AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,42

sur 198 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans la première moitié du XXe siècle et notamment entre la première et la deuxième guerre mondiale, le Mexique est devenu une terre d'accueil pour de nombreux artistes ou intellectuels venus d'Europe et des Etats-Unis. Le couple magnétique que formaient les peintres Diego Rivera et Frida Kahlo y est sans nul doute pour beaucoup. Peut-être aussi que l'attrait pour la Révolution menée par Emilio Zapata et Pancho Villa a joué comme ce sera plus tard le cas au tournant du millénaire pour la province mexicaine du Chiapas avec le mouvement zapatiste et le célèbre sous-commandant Marcos.

Patrick Deville a choisi parmi ces intellectuels deux figures singulières du XXe siècle qui ont séjourné au Mexique dans les années trente : Léon Trotsky, qui finira sa vie mouvementée à Mexico, assassiné en 1940 d'un coup de piolet par Ramón Mercader, un homme de main de Staline, après avoir échappé quelques mois auparavant à une première tentative d'assassinat par un autre stalinien, le peintre mexicain Siqueiros, qui fut de la "bande à Rivera", les machetteros; et l'écrivain anglais Malcolm Lowry, l'auteur de "Au-dessous du volcan" (Under the Volcano), un des romans les plus célèbres du XXe siècle.

Les deux hommes ne se sont pas rencontrés, ils n'évoluaient pas dans les mêmes milieux et si Patrick Deville les réunit dans ce livre au titre tronqué ("viva" qui ? quoi ? au lecteur de compléter !), c'est (du moins je le suppose) qu'ils sont tous les deux importants dans l'imaginaire de l'auteur. Pour Lowry, cela est dit de façon non ambiguë; pour Trotsky, on devine que Deville éprouve une sympathie certaine pour l'homme, sinon pour ses idées et ses actes politiques.

Le livre est très riche et la trame historique qui nous emmène du 9 janvier 1937, jour du débarquement de Trotsky dans le port de Tampico au Mexique, où l'attendent Diego Rivera et Frida Kahlo qui l'hébergeront à Coyoacán, au Sud de Mexico, jusqu'à la date fatidique du 20 août 1940 où Trotsky succombera aux coups de son assassin, cette trame s'étire aussi bien vers le passé (pour des premières esquisses de "Au-dessous du Volcan" ou des faits d'armes de Trotsky contre les "légions tchèques", repoussant la contre-révolution depuis son train blindé) que vers le futur (pour voir enfin Lowry réussir, en 1947, a publier son roman, pour accompagner Frida Kahlo dans son dernier combat contre la maladie, pour voir Diego Rivera renier Trotsky et rejoindre le camp des partisans de Staline).

Mais, et c'est un des charmes du livre, plusieurs autres personnages, notamment des écrivains, viennent dans ces années là au Mexique et Patrick Deville parvient à les intégrer avec beaucoup de subtilité à son récit, en y mêlant aussi des souvenirs personnels. Ainsi on rencontre au fil des pages Bernard Traven (l'auteur anarchiste du Trésor de la Sierra Madre), Arthur Cravan, Antonin Artaud, André Breton et quelques autres. Deville rend aussi hommage à un homme qui semble avoir beaucoup compté pour lui, l'éditeur Maurice Nadeau qui a édité Malcolm Lowry.

Pour qui aime la littérature, les épopées, les coups d'éclats, ainsi que les réflexions sur L Histoire, ce livre sera du miel. Je reste admiratif devant cette fresque historico-littéraire que Patrick Deville a su peindre en mêlant artistement des couleurs si diverses. Un tableau que n'auraient pas renié, je crois, ni Frida, ni Diego. En tout cas, pour Frida, la femme "au merle entre les deux yeux", j'en suis certain.
Commenter  J’apprécie          214
Patrick Deville m'avait enchantée en 2012 avec Peste et Choléra. Il récidive avec ce merveilleux Viva, paru en 2014. Nous voilà au Mexique, terre de tous les exilés, de tous les artistes en quête d'autre chose dans l'entre-deux-guerres. Un vrai « moulin », comme l'écrit l'auteur. On y suit le parcours de Lev Davidovitch Bronstein, que l'histoire connaît sous le nom de Léon Trotsky. Trotsky, le vaincu errant, arrive au Mexique en 1937, grâce à l'influence du peintre Diego Rivera, qui a obtenu du président Lázaro Cárdenas un visa pour le proscrit et sa compagne, Natalia Ivanovna Sedova. En 1937, « la dictature samoziste est installée au Nicaragua, le fascisme en Italie, le nazisme en Allemagne et le stalinisme en Russie. C'est la guerre d'Espagne, bientôt la déroute des républicains et la victoire du franquisme. » Tableau noir d'une époque de bouleversements, dont le roman rend compte.

