"Nous partagions l'attente et le renoncement." Une déclaration d'amour irrésistible, le journal d'un amour passionnel d'abord platonique, espéré sans être tout-à-fait cru, "sans chair, les mots prenant la place des corps", à distance, l'histoire d'une correspondance des mots et des êtres, "où s'écrire revient à s'appartenir l'un l'autre", pour "quelqu'un qui vit en vous". Une perle ! La deuxième partie installe une réalisation, un accomplissement qui se sait incertain ou à durée limitée, mais qui pose, ferme et ouvre à la fois au reste. "Le monde semblait guéri de sa violence, moi de mes doutes". "L'on trouvait sa place sur Terre à partir de l'instant où l'on trouvait sa place près de ceux qui nous aimaient". Nina Bouraoui propose un récit à la première personne, clinique et enfiévré à la fois, sorte de journal de l'après qui revit, redonne vie. Un livre pour dire peut-être qu'exister ne suffit pas si on peut vivre et qu'on existe d'abord en vivant."
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Il me semblait naturel de me presser contre lui, à l’abri du monde que j’oubliais.
Il fallait trouver quelqu’un qui ferait oublier. Oublier la peur. Oublier la violence. Oublier la jeunesse perdue. Oublier le vide. Oublier la nuit qui nous aspirait. Oublier l’idée que nous allions tous un jour disparaître et que d’autres danseraient à nos places sur les mêmes chansons. L’amour semblait compliqué
J'avais l'idée que le sentiment amoureux changeait notre opinion sur les autres et sur nous-mêmes, agissant comme un remède. Le monde semblait guéri de sa violence, moi, de mes doutes. Il m'était arrivé quelque chose, je devenais une autre personne
Quand je l'imaginais près de moi, mon désir arrivait vite, brutal, comme une gifle, je ne perdais jamais son visage, aucun autre ne pouvant s'y substituer. J'aimais l'idée de me donner à lui et de lui faire confiance. J'aimais nos deux images réunies, elles me semblaient vraies. Il m'arrivait encore de ressentir le vide de mon hiver, de mes heures sans fin à vouloir capturer son regard, son sourire, ses gestes. Je voulais alors le serrer contre moi, le séduire depuis mon silence
La nuit était claire et sans pluie. Je croyais à ma chance. Je me sentais physiquement liée à lui, m'endormant sur sa peau. L'orage quittait Paris pour s'abattre dans les champs qui bordaient les villes nouvelles. Je rêvais à l'intérieur du ciel. Il ressemblait à un trou noir criblé de petites étoiles tournantes. Le lendemain, nous étions le premier jour de l'été.
Dans Grand seigneur, Nina Bouraoui se tourne vers l'écriture pour conjurer la douleur de la mort de son père, entré en soins palliatifs en 2022. Entremêlant les souvenirs de sa vie et le récit de ses derniers jours, elle illumine par la mémoire et l'amour un être à l'existence hautement romanesque.
Le désir d'un roman sans fin rassemble quant à lui de nombreux écrits de l'autrice, portraits, nouvelles, chroniques, parus dans la presse ou publiés entre 1992 et 2022. Une oeuvre à part entière, qui pourrait se lire comme un roman racontant la vie, ses arrêts, ses errances.
Ces deux parutions récentes prolongent l'oeuvre prolifique et lumineuse d'une romancière majeure de la littérature contemporaine. Elle reviendra sur son parcours d'écriture à l'occasion de ce grand entretien mené par Lauren Malka, dans le cadre de l'enregistrement du podcast Assez parlé.
Nina Bouraoui est l'autrice de nombreux romans et récits dont La Voyeuse interdite (Gallimard, prix du Livre Inter 1991), Mes mauvaises pensées (Stock, prix Renaudot 2005) ou Otages (JC Lattès, prix Anaïs Nin en 2020). Elle est commandeur des Arts et des Lettres et ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues.
Rencontre animée par Lauren Malka dans le cadre de l'enregistrement du podcast Assez parlé.
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