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1977-2017 : 40 ans / 40 romans
Liste créée par Tu_vas_voir_ce_que_tu_vas_lire le 21/01/2019
40 livres. Thèmes et genres : les meilleurs , roman , contemporain

En 2017, l'anniversaire des 40 ans de la bibliothèque du Centre Pompidou est l’occasion de porter un regard sur quarante ans de création romanesque. 40 ans / 40 romans, une équation impossible à résoudre si l'on songe à ce que la littérature compte comme chefs-d’œuvre au cours de cette période. Et pourtant, nous nous sommes prêtés au jeu, en en oubliant certains, en en préférant d'autres et en assumant l'aspect subjectif d'une liste qui aurait pu être tout à fait différente. Même imparfaite et lacunaire, la liste des quarante titres retenue montre l'incroyable diversité des livres qui portent l'étiquette de romans. Cette sélection a été réalisée par les bibliothécaires de la Bibliothèque publique d'information : https://balises.bpi.fr/litterature/40-ans--40-romans



1. La Vie mode d'emploi
Georges Perec
4.12★ (3871)

Il n'est pas indispensable de maîtriser toutes les subtilités du bi-carré latin ou de la polygraphie du cavalier, deux des contraintes qui président à l'agencement de La Vie mode d'emploi, pour en apprécier le génie. Car on pourra tout aussi bien apprécier l'improbable diversité des romans en germe que contient chaque chapitre et la peinture hyperréaliste d’un immeuble bourgeois - comme jamais ne l’auraient rêvé Balzac ou Zola -, ou se réjouir de déceler quelques motifs récurrents comme celui du puzzle, symbole de création comme de brouillage du sens. C'est là le signe de la générosité et de la gourmandise du Perec romancier : empruntant aussi bien à des règles mathématiques complexes qu'au registre du jeu, il offre au lecteur, dans l'espace d'une maison de poupées, un terrain d'investigation vaste comme le monde.
2. Si par une nuit d'hiver un voyageur
Italo Calvino
3.88★ (3112)

Si vous aimez qu’un auteur vous manipule et que vous plongez avec délices dans les mises en abyme, alors vous allez vous délecter de ce roman qui se joue de tous les codes du genre. Avec l’humour, la délicatesse et la poésie qui le caractérisent, Italo Calvino nous entraîne sur les traces d’un héros lecteur qui pourrait être vous. Dans ce roman qui peut se lire autant comme un manuel de littérature que comme une histoire d’amour à rebondissements, Italo Calvino prend son lecteur par la main, en en faisant l’un des personnages principaux et en lui offrant de multiples aventures, dont une belle rencontre amoureuse avec une autre lectrice compulsive, Ludmilla. Et chacune des dix histoires que déroule cet étonnant roman devient l’occasion pour l’auteur de mieux dévoiler les coulisses de l’écriture. Complice malgré lui, le lecteur se retrouve dans ce plaisir de lecture, de connivence littéraire, d’intelligence créatrice, en quête, comme le héros Lecteur, de la suite de ces dix récits et de sa propre histoire.
3. Enfance
Nathalie Sarraute
3.63★ (5500)

Lorsque Nathalie Sarraute rassemble les souvenirs qui constitueront la matière d’Enfance, elle est âgée de quatre-vingt-trois ans. Figure emblématique du Nouveau Roman aux côtés d’Alain Robbe-Grillet et de Claude Simon, elle développe alors un projet autobiographique original, qui rompt avec les habituelles conventions d’écriture. Faisant davantage appel aux mouvements intérieurs qu’à leur chronologie, le récit se déploie à travers un dialogue entre Nathalie Sarraute et son double, qui investiguent le passé à la recherche de la vérité des événements. Entre la France et la Russie, ces souvenirs-sensations dessinent un double jeu subtil de la mémoire et de l’écriture, faisant d’Enfance une œuvre à la sonorité unique.
4. L'amant
Marguerite Duras
3.77★ (26460)

1984 : Marguerite Duras reçoit le Prix Goncourt pour L'Amant. A soixante-dix ans, celle qui accompagna les recherches formelles du Nouveau Roman sans jamais s'y fondre, revendiquant au contraire une voie propre, crée l'événement de la rentrée littéraire avec ce qui restera son texte le plus connu. Roman familial archétypique, roman d'amour délesté de tous les lieux communs du genre, L'Amant s'attache à retrouver les "périodes cachées" dans les précédents romans, notamment Un barrage contre le Pacifique. Texte fondateur de l'autofiction comme genre littéraire, l'Amant tire sa singularité de la mobilité de la pensée et de l'écriture, cette "langue cassée" épousant les mouvements de la mémoire, et de ce paradoxe : "l'histoire de ma vie n'existe pas".
5. Vies Minuscules
Pierre Michon
3.96★ (1707)

