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EAN : 9782842639341
317 pages
Le Dilettante (14/03/2018)
4.75/5   4 notes
Résumé :
On pensait l'édition des Carnets d'André Blanchard terminée avec la mort de l'auteur et le dernier opus Le reste sans changement. Ce Début loin de la vie remonte en fait aux 9 premières années des Carnets (1978-1986), antérieures donc à la première année publiée (1987) au Dilettante. Le livre s'ouvre par un texte dense intitulé Ex-voto daté de 1999 et d'une soixantaine de pages, réflexion sur l'envie d'écrire et la place centrale de la littérature dans une vie peu c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je poursuis avec beaucoup d'attention et de plaisir...Un auteur "fou-
passionné" , "doux-dingue" de littérature, d'écriture...en décalage volontaire de la société et de ses congénères !....
"1986-mars
Quand nous écrivons, plus rien n'existe. En somme, nous nous supprimons du monde sans avoir besoin de nous détruire. C'est un privilège qui classe la littérature." (p. 294)

Je poursuis ma lecture des carnets de André Blanchard... ceux-ci ont été récemment édités, alors qu'ils reprennent les débuts de ses carnets entre les années 1978-1986.

"Jeudi 6 juillet [1978 ]
C'est l'année de mes vingt-sept ans. Il faudrait peut-être que je me décide maintenant à accélérer le rythme, et à me coltiner la question essentielle qui m'échoit : qu'est-ce je vais bien pouvoir faire de cette vie ? (...)
Que vais-je devenir ? Cette incapacité à trancher dans le vif , c'est tout moi. En somme, il n'y a que dans l'indécision, que je ne suis pas un dilettante." (p. 79)

On retrouve ses admirations inconditionnelles pour Cioran, Flaubert, Proust, Calaferte, Mauriac, Julien Green, José Cabanis, etc., son indécision, son refus d'une carrière, la maladie qu'il doit assumer, ses grandes difficultés à être publié, ses petits boulots, son regard critique sur notre
monde, déjà en crise économique et sociale... Comme cette remarque qui date de 1982....malheureusement toujours d'une actualité brutale !

"Nous vivons une époque décidément inouïe : quelqu'un que je connais, bac + 3, qui était sans travail, vient d'entrer aux Ponts et Chaussées, sur concours, pour un poste de ...cantonnier ! Et la sélection fut des plus sévères vu le nombre de candidats pour un seul poste, et vu le niveau de ceux-ci, beaucoup de diplômés comme lui !
Tout arrive : cantonnier, naguère l'égal de l'idiot de village, devient une sorte de notable parmi les manuels..." (p. 174)

Désabusement, autodérision; Pour André Blanchard, seules, L'écriture et sa marginalité d'"observateur" font lien avec le monde extérieur...
Il n'en reste pas moins que ces carnets sont "jubilatoires" car il défend les écrivains qu'il admire ; il nous offre un regard acéré sur notre société -spectacle...celle des apparences et de la réussite sociale ! Un regard franc et tonique...qui secoue tous les petits conforts...

Une phrase a retenu mon attention, tout en me faisant sourire, car l'auteur l'a écrit alors qu'il a 34 ans ; En dehors de l'écriture , A. Blanchard ne parvenait pas à adhérer à un projet professionnel quelconque, ni à cette société dans laquelle il se sent "déplacé"....:

"J'en suis encore à me demander ce que je ferai quand je serai grand ! " [1985 ] (p. 261)

@Françoise Boucard-Décembre 2019
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Le saisissement du mot et l'image du monde.
Par les bienfaits d'une édition rétrospective, en revenant à l'origine des carnets d'André Blanchard, de 1978 à 1986 et en se remémorant les bribes d'une époque révolue, les années 1980, on peut avoir la sensation de se baigner une seconde fois dans le flux du temps et de savourer en prime la verve d'un écrivain déjà affirmé. Sa ligne de conduite est tracée. Il n'en démordra pas. Les carnets s'empileront sur le même modèle, avec des envolées similaires et des aigreurs récurrentes. Nul mal de vivre existentiel pourtant chez cet auteur « inquiet endurci » sans « plan de vie en tête » mais une inaptitude à s'engager dans le corps social, l'esprit n'y étant pas. Pour André Blanchard, la littérature n'est pas un passe-temps mais une activité pleine et entière, une passion qui peut « rendre insouciant du sort de la planète ». Son impécuniosité chronique le contraint à chiner les bouquins, lisant à mesure de ses acquisitions aléatoires dans le droit fil de ses intérêts littéraires, le Journal de Léautaud, celui de Jules Renard, les Notes d'un Vaudois de Ramuz, les Carnets de Calaferte, les Mémoires intérieurs de François Mauriac mais encore Green, Flaubert, Stendhal, Montherlant (Les Célibataires son chef-d'oeuvre), etc. Déjà les faiseurs se prennent quelques volées de bois vert à l'exemple de Michel Tournier qui écrit avec « les gros sabots d'un besogneux, d'un sans-grâce », de Sartre avec « ces leçons données par bourgeois et grand bourgeois au peuple, pour son bien ». Le Clézio en réchappe de justesse mais il ne perd rien pour attendre. Oscillant entre carnet et journal, les écrits d'André Blanchard font la part belle à la littérature mais l'actualité de l'époque s'immisce, des menus faits du quotidien s'égrènent, des observations paysagères traversent et vivifient l'ensemble pourtant tonique par le ton alerte, personnel et sans fard de l'auteur. On y voit entrer en scène le chat Grelin. On le verra en sortir bien des années plus tard. le lecteur peut s'y trouver en terrain connu et ressentir bien des complicités avec un homme humble et sincère, entier et constant, lucide et sensuel. Les carnets font vivre André Blanchard au-delà des contingences et donnent voix au chapitre à toute une frange de la population laissée pour compte, en marge de la bien-pensance et des médias.
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Rares sont les oeuvres qui portent avec une telle incandescente, une telle naïveté peut-être aussi, au pinacle la tension vers l'écriture. Dans ses premiers carnets, dans le texte qui les accompagne et en déplie la démarche, André Blanchard la transmue en religion. Incantation de l'absence, évocation d'une formation intellectuelle à travers les lectures, la maladie et l'éloignement. Mais surtout portrait rageur, lucide, des impostures culturelles d'une époque, les années quatre-vingt, où l'écrivain est devenu un publiciste de lui-même.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Samedi 18 août ( 1984)