Loin de se limiter à l'histoire de Trotsky, il multiplie en effet les pistes, suivant notamment le romancier britannique Malcolm Lowry. Comme Trotsky, il cherche au Mexique une sorte d'asile. Comme lui, il y écrit. Chacun mène sa révolution, politique ou littéraire, et tente de changer le monde, à sa façon.

La suite est à lire sur mon blog, photos en prime !
Lien : https://litteraemeae.wordpre..
Commenter  J’apprécie          80
Présenté comme un roman, Viva comporte 30 chapitres fort documentés sur des personnages qui ont marqué dans deux domaines, politique, artistique, Trotski, Lowry, Frida Kahlo, Diego Rivera, Traven, Cravan, Artaud, Breton. Cela se passe au Mexique dans les années 30 pour l'essentiel mais comme certains de ces personnages sont des errants, des exilés, des clandestins, l'auteur nous fait voyager là où le hasard, le destin les ont conduits, jamais pour longtemps. Je dis hasard, destin, sans trop chercher à distinguer les deux notions. Disons que hasard me semble convenir pour parler du moment où ça surgit, où ça arrive, que destin me semble approprié après coup, quand on sait ce qui a surgi, ce qui est advenu. Ce qui semblait ne pas être écrit d'avance, après coup semble l'être, illusion d'optique : ce n'était pas écrit d'avance mais quand c'est enfin écrit, ça semble une évidence.
Les péripéties incroyables accompagnant l'écriture d'Au-dessous du volcan (que j'ai dans l'édition « définitive » de Buchet-Chastel de 1960) illustrent me semble-t-il mon propos. Lowry ne semble pas savoir ce qu'il démarre et qui lui demande dix ans d'efforts, de déménagements et déambulations (en particulier vers Vancouver dans une cabane où tout ce qu'il a écrit brûle), sa femme d'alors, Margerie, se mettant entièrement au service de cette écriture (tous les deux en paient le prix) mais quand paraît le livre en 1947, il est évident que c'était pour cela, pour ce livre, que Lowry avait vécu ces 10 ans, la disparition du consul, son assassinat par des fascistes le traitant de bolchevik, anticipant la sienne propre quelques temps après, étouffé par ses vomissures.
On pourrait presque faire le même constat avec Trotski qui alors qu'il est au faîte de sa puissance comme chef de l'Armée Rouge va se reposer, se ressourcer, se remettre à sa place, sa toute petite place, dans une nature sauvage qui l'apaise, le ramène à ses justes proportions, à sa juste mesure, pendant que dans son dos à Moscou conspire Staline. L'homme complet Trotski, à la fois homme d'action et homme de contemplation, de réflexion, de grande écriture n'a pas su, n'a pas voulu peut-être au moment crucial redevenir homme d'action, de décisions fulgurantes, éliminer Staline et c'est lui qui est d'abord effacé des mémoires, des livres, des photos, lui qui est calomnié, déporté, exilé et qui finira par être éliminé physiquement, assassiné par un tueur qui finit ses jours à La Havane au pays de Castro, ce dont parle le roman, L'homme qui aimait les chiens de Leonardo Padura, paru en 2011.
La riche documentation de Patrick Deville, qu'il est allé chercher sur le terrain, mériterait qu'on lise ce roman avec un planisphère Mercator devant soi, un peu comme celui dont disposait Trotski. En plus du planisphère, il faudrait une éphéméride. Et studieusement noter dates et lieux pour pleinement savourer toutes ces coïncidences mises en avant par l'auteur, coïncidences qu'il est seul à repérer, les protagonistes de l'histoire les ignorant et n'en ayant cure puisque repérées après coup. On est donc dans une histoire rapportant des faits mais aussi dans une histoire construite. La plume qui raconte est aussi plume qui relève, souligne. Ce n'est donc pas un roman-documentaire objectif, c'est impossible, c'est un roman documenté mettant l'accent sur ce qui apparaît à l'auteur comme devant être relevé, souligné, un roman où le présent occupe une place importante puisque l'auteur qui connaît la suite de l'Histoire (en gros, une Grand-Roue Ferris qui tourne où ceux qui sont en haut ne vont pas tarder à se retrouver en bas, où les perdants d'aujourd'hui seront les gagnants de demain) peut évoquer la suite des coïncidences comme dans l'insurrection zapatiste des indiens du Chiapas avec comme porte-parole le sous-commandant Marcos en 1994, le surgissement d'un portrait d'Antonin Artaud au milieu des portraits du Che et de Zapata. (Voir ci-dessous deux liens récents, d'actualité, sur ces Indiens)
Se posent quelques questions : ces coïncidences soulignées, repérées après coup font-elles sens ? Indiquent-elles qu'il y a une marche de l'Histoire, un sens de l'Histoire, un moteur de l'Histoire ? Marche, sens, moteur induisent une vision linéaire du cheminement humain vers le progrès, vers le bonheur, vers l'humanisation de l'humanité, vers le triomphe de la raison sur les passions. Trotski en marxiste y croit. Une autre métaphore est souvent utilisée, celle de la Roue qui tourne comme révolution. Je crois que ces manières de voir, très prégnantes, nous éloignent du cheminement réel, balbutié, obscur, aléatoire, hasardeux, coïncidences pétrifiantes comme disaient les surréalistes.
Je dois dire que ma culture politique d'ancien trotskiste (dès qu'il y a un regroupement de 6 trotskistes, il y a scission, dit l'auteur et c'est presque vrai et c'est le problème) et que ma culture littéraire n'ignorant rien des auteurs et artistes évoqués m'ont beaucoup aidé. Je n'ai à aucun moment été égaré par cette profusion d'informations « érudites ». Mais un lecteur lambda peut sans doute être perdu par ces références. C'est donc une lecture passionnante que j'ai faite, me replongeant dans les enfers de ces hommes et femmes, joués et jouant, quêteurs aveugles et aveuglés d'absolus, la révolution, l'oeuvre, l'alcool, l'amour, les femmes... Les citations d'oeuvres sont stimulantes. Y a t-il un héritage, que devient-il, comment tourne la Grand-Roue Ferris ? Ou tout cela retourne-t-il au silence comme celui des Indiens qui ont tout compris : se taire devant le mystère de tout ce qui se présente.
Jean-Claude Grosse
http://les4saisons.over-blog.com/2014/12/viva-patrick-deville.html
Commenter  J’apprécie          70

