous veut, qu'est-ce qu'il vend celui-là ? entends-je déjà gronder la foule.

Il cherche à réparer une injustice patente lorsque l'on jette un oeil sur la popularité de Benoziglio sur le site.
Seul "Cabinet portrait" dépasse les 100 lecteurs et de peu, le reste de son oeuvre n'excédant que rarement les 10 lecteurs.

Je reste interdit par le peu d'intérêt qu'il suscite, son style n'est pas toujours facile mais d'autres, plus abscons, ont ici des armadas de lecteurs.
Son humour et son sens de la dérision m'ont définitivement séduit dès la première rencontre avec son oeuvre.
C'était il y a longtemps, c'était ce fameux "Cabinet portrait".

Depuis j'ai il me semble épuisé tout ce qu'il nous a proposé, j'ai eu mes préférences bien sûr, mais il ne m'a jamais déçu.
Alors je vous en conjure, laissez-vous tenter, faites un essai, Bussi, Coben et consorts peuvent attendre.

Lisez Benoziglio sans modération.
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Roman déjanté. J.L. Benoziglio (1941-2013) est un écrivain suisse licencié en droit et couvert de nombreux prix littéraires que je découvre grâce à une critique de michfred sur Babelio. Un homme, que les circonstances de la vie, contraint à prendre un logement plus petit fait venir des déménageurs qui ont toujours soif et qui donnent des dialogues truculents. le plus important dans ses affaires est son encyclopédie de 26 volumes qui ne tient pas dans son nouvel appartement. Il va alors les entreposer dans les toilettes communes. Entre la télévision bruyante des voisins d'un côté et les râles de l'autre voisine, le seul endroit où il peut lire tranquille sera donc les cabinets. Ces squats prolongés lui vaudront la haine des voisins. Des scènes et des dialogues drôles, burlesques, ainsi que la dénonciation de l'absurdité des administrations. Une belle détente postérieure.
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Ce drôle de roman – car il l'est, drôle – commence par un déménagement. Bien que le protagoniste n'ait pas beaucoup de meubles et de cartons à déplacer, cet épisode devient une aventure. D'abord, parce que cet homme est embourbé dans sa vie et qu'il s'embourbe de plus en plus. Son esprit d'escaliers fait qu'il tient le fil de sa réflexion, seul endroit de réconfort, jusqu'au bout du rouleau. Notons que cet homme ne va pas bien. Il n'en est pas pour autant sinistre ou plombant. Disons qu'il rentre dans la catégorie des personnes compliquées. Vous savez, ces personnes qui en toute occasion ne manqueront pas de vous rappeler l'immensité d'éléments à prendre en compte et de questions à se poser. Et cet homme que nous suivons tout au long de ce roman a une vie compliquée et la seule chose à laquelle il tient encore est son encyclopédie, aussi enrichissante qu'embarrassante. Alors il la trimballe et à l'image de tout le reste, elle lui apporte beaucoup mais l'encombre tout autant.
Le vocabulaire riche, les portraits ciselés des personnages croisés donnent à ce roman un ton particulier. On pourrait penser à cet esprit de décalage, idéal pour parcourir le labyrinthe mental de cet homme. Malgré ses déboires, il est attachant et sa manière de se fourrer dans des situations impossibles, notamment des petits boulots étonnants, est réjouissante. le rire se veut rapidement ironique, diffusant une mélancolie touchante.
Lien : https://piao.fr/2021/08/cabi..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je n'ai jamais prétendu que c'était drôle.
Mais je ne me trouve pas précisément en un lieu où souffle l'esprit.
A propos de souffle, ça pue si fort que je manque de perdre le mien en me retenant de respirer par le nez.
Le genre de détail à faire se pâmer les Cénacles.
Je m'installe de mon mieux, en cherchant à me souvenir qui a dit quelque part que, l'or étant inaltérable, il devrait être réservé à la construction des lieux d'aisance ? Qui que ce soit, il ne semble pas avoir été entendu. La gueule du client qui irait pisser dans une banque et auquel on apprendrait que ses précieux petits lingots ont servi à édifier le bidet...
Pourquoi l'ampoule nue qui pend au bout de son fil couvert de toiles d'araignées me rappelle-t-elle toujours un couloir de prison ou même une cellule de condamné à mort ?
- Vous que l'on va abattre quand le jour sera venu, avez-vous un dernier souhait à émettre ?
- Ouais : un abat-jour.
Tssst.