J'ai hésité longtemps avant de lire " Le Livre de ma mère ", de Cohen, m'attendant au pire sur un tel sujet: la transcription gnangnante de l'amour filial avec de l'émotion bon marché. À la fin, je me suis dit qu'un tel écrivain, si particulier, ne pouvait avoir versé dans le sentimentalisme mièvre, dans ce qui ne saurait désarçonner le public.Et j'ai eu raison, tant ce livre est magnifique, long poème funèbre scandé par l'inimitable style de cet aristocrate des lettres. C'est un livre extrêmement fort où Cohen déploie ce qui me plaît : la méchanceté, le cynisme, l'ironie, l'absence de complaisance envers lui-même, la satire, et la constante volonté, comme dans " Belle du Seigneur" de montrer et de mêler les deux pôles entre lesquels nous évoluons, le sublime et le grotesque, la beauté et la puanteur (...)

( p.246)
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1986
Jeudi 18 septembre

Ces derniers temps...j'ai rajeuni. Comparé au jeune homme que je fus, sérieux, guindé, et l'esprit rouillé, je me sens tout de même mieux, comme sorti d'une grisaille, doué d'un peu de vivacité, de moquerie, de décrispation; même la tristesse et la détresse que m'attendaient avec assiduité au long de ces dernières années dont maintes pages de ces cahiers font foi, je les ai accueillies avec plus de détachement et de flegme que d'accablement, avec plus de sarcasmes et de pirouettes que de mortification. Somme toute, il y a de la logique là-dessous : moins je devenais important, plus les flétrissures de la vie rataient leur cible. (p. 309)
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[1982 ]

Nous vivons une époque décidément inouïe : quelqu'un que je connais, bac + 3, qui était sans travail, vient d'entrer aux Ponts et Chaussées, sur concours, pour un poste de ...cantonnier ! Et la sélection fut des plus sévères vu le nombre de candidats pour un seul poste, et vu le niveau de ceux-ci, beaucoup de diplômés comme lui ! Tout arrive : cantonnier, naguère l'égal de l'idiot de village, devient une sorte de notable parmi les manuels... (p. 174)
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Vendredi 2 janvier ( 1981)

Durant les fêtes de fin d'année, notre société aime s'offrir des prêchi- prêcha qui nous commandent de regarder ailleurs, vers ceux qui souffrent, de maladie, de famine, d'humiliation, de tortures, etc.Or, comme tout, du plus petit rouage de cette société au plus important, inculque à chacun la nécessité du combat, de la compétition, de la primauté du profit, ce qui se fait toujours sur le dos d'autrui, on reste dubitatif, enclin à voir dans cette subite attention qu'on nous demande de porter aux autres en ces jours une sorte d'acte de contrition.De quoi, après, repartir soulagé à l'abordage.

( p.118)
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Lundi 13 août [1978 ]

Jusqu'alors, j'étais plutôt enclin à penser qu'un artiste, au nom de sa dignité, ne devait pas accepter d'être assisté, devait assurer son indépendance fût-ce en acceptant n'importe quel emploi, même balayeur. Depuis quelque temps, une réflexion de Flaubert me trotte dans la tête tant elle me semble assez fondée parce qu'elle prend le parti de la littérature contre la nécessité, cette chose mal famée : " On trouve que l'écrivain, parce qu'il ne reçoit plus de pension des grands, est bien plus libre, bien plus noble. Toute sa noblesse sociale maintenant consiste à être l'égal d'un épicier. Quel progrès ! " On reconnaît une des spécialités de Flaubert: nous faire rendre les idées reçues. (p; 92)
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