VIVAPatrick DEVILLE – Seuil –

En 2010, une vingtaine d'écrivains et poètes français ont emprunté le Transsibérien, la voie ferrée qui va de Moscou à Vladivostok (9 288 km) du 27 mai au 15 juin, dans le cadre de l'année France-Russie.

Cultures France qui a organisé l'événement a proposé à quatre écrivains (Mathias Enard, Maylis de Kerangal, Sylvie Germain et Olivier Rolin) de tenir un carnet de voyage. Des livres ont vu le jour en 2011 et 2012. Patrick Deville faisait partie de ce voyage, mais « il savait d'emblée qu'il n'écrirait pas sur l'équipée à proprement parler, mais qu'il profiterait de l'aventure pour glaner des images et des renseignements pour alimenter un projet de livre (Libération – 12 janvier 2012) ».

Nous avons enfin, entre les mains, son livre : VIVA

Patrick Deville, grand voyageur, aime la littérature et les Hommes. Il aime aussi les mettre dans leurs contextes historiques. Ainsi dans ce livre, nous sommes loin de la Russie, mais au Mexique où s'est réfugié Trotsky, un russe donc, avant d'y être assassiné en 1940. le Mexique où se sont croisés les chemins des écrivains, des artistes, des révolutionnaires, des anarchistes, et d'autres, parfois de près, parfois de loin, pendant cette époque trouble des années 30.

Nous y croisons Malcom Lowry (Quelle personne, intéressée par la littérature, n'a Jamais entendu parler de Malcom Lowry ?) et assistons à l'écriture, dans la peine, de son fameux « Au-dessous du Volcan ». Nous y croisons Frida Kahlo, de qui Trotsky est tombé amoureux, Diego Rivera, Tina Modotti, B. Traven, André Breton, Antonin Artaud (qui avait souvent raison !)

