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EAN : 9782714312617
78 pages
José Corti (25/11/2021)
3.75/5   2 notes
Résumé :
On a planté des feuillus pour ombrager les beaux quartiers ; on les a arrachés pour le stationnement des voitures. On plante à présent des arbres au cœur des cités pour mieux y respirer.
Mais l'arbre est aussi un mât mémoriel irrigué par l'histoire et les mythes.
Associé à une figure historique, il contribue à élargir sa dimension légendaire ou à la rectifier. Il est fréquent de croiser sur son chemin allemand, le "chêne de Hölderlin" ou celui de Schil... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
À travers dix-neuf arbres spécifiques, réels ou métaphoriques, une incroyable visite guidée de l'univers poétique, tout d'exils, de migrations, de refuges et de collisions, créé par Patrick Beurard-Valdoye ces trente-cinq dernières années.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/03/02/note-de-lecture-palabre-avec-les-arbres-patrick-beurard-valdoye/

Si l'on envisageait un instant l'immense cycle des « Exils » de Patrick Beurard-Valdoye comme une succession de salles vivantes et vibrantes dans un musée poétique imaginaire (on vous parle des trois dernières en date parmi les sept existant actuellement – « le narré des îles Schwitters » (2007), « Gadjo-Migrandt » (2013) et « Flache d'Europe aimants garde-fous » (2019) – sur ce même blog), ce court et dense « Palabre avec les arbres », publié chez José Corti en novembre 2021, en serait peut-être bien le guide subtil et presque malicieux.

En 19 poèmes, chacun allant de une à quelques pages, tous inscrits sous le signe de l'arbre au singulier ou au pluriel, tremble, oliviers, banyan, pommier, pinède, peuplier, chênaie, figuier ou saule solitaire, entre autres, on retrouve et explore par d'autres facettes, d'autres inscriptions ou d'autres crevasses terribles certains des lieux et des personnages les plus emblématiques jusqu'ici de ce formidable travail poétique au long cours, oeuvre herculéenne de connexion intelligente et sensible, par l'histoire, l'art et la résonance profonde dans notre présent, des migrations, des fuites, des refuges et des exils. On retrouvera ainsi, par exemple, auprès de leurs arbres, Walter Benjamin (et Dani Karavan avec son mémorial) à Port-Bou (et on songera alors naturellement, en parallèle, au beau travail de Sébastien Rongier), Aby Warburg à Hambourg (et qui mieux que lui en effet, avant la montée en puissance de ses hallucinations, comme le rappelait Carlo Ginzburg, peut incarner l'approche indiciaire pratiquée aussi en poésie par Patrick Beurard-Valdoye), Antonin Artaud et sa tombe mal connue au cimetière Saint-Pierre de Marseille (incise dont l'éclat vif se rehausse encore d'une dédicace à Florence Pazzottu), Carl Gustav Jung à Küsnacht (la poétesse et voisine Hilda Doolittle se tenant logiquement à proximité), Étienne de Lusignan à Nicosie et à Limassol, préservant de son mieux des arbres le plus souvent métaphoriques et scripturaux, Rainer Maria Rilke à Duino – ou plutôt à Lipica, 25 kilomètres plus loin -, ou encore, naturellement, Kurt Schwitters à Ambleside, merzant une nouvelle construction, et Paul Celan et Ingeborg Bachmann, en correspondances mystérieuses sous certain paulownia solitaire de la place de la Contrescarpe.

Comme chez la Françoise Morvan de « Sur champ de sable » (« Assomption », « Buée », « Brumaire » et « Vigile de décembre ») ou comme chez le Lambert Schlechter du « Murmure du monde » (« Une mite sous la semelle du Titien » ou « Je n'irai plus jamais à Feodossia », par exemple), et comme ce n'est généralement pas le cas (ou alors de manière subtilement dissimulée aux détours des brassages de langues et de lieux) dans les grandes installations du cycle des « Exils », des éléments biographiques directs, réels ou transmutés, se glissent dans le flot d'évocation, par certains marronniers ou par certain grand-père fantôme, affirmant le profond mélange de personnel et d'universel qui est à l'oeuvre dans le cycle des « Exils », confirmé avec fougue et malice dans ce bréviaire végétal et songeur qu'est « Palabre avec les arbres », se révélant ainsi comme la plus belle des portes d'entrée dans l'univers cosmopolite, mouvant et salvateur de Patrick Beurard-Valdoye.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le fay de Guillevic

DIGITALES hagenthal tintes
de cloches à travers orties
qu’on prétend parfois enfouies
en vaste champ on ne dit pas
une étendue pour un bois
ni une arbraie pour une forêt

sylve claire de vieux hêtres
aux flaques de soleil avec
l’envolée d’yeux sur
un tronc jusqu’à la cime

ceux de la crête sont souvent
scarifiés d’initiales doubles
un graphe une date entourée
le contour puéril d’une église
une stèle au blason illisible fixée
au fayard par un fil de fer
fay fayi fou fol faisant fi de la foi
conférence permanente

du complan d’éminence Guillevic
rêve et du poème qu’il grave
dans l’écorce au canif
vers serrés elliptiques qui
rassurent au réveil
confirment la démarche lapidaire
sans la violence faite au regard

pour dompter la langue de bois
ses broutilles sans lance
d’une griffure dans le haut fay
tel un vaccin dans la patte du géant

pour inoculer dans le flux des mots
la sève et la sensation
faire du poème un laps vertical où
la durée se rompt pour résoudre
la lutte des contraires

