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EAN : 9782072723902
336 pages
Gallimard (08/03/2018)
3.69/5   13 notes
Résumé :
« C'est un métier de voleur, d'espion et d'assassin. L'écrivain espionne, il écoute les gens en douce, il vole les particularités et les paroles des autres, et puis il met tout ça sur le papier, il arrête l'instant, comme disait Goethe, autrement dit, il tue ce qui est vivant au nom de la beauté ».
Pour Iouri Bouïda l'écriture est forcément caractérisée par un rapport quelque peu violent avec la vie. Narrateur de la plus belle tradition russe, intellectuel a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Les années 60, la Russie communiste de Khrouchtchev, et de Brejnev à partir de 1964. Dans un décor burlesque, Iouri Bouïda, campe son enfance dans une petite ville de la région de Kaliningrad, l'ex-Prusse orientale, où le sexe, les toilettes, le barbier...., bref la vie quotidienne dans tout ses états n'est que violence, désolation et débauche, imbibée d'alcool, le tout fortement adouci par un ton fort ironique.
Bouïda, enfant, lit tout ce qui lui tombe sous la main, surtout les livres à brûler que son père, directeur adjoint de la fabrique de papier de la ville, récupère à la Décharge; “tantôt Jules Verne, tantôt Stevenson, Edgar Poe, ou La Plutonie d'Obroutchev. Une fois, il m'a apporté un volume humide et boursouflé du Décaméron de Boccace....J'aimais les mots, surtout les mots nouveaux, les expressions incompréhensibles".
Une histoire autobiographique peuplée de personnages qui semblent échappés de contes russes, ukrainiens, biélorusses .....comme le forestier charitable au trois femmes, le Poids-Lourd, tombeur de femme, sur la tombe duquel trône le volant de son camion astiqué toute une vie, la Cammioneuse, spécialisée en cammioneurs, aux enfants aux différents pedigrees, la grassouillette Mila qui regarde les étoiles chaque soir pour mettre de l'ordre "dans son cosmos personnel ",..... et de femmes très libertines pour le plus grand bonheur de Iouri, dont Xenia, la traînée de la ville qui pour ses beaux yeux cessera de se maquiller impitoyablement.
Négligeant ses études, Bouida quitte les chemins battus, pour prendre le temps de lire et écrire. Sa passion pour la lecture et les rapports humains l'aident à développer, élargir son esprit et l'écriture à survivre, « Écrire des histoires n'était pas seulement pour moi une exigence intérieure (même si c'était avant tout cela), mais aussi un moyen de survivre,......J'étais un homme avec une double citoyenneté.».

A travers la grande farce tragique, pour ne pas dire l'horreur, que fût le communisme, “un enfer sans couleur, sans goût et sans odeur”, auquel d'ailleurs Bouida « participera », pour pouvoir avoir un minimum de niveau de vie décente, c'est l'histoire d'une vie qui n'en est pas moins tragique, truffée d'anecdotes insolites, (comme passer le Nouvel An dans une cabine de camion à côté d'un cadavre, en lisant Montaigne, les pieds posés sur un sac rempli de..., ou la Joconde découpée dans La Petite Flamme), et paradoxalement agrémentée d'une prose pleine de verve. Il fait rire, désole, dégoûte, surprend....aucun temps mort....son optimisme m'a éblouie ! Excellent !