Il est beaucoup question des trains dans ce livre, surtout ceux empruntés par Trotsky. D'une voie ferrée aux trains, Patrick Deville, formidable conteur, nous ouvre les portes d'un monde « où le génie conduit chacun à son tombeau », comme dit l'éditeur de ce très beau et très sobre livre.
Nous lisons Patrick Deville et nous avons beaucoup aimé son « Peste & Choléra » qui a obtenu le Prix Femina en 2012. Nous sommes aussi enchantés de son dernier livre. VIVA !

le 12 août 2014


Commenter  J’apprécie          51
Je ne me lasse pas de Deville; cette-fois ci encore, j'ai été emportée par sa plume alerte et érudite. Direction l'Amérique latine et le Mexique en compagnie de Trosky et de Lowry. Anecdotes historiques, introspection littéraire, Deville raconte les années 1930, le bouillonnement intellectuel et politique de cette époque. C'est comme toujours brillant.
Commenter  J’apprécie          40
En 1937, Mexico bruisse d'énergie révolutionnaire. Quand il aborde Tempico, Trotski porte le poids de l'exil. Staline a décidé de sa perte. A cette même époque, Malcolm Lowry séjourne à Mexico. Dans un subtil et fougueux chassé-croisé littéraire et politique, les deux hommes, sans jamais se croiser, accouchent de leurs oeuvres majeures: Les mémoires pour l'un, Au dessus du volcan pour l'autre. Dans ce récit-roman vertigineux d'intelligence, Patrick Deville nous entraine dans le tourbillon intellectuel de la "bande des 13": Frida Kahlo, Diego Riviera, Tina Mondotti, André Breton...
Commenter  J’apprécie          30
Le dernier chapitre du livre s'intitule "Roue géante". C'est un très bon nom pour le chapitre final d'un livre qui, devant l'imminence de la fin de sa lecture, nous laisse avec un certain goût de tristesse. le livre est excellent, il est très bien raconté par Deville, qui vous aide à connaître plusieurs détails des vies de Malcom Lowry et Léon Trotsky.

C'est une belle histoire, racontée d'une manière qui enchante par sa chaleur humaine et sa simplicité. Plusieurs autres personnages sont des participants nécessaires à l'histoire, pour leur proximité avec Lowry ou Trotsky, mais aussi pour leurs désaccords, coïncidences dans la distance, exils, voyages et mésaventures au cours des années d'attente, luttes et illusions qui ont marqué une bonne partie du XXe siècle. Ce sont ces histoires parallèles qui enrichissent le livre grâce au travail de recherche de Deville, ses visites de sites historiques et l'atmosphère d'une époque palpée sur chaque page.
Commenter  J’apprécie          30
Comme le dit si bien l'auteur, cet ouvrage atypique est une véritable pelote de fils enchevêtrés à chaque page que l'on tourne. Autour de Léon Trotsky, proscrit sur toute la planète par Staline, c'est toute une faune littéraire et artistique qui s'entrecroise sur fond de révolutions. Patrick Deville m'éblouit à chaque fois par son travail fignolé, ses recherches poussées et son écriture impeccable.
Commenter  J’apprécie          30
Le Mexique refuge de Trotsky et de Lowry, épicentre d'une flamboyante histoire mondiale des vaincus.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/09/19/note-de-lecture-viva-patrick-deville/
Commenter  J’apprécie          30
Encore un roman de Patrick Deville placé sous le signe de l'érudition et d'une recherche documentaire maîtrisée. C'est toujours un bonheur de le lire. Il a un talent particulier pour lier les événements et les hommes qui les provoquent ou qui les subissent, de croiser des personnages qui ne se sont parfois jamais rencontrés et nous tenir en haleine jusqu'au bout. En refermant le livre, on se dit : "quel bon moment j'ai passé en compagnie de ces êtres illustres ou moins connus". J'ai appris une foule de choses et je n'ai qu'une hâte : me documenter davantage. Il nous réconcilie avec l'histoire mal retenue ou mal apprise. On arpente donc les routes de Russie, de Sibérie, de la France, du Mexique, On prend le bateau pour New York, en compagnie d'idéalistes comme Trotsky, d'artistes comme l'ogre Diego et l'épouse rebelle Frida, la petite bande des treize, héros ou traîtres, d'écrivains ou poètes comme Malcolm Lowry, Benjamin Walter, Arthur Cravan, B. Traven.
Trotsky et Lowry ne se rencontreront pas, tous deux ont une soif d'absolu, mais ils se croiseront au Mexique où le Président Cardenas accueille les révolutionnaires et réfugiés politiques, un pays où la révolution semblait en passe d'aboutir, pays de la profusion et de l'essor artistiques, de la liberté. C'est exaltant et passionnant.
Commenter  J’apprécie          21




Lecteurs (402) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3188 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}