procession de noms en déclin
dans la clairière des parlers
en langues si vite courantes
pourtant toutes étrangères
science parlière aux
parages de la bise

hêtre aux oreilles contre les racines
introspection autour de l’arbre prostré

si loin du silence à répétition
soudain fayard par fayard
les premières trompettes de la mort

digitales tintes de cloches
à travers hagebutten
la cloche fêlée du soir
accueille les passants
le jeune Guillevic chantre en aube
n’a pas sonné les cloches
fondues traduites en pièces à canon

sa gendarmerie héberge à présent
des demandeurs d’asile

réfugiés en place des gardes mobiles
foyers d’incertitude
contre mobilité de raison
avec les étangs tout contre

quelques aimables armés de mots
au fond d’eux-mêmes
refouleraient bien leurs étrangers au bois
ombres migrantes utiles
guidant la cueillette dominicale
des trompettes de la mort
ou gommant à la main les graffiti d’écorces
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Le cytise de Schwitters



ASSIS sur la butte herbeuse
comme Kurt Schwitters avec son
Erika devant la hutte en granit
merzée pour rêver vivre sur l'ile
ou s'exiler

tous avions le regard inondé
de bouts collés préservés formes plâtrées
reliques en bois flotte planches peintes
caisses de margarine et bris de nefs
et tous ces mots en allemand
norvégien anglais français
en italien en schwitters
imprimés en notre mémoire aussi

devant l'entrée l'arbre en beauté
avec ses lustres de fleurs pleureuses
jaunes de mai trônait magistral
auquel je n'avais pas prêté attention
lors du passage précédent
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c’est là que j’eus confirmation
qu’augurant aux points cruciaux
l’évasion de mon fantôme
l’oiseau se nommait bien HÉRON

sept ans allaient être nécessaires
pour payer ma dette à l’ardea cinerea
et traverser l’exil en colporteur de langues

sur les ruines de l’usine à prisonniers
fut bâtie une maison de la naissance
survolée par tel ou tel héron cendré
faisant peut-être office de cigogne

c’est ainsi qu’une amie des conjectures
apprit qu’elle mit au monde
sur cet hectare infernal où mille pioupious
la nuit s’étaient masturbés sans désemparer
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en visite chez mes parents
je découvre dans leur jardin
un cytise en fleurs auquel je
n’avais jamais prêté attention

que je vénère désormais avec ses
floraisons par grappes pendantes
rappelant l’ami de Schwitters
aux fatales samares

car la connaissance provient
d’un exil du regard aussi
parfois je rêve d’une Lingua
Tertii Imperii concernant les
administrateurs de la langue française
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Sur le fil de l’arbre



extrait 5

bref
l’orage
et le désir

l’appel du duramen
et les sylves sonores

l’icône miraculeuse

l’odeur graminée

l’arbre à papillons

et même le mot de la fin
en guise d’absolution
pour toi
pie voleuse de Palabre :

la poésie extralégale
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Videos de Patrick Beurard-Valdoye (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrick Beurard-Valdoye
Avec Michèle Métail & Patrick Beurard-Valdoye
Soirée conçue et animée par Fabrice Thumerel _____________________________ « La projection du mot dans l'espace représente le stade ultime de l'écriture » – Michèle Métail
« En quoi consiste la lecture en public ? C'est un acte dans le poème écrit, et donc une action. Mais d'abord, le poème lui-même est un acte dans la phrase et la parole » – Patrick Beurard-Valdoye Publication orale de Michèle Métail, « Signe Multiplicatif » (nouvelle version d'une oeuvre ouverte commencée en 1994). _______________________________________ Performance de Patrick Beurard-Valdoye, « Ivan et Antonin, pilotes ».
Michèle Métail et Patrick Beurard-Valdoye, deux voix majeures de leur génération, représentent deux voies importantes de la poésie contemporaines : pour la première, la publication n'est parachevée que par sa mise en voix et en espace devant un auditoire (cette esthétique du hors-texte explique la longue période pendant laquelle elle ne publie aucun livre) ; le second reprend à son compte cette notion de Publication Orale en 1983, avant de lui préférer en 1990 le terme de Ghérasim Luca Récital, puis d'adopter enfin le terme Performance, que tout le monde utilise le plus souvent à mauvais escient (notamment pour parler d'une simple profération debout immobile).
C'est à l'enseigne de l'oroeil que nous aurons la chance de plonger dans l'antre/entre de ces deux extraordinaires poètes de la scène dont l'univers oscille entre poésie et musique, écriture et oralité, comme entre langues diverses.
Michèle Métail. Depuis 1973 privilégie la diffusion orale de ses oeuvres, tout d'abord à travers les « Hors-Textes », dotés un numéro d'ordre car envisagés comme construction unique. Vers 1982 les « Publications orales » prirent le relais, illustrant le refus de toute publication papier durant une vingtaine d'années.
Adolescent, Patrick Beurard-Valdoye hésitait entre poète et pilote de ligne. Est devenu poète de lignes. Cette performance, convoquant les pilotes Antonin Artaud et Ivan Illich, est conçue à partir de Lamenta des murs (à paraître, Flammarion), huitième et dernier volume du Cycle des exils.
À lire, voir et écouter – Michèle Métail, le Paysage après Wang Wei, Lanskine, 2021 – Patrick Beurard-Valdoye, Palabre avec les arbres, éd. Corti, 2021.
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