L'histoire de France redécouverte par Cavanna, tome 1 : Nos ancêtres les Gaulois

On se plaît à désigner par le mot pompiers, avec dans la voix la nuance de condescendance amusée qui s'impose quand ce n'est pas tout crûment le rire triomphal de l'épais mépris, question de milieu...Les peintres consciencieux qui, tout au long du dix-neuvième siècle et pendant encore une partie du vingtième, peignirent de tout leur coeur, de tout leur savoir, de tout leur talent, en suivant docilement les préceptes de l'art académique traditionnel, tels qui leur avait été enseignés, par opposition aux écoles novatrices résolument révolutionnaires qui, justement à cette même époque et pour la première fois dans l histoire de l'art, critiquaient, niaient, rejetaient, et toujours violemment, ces conceptions étroitement contraignantes, pour explorer de nouvelles façons de créer de la beauté en étalant de la couleur sur une surface.
Pour illustrer son récit, Cavanna a choisi de fouiller dans les trésors de ces peintres. Le souffle épique de leurs tableaux ne pouvaient qu'ajouter à la magie tulmutueuse du verbe de Cavanna.

En somme, il y a "pompièrisme" chaque fois que l'artiste veut exprimer autre chose que les jeux des formes et des couleurs avec la lumière, et quand il le fait avec une certaine outrance. Toute peinture qui se veut morale, édifiante, laudative ou réprobatrice, propagandiste, éducative ou simplement sentimentale tombe fatalement dans le "pompièrisme". En ce sens, le "réalisme socialiste" stalinien, l'art "aryen" des nazis, les paraboles larmoyantes de Greuze, les "Trois Glorieuses" de Delacroix, les délires du romantisme, les minuties populistes et mêmes misérabilistes du naturalisme, le "Tres de Mayo" de Goya, les allégories de Dufy ("la Fée Electricité"), les visions naïves du douanier Rousseau, le "Guernica" de Picasso, ressortissent à l'art pompier.
Le talent ou son absence n'ont rien à voir ici.

C'est au musée d'Orsay que je fus soudain confronté à cette chose colossale : Caïn fuyant devant l'Oeil. J'en avais vu mainte reproduction, de tristes gravures grises, et voilà, sur un mur entier, sept mètres de long, me tombait dessus, me happait, les mollets formidables des jeunes gars portant à force de bras la tribu sur une litière de troncs, les mamelles des femmes allaitant, les tignasses des gosses aux yeux de loup... Toute cette puissance, cette sauvagerie... C'était donc ça, les pompiers!