Librairie Les Mots et les Choses- Boulogne- Billancourt- Jeudi 7 juillet 2022- En furetant pour la toute première fois dans cette librairie indépendante...
Ne m'étant pas immergée depuis un long moment dans l'univers et la poésie de
Christian Bobin, que j'affectionne immensément, j'étais très , très heureuse de "ma trouvaille"...
Trouvaille, en réalité, épuisée aussitôt après sa première publication en 2011, par le même éditeur.
Fata Morgana a donc décidé de rééditer ce texte, devenu introuvable....depuis toutes ces années !
Un très beau titre pour des fragments démarrant sur un mystérieux portrait, assez tourmenté, me faisant curieusement songer à
Antonin Artaud...
Rien de tout cela, il s'agit de l'autoportrait dessiné par
Gilles Dattas.
Intriguée... je fais quelques recherches; le mystère restera quasi entier, en dehors du fait que cet artiste- poète écrit tout en étant illustrateur , dont illustrateur d'un autre texte de
Christian Bobin, "
Ressusciter "
Christian Bobin rend hommage à "un artiste inconnu","un peintre inconnu", et à tous les artistes anonymes qui créent pour nous de la beauté....Hommage aussi à cet ami créateur,
Gilles Dattas, qu'il sort de l'anonymat avec ces "éclats de solitaire" et ces fragments poétiques...
On retrouve les mêmes thèmes récurrents chers à l'auteur: la Beauté absolue se trouvant dans les détails les plus ordinaires ou les plus insignifiants...la Solitude de chacun, le refus de la laideur dans le quotidien de notre société dite " moderne", la lassitude de vivre rencontrée sur certains visages croisés sur le chemin, et toujours cette beauté de la nature , mais aussi les rêves et une autre Beauté offerts par les artistes et les écrivains ( une brève parenthèse faite à
Marcel Proust),une tristesse sous-jacente vis à vis d'une déperdition de l'humain ... et cette Nécessité du Beau, pour échapper à la difficulté de Vivre !
"Le dessinateur, qui aujourd'hui travaille au Petit Palais, a l'oeil absolu.Un jour, voyant une jeune femme en robe noire contempler, fascinée, une amphore sur laquelle sont peintes des jeunes filles vêtues de noir, il murmure : "un chef-d'oeuvre qui regarde un chef-d'oeuvre ". Ou bien, sur les rues de Paris : On n'a pas le droit de jeter une canette de bière dans le caniveau, mais on a le droit d'y garer toutes ces voitures qui sont plus laides que des canettes géantes ".Et, à propos des statues équestres de Louis XIV dans les squares : " personne ne les regarde parce qu'elles ne sont pas dans un musée. Elles sont les clochards de l'art".(p.25)
Toujours un sentiment spécial, hors du temps, en savourant lentement la langue, le style minimaliste, épuré, poétique et magique de
Christian Bobin...
Toutefois, comme tous les écrits de Bobin, chaque lecteur s'immerge dans un monde du Silence et de l'infiniment Petit...et y trouve sa ou ses" pépite (s)" toute(s) personnelle(s)...
Cet " Eclat du Solitaire " ne fait pas exception à la règle. de nombreuses digressions je pourrai rajouter, mais l'un des plaisirs particuliers de l'immersion dans les mots de
Christian Bobin, est de se laisser porter !