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Dans les romans tirés de film, dans les films tirés de romans, bref : dans tout ce qu’on peut tirer de n’importe quoi pour faire le maximum de fric avec un minimum d’idées et d’intérêt, le héros qui rentre dans sa chambre d’hôtel, moscovite, remarque, à d’imperceptibles détails, qu’en son absence de peu scrupuleux personnages ont passé la pièce au peigne fin.
Sans parler des cas où il tombe sur le corps d’une femme nue pendue au pommeau de la douche.
En ce qui me concerne, un tel désordre règne en permanence dans ma turne que ce n’est qu’en apercevant mon matelas éventré sur toute sa longueur que je réalise que j’ai reçu une visite. Comme si j’étais du genre à planquer des napoléons dans ma paillasse.
Ris donc.
Quant au dernier souvenir que je possédais encore de l’homme en blouse blanche, une montre or platine, cent mille carats, rubis, diamants et tout le bataclan, je ne la portais de toute façon jamais.
Une sorte de pudeur filiale.
Offerte par un patient pour le remercier de l’avoir guéri de sa mégalomanie.
Riez donc.
Je m’assure qu’aucune femme nue ne pend nulle part en me disant que c’est toujours trop tard, quand le mal est fait, qu’on regrette de ne pas s’être assuré.
Déteste l’idée que des mains sales ont tripoté mes affaires. Les livres, surtout. Mais tant d’imbéciles se servent des pages de la Bible ou du Capital pour y dissimuler leurs billets de banque que je ne peux pas en vouloir à mon monte-en-l’air d’avoir tenté le coup.
Une seconde, naïvement, comme si nous vivions encore au bon vieux temps, je caresse l’idée d’aller déclarer le vol chez les flics. Une seconde elle se laisse faire, l’idée, puis me déclenche un violent coup de coude dans le bas-ventre.
Bon.
Rapidement, je remets un semblant de désordre dans la pièce et puis, à tout hasard, parce qu’il faut quand même bien tenter quelque chose, je vais frapper chez Sbritzsky et Famille.
Dans leur poste, d’une voix de stentor, un type est en train d’expliquer que si le terrain n’est pas trop collant et si quelques favoris ont la bonne idée de se casser une jambe dès le départ, Fleur de Bave a une chance certaine d’être demain à l’arrivée.
Ce n’est qu’après que l’hippique commentateur a résumé la situation en rappelant aux amis turfistes que, sur 15 partants, ses favoris sont les numéros 4, 11, 5, 8, 14, 3, 1, 12, 7, 13, 6, 10 avec le 2 ou le 15 comme outsiders et très peu de chances pour le 9, encore qu’on ne puisse jamais savoir et que son entraîneur, quand il le monte, fait montre d’un troublant optimisme, ce n’est qu’alors que mâchouillant un bout de crayon et tenant à la main une feuille couverte de chiffres, le Seigneur des lieux daigne m’ouvrir.
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Je déteste rester à rien foutre quand quelqu'un travaille dans l'appartement, Raison pour laquelle je n'arrivais jamais à avoir le plombier: il sonnait, et sonnait, et je ne répondais pas, il s'en allait et, un peu plus tard, j'appelais pour me plaindre. "Mais il est venu, me répondait-on, et vous n'étiez pas là." Et je répondais que bien au contraire, j'étais là, et que c'était précisément ce que je lui reprochais: de venir quand j'étais là. "Et comment voulez vous qu'il entre si vous n'êtes pas là? " Me hurlait on aux oreilles. Ouiche. Je commençais à comprendre pourquoi tant de types se mariaient.
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Je pense que ce qui frapperait d'emblée un éventuel visiteur (en dehors du poing que je lui foutrais sur la gueule pour lui apprendre combien je déteste les visiteurs éventuels) serait la fâcheuse tendance qu'ont mes bouquins à se répandre partout. Mais où sont mes rayonnages d'antan, fleurant bon l'encaustique et la poussière ?
De fait, j'ai beau tenter périodiquement de repousser mes livres contre le mur, beau m'efforcer de les ordonner en rangées stables et régulières, rien n'y fait : en quelques heures mes échafaudages se cassent la figure et cent fois sur le métier je dois remettre mon ouvrage.
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- Dans les toilettes ?
- Oui. On y trouve bien parfois des almanachs, ou des guides touristiques, ou des bouquins cochons, ou n’importe quoi pour rêver pendant qu’on se tord les entrailles. Alors pourquoi pas une Encyclopédie ?
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