Descartes a laissé une telle trace en sciences et philosophie que son nom a généré un adjectif connu même des non aficionados des maths. Pascal est un génie qui créa la première machine à calculer à dix-huit ans et dont les travaux sur le vide furent si décisifs que l'unité de pression dans le système international porte son nom.
Jean-Claude Brisville nous propose un dialogue entre ces deux monstres « sacrés ». Rassurez-vous, on n'assiste pas à un débat de matheux qui s'envoient des équations à la figure. Si le début de la pièce se rapproche d'une interview croisée qui est l'occasion de glisser des éléments biographiques marquants de nos deux hommes, l'auteur nous montre rapidement que chacun a un but précis dans cet entretien.
Descartes est âgé. Il sait que le temps qu'il pourra encore consacrer à son explication de l'Univers se réduit comme peau de chagrin. Il connaît les travaux du jeune génie qu'est Pascal et souhaite faire de lui son héritier spirituel. Il lui fournira toutes ses notes, à charge pour le jeune homme de reprendre la chevauchée vers la compréhension du Grand Mécanisme là où
Descartes se sera arrêté.
Malheureusement Pascal est déjà perdu pour la science.
Il a acquis la certitude que la recherche est vaine, ne peut soulever les poils qui tapissent la Vérité du Monde. L'accès à cette Vérité passe par la prière, la vénération de Dieu, la plongée émotionnelle dans le Trois-en-Un qui seules peuvent apaiser l'esprit et dévoiler un peu la félicité qui nous attend au-delà de la vie.
Je suis resté confondu devant la personnalité de Pascal, jeune homme maladif tout entier envahi d'un fondamentalisme religieux qui fait peur, adhérant à la vision la plus noire du Christianisme dans laquelle la vie matérielle n'est que
l'antichambre infernale de la félicité que représente la réunion avec le Créateur. Vivre n'est qu'horreur et souffrance. Pascal s'emporte sur
Descartes, l'accusant presque de manque de foi. Pourtant il l'admire et souhaite son soutien dans un appel en faveur d'un janséniste de Port-Royal qui a maille à partir avec le Pouvoir. Car Pascal est janséniste ; il croit non seulement que la vie est pourrie, mais aussi que la Grâce de Dieu ne peut être accordée qu'à un petit nombre d'élus sur des critères insondables, damned je n'aurais pas aimé être dans sa tête.
Mais
Descartes n'est pas son homme. Ce n'est pas qu'il manque de foi, c'est qu'il vit sa foi d'une façon apaisée, qui accepte que la vie offre beaucoup d'intérêt. Pour lui expliquer la mécanique du Monde est une manière de se rapprocher de Dieu. Certains scolastiques du Moyen-âge,
Thomas d'Aquin en tête, professaient déjà cette compatibilité entre foi et raison. Il surfe sur ce chemin transformé en boulevard par les humanistes.
Inutile de préciser (mais je le fais quand même ;-) que je me sens plus proche de
Descartes que de Pascal qui me semble avoir, dans un sens, gâché sa vie.