"Quand je lui ai révélé que je voulais devenir écrivain, elle a dit : « C'est un métier de voleur, d'espion et d'assassin.....non seulement je me considérais comme un voleur, un espion et un assassin, mais je l'étais vraiment, je n'étais que cela et rien d'autre.”
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Si vous êtes alléchés par le titre qui vous promet de côtoyer un voleur, un espions et un assassin, passez votre chemin. Ici, vous ne trouverez qu'une autobiographie souvent brillante d'un écrivain né dans l'après-guerre dans la région de Kaliningrad ( en Prusse orientale, anciennement peuplé d'Allemand et annexée par l'URSS ), prétexte à brosser le portrait de la génération post-stalinienne.
De l'écrivain, voici ce qu'en dit une des rencontres féminines de l'auteur :
" C'est un métier de voleur, d'espion et d'assassin. Un écrivain espionne, il écoute les gens en douce, il vole les particularités et les paroles des autres, et puis il met tout ça sur le papier, il arrête l'instant, autrement dit il tue ce qui est vivant au nom de la beauté."
Ce qu'il vole et met sur le papier, ce sont les péripéties tragi-comiques subies par le peuple russe, la laideur et la misère du quotidien, son parcours d'ouvrier à rédacteur en chef d'un obscur journal de campagne pour fini membre du parti communiste comme chargé de communication d'un comité régional.
Les personnages sont hauts en couleurs, les descriptions pleines de verve tout en étant souvent glaçantes.
C'est un roman de grande qualité.
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L'auteur nous plonge dans l'univers de son enfance des années 60 au début de la pérestroïka. C'est un roman très réussi du point de vue des atmosphères et de la description de la vie en URSS pendant ces années-là. Qui plus est l'essentiel du récit porte sur l'enclave de Kaliningrad, territoire attribué à la Russie, vidé de ses occupants allemands pour y implanter des colons russes. Ces souvenirs d'enfance font la part belle à un florilège de personnages, outranciers ou burlesques. On y découvre une société dans l'attente, qui essaie de parer à l'essentiel, mais faisant également preuve d'une inventivité et d'une débrouillardise extraordinaires.

L'auteur retrace évidemment le parcours qui l'a amené à devenir écrivain, de membre du parti communiste à rédacteur en chef d'un journal au fin fond de la campagne, chargé pendant des milliers de pages d'exalter les valeurs du communisme et de renforcer l'ardeur des travailleurs russes au travail.

Si ce roman m'a beaucoup plu concernant la description de la société russe, "de l'intérieur", je suis un peu restée sur ma faim sur les aspects plus autobiographiques. On sent que l'auteur a une difficulté manifeste à parler de lui, de ses sentiments, de ce qui le touche. Il tente d'ailleurs de s'en expliquer à la toute fin du roman. Toujours est t-il que le pan familial et sentimental de sa vie, pourtant narré et exposé, en reste à une portion congrue, qui le fait peut-être passer à tort pour un désinvolte ou un sans-coeur. Peut-être que ce que l'auteur a voulu transmettre c'est précisément ceci, que lui-même pendant ces années grises, d'entre-deux, a été soumis à une attente, que ses aspirations familiales et personnelles sont restées maintenues sous le boisseau pour la défense d'idéaux communistes rédigées sous forme de milliers de pages et disparues en fumée.
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Absolument magistral. L'auteur est sans doute un des meilleurs écrivains russes actuels, dans sa catégorie. On y ressent la douleur, l'ironie, l'autodérision, le tragique de “l'âme slave”, avec autant de guillemets que l'on veut ! Vraiment un grand moment de littérature. Pour qui a vécu et connait l'URSS, cela résonne dans la mémoire, fait sourire, pleurer, agite la mémoire
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Même type de récit et mêmes impressions que "Lueurs de la pampa", pas du tout mon genre de lecture
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critiques presse (1)
LeFigaro
27 avril 2018
Le grand romancier russe raconte son enfance et sa jeunesse dans une petite ville ouvrière peuplée de gens misérables que se disputent le diable et le bon Dieu.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
« Ossip, domestique, tel que sont d’ordinaire tous les domestiques d’âge assez mûr. Il parle avec componction, garde les yeux baissés, c’est un raisonneur et il aime se faire la leçon à lui-même… » Qu’est-ce que c’était que ce charabia d’illettré ? Gogol… J’avais lu Les Soirées du hameau, mais c’était un autre Gogol. Là, il s’agissait d’une pièce. Mais je n’avais rien à faire et rien d’autre sous la main. Je me suis mis à lire. Au bout d’un quart d’heure, j’ai commencé à m’esclaffer, puis à me tordre de rire, et j’ai entrepris de lire la pièce à voix haute en interprétant chaque rôle, j’ai lu jusqu’à la scène muette de la fin, je suis revenu au début et j’ai tout relu, toujours à haute voix. Ce jour-là, j’ai bien dû lire Le Révizor au moins une dizaine de fois. Cela ressemblait à de la démence. Je courais à travers la chambre, je grimpais sur le divan, je faisais des grimaces devant la glace, et je hurlais : « Même dans les lettres, on m’écrit “Votre Excellence !”........ Et j’ai de nouveau relu la pièce, dans laquelle j’étais à la fois Ossip, Khlestakov, Gorodnitch, Zemlianika et Maria Antonovna, tous, absolument tous ces imbéciles et ces abrutis prodigieux qui, par leur monstruosité, s’élevaient jusqu’à des sommets de l’univers dont je ne soupçonnais même pas l’existence.
Le soir, ma mère m’a trouvé dans un tel état d’excitation qu’elle a commencé par me donner de l’amidopyrine, puis du pyramidon, et quand elle a compris de quoi il retournait, elle a éclaté de rire : « Seigneur ! Alors ça y est, tu es arrivé à la littérature ! »
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Dans la salle de lecture, il y a les sempiternelles petites vieilles penchées sur des encyclopédies médicales. Je passe derrière le comptoir et je me retrouve dans une forêt de livres. D’étroits passages entre les étagères, personne, le silence, une odeur de papier qui fait tourner la tête. Je suis pris de tremblements. Je sais déjà comment ça s’appelle : je suis sous l’empire de la convoitise. Je choisis vingt à trente livres, je les empile sur le rebord de la fenêtre, je les trie, j’en mets de côté, j’en prends huit avec moi......Chaque semaine, je prenais à la bibliothèque tellement de livres que c’était à peine si j’arrivais à les rapporter à la maison. J’avais envie de tout lire, tout, même les Essais sur l’univers de Vorontsov-Veliaminov, nom de nom
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Notre plus proche voisin était le vieux Dobrobabine, un grand gaillard à la barbe blanche, chevalier de quatre croix de Saint-Georges et de trois ordres de la Gloire. C’était un charpentier et un menuisier remarquable, et un coureur de jupons. On racontait qu’un jour il avait enfermé un de ses clients dans le cercueil qu’il avait commandé pour qu’il « s’y fasse », et pendant que l’autre « s’y faisait », il s’était tellement bien occupé de sa femme qu’elle lui avait commandé un autre cercueil –pour son mari suivant.
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J’ai pris un livre que j’avais apporté de la bibliothèque la veille, et j’ai lu :


« D’aucuns l’appellent vie, mais est-ce un nom

Pour elle ? Elle est un songe et une veille,

Un entre-deux où la folie se fond
Dans une clairvoyance sans pareille.

L’homme, au sommet de ses moyens, se voit

Pris, vague à vague, sans savoir pourquoi,

De visions pressées, impérieuses
Qui l’assaillent sans cesse, il est rendu,

Pourrait-on croire, à sa tumultueuse

Naissance, au gouffre du tohu-bohu.

Mais quelquefois, dans un surcroît de flamme,

Il voit ce qui se cache aux autres âmes. »

(La Mort ultime, d’Evgueni Baratynski, trad, André Markowicz, Le Soleil d’Alexandre, p 269, Actes Sud, 2011.)


Ce poème-là ne racontait pas d’histoire. Et pourtant, ce soir-là, chaque mot m’était intelligible, je comprenais la musique envoûtante des mots et la musique envoûtante des pensées, et Dieu sait pourquoi, tout cela me causait une tristesse amère et de la souffrance.
Je me suis levé d’un bond, j’ai vérifié qu’il n’y avait personne derrière la porte, j’ai relu le poème encore une fois, et j’ai éclaté en sanglots, j’ai sangloté, sangloté à n’en plus finir…

Et comme ces larmes étaient douces, comme elles étaient grisantes !

Comme c’était bien, comme c’était lumineux de pleurer !
 Quel désespoir radieux, Seigneur !
Jamais plus de ma vie je n’ai pleuré comme ça.
p 105-106
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Peu avant sa mort, en réponse à mes péroraisons sur « notre pays sans liberté », elle* m’a dit : « La liberté, c’est toi. Seulement, n’oublie jamais que la prison aussi, c’est toi. » Elle n’aimait pas non plus quand on qualifiait quelqu’un de « conscience du peuple ». « La conscience, c’est Dieu à l’intérieur de l’homme. Un peuple, ça n’a pas de conscience, seul un homme a une conscience. C’est par cela que l’homme se distingue de la bête –par la conscience. Mais la conscience du peuple, ça, ça a été inventé par des gens sans conscience. »
*La grand-mère de l’auteur.
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