"Imaginons encore une fois qu’il en fût comme je vais le dire…" aurait pu être la première phrase de ces Vies minuscules mais néanmoins vibrantes dont Pierre Michon se fait le chroniqueur. Fantômes de l’enfance ou de l’adolescence, personnages réels ou imaginés, femmes aimées et quittées, ces vies rêvées ou rencontrées composent en huit récits une manière d’autobiographie : autant de mythologies personnelles, issues de la Creuse originaire, qui ont fini par fonder, non sans douleur, un destin d’écrivain. Car, même si la littérature et la "belle langue" tôt le requièrent, Pierre Michon devra encore surmonter ses démons et ses peurs et l’atavisme des pères. Servie par une prose flamboyante, cette ode magnifique à ces morts est incontestablement une victoire : son premier livre est un grand livre.
6. 37,2° le matin
Philippe Djian
3.99★ (2548)

C'est "une histoire con" d'après Philippe Djian, celle de ces deux amants vivant de débrouille et de petits boulots, liés l'un à l'autre par une passion hasardeuse. Une histoire sulfureuse, surtout, indissociable du film de 1986 qui vit Béatrice Dalle donner ses traits à Betty, personnage volcanique qui cache ses fêlures sous l'apparence d'une voluptueuse spontanéité. A travers elle, Djian élabore un drame de la solitude en même temps qu'une délectable comédie sociale où les perdants, quelquefois, osent prendre leur revanche... Troisième roman de Philippe Djian, 37°2 le matin est le véritable acte de naissance de l'écrivain qui, avec un sens du rythme qu'il tire de sa lecture de modèles américains, de Faulkner à Brautigan en passant par Kerouac, vient rappeler qu'une langue oralisée n'est nullement incompatible avec de hautes exigences de style.
7. La plaisanterie
Milan Kundera
4.11★ (5008)

Pas drôle, La Plaisanterie ? Certes non, si l'on considère que celle qui donne son titre au roman de Milan Kundera vaut à son héros, Ludvik, d'être rayé des listes du parti communiste, de subir toute sa vie l'opprobre de ses pairs, et de le conduire à un désir de vengeance obsessionnel et vain... Drôles, les thèmes du premier roman du romancier tchèque ne le sont pas non plus - de la surveillance généralisée à l'Est du rideau de fer aux lourdes désillusions qu'apporte le passage à l'âge adulte -, pas plus que sa construction chorale qui nous montre l'impossible communication entre les êtres. Mais la Plaisanterie contient déjà l'insondable légèreté propre à Kundera, qui pour être souvent cynique et parfois sentencieux, ne se départit jamais d'un humanisme profond et de son regard plein d'une dérision communicative à l'égard de ses personnages.
8. Impasse des deux palais
Naguib Mahfouz
4.20★ (957)

Imaginez Le Caire dans les années 1920 : Naguib Mahfouz y raconte les péripéties de la vie d’une famille de commerçants aisés, le père tyrannique et hypocrite, sa femme soumise, ses deux filles à marier, ses trois fils aux caractères dissemblables et le cercle d’amis et compagnons de plaisir. Grâce à son grand art de la description, il donne vie à des personnages profondément humains, décrits avec acuité psychologique, détails savoureux et sensuels ainsi qu’une touche d’humour. Impasse des deux palais est le premier volet d’une saga familiale évoquant le destin de l’Egypte à une époque charnière, où cohabitent le poids de la tradition et les premiers mouvements de lutte pour l’indépendance. Naguib Mahfouz est le premier écrivain de langue arabe à avoir obtenu le prix Nobel de littérature en 1988. La trilogie du Caire comprend Impasse des deux palais (1956, 1988 chez Lattès pour la traduction française), Le Palais du désir et Le Jardin du passé.
9. Maus : Intégrale
Art Spiegelman
4.64★ (11579)

Sur quelle étagère de la bibliothèque du 20e siècle faut-il ranger Maus, l’immense livre d’Art Spiegelman, qui retrace l’histoire de la Shoah à travers celle de Vladek Spiegelman, le père de l’auteur rescapé de l’Europe de Hitler ? Maus a toute sa place aux côtés des principaux récits de l’holocauste, entre L’Espèce humaine de Robert Antelme ou Si c’est un homme de Primo Levi. Mais Maus est aussi un livre qui révolutionne la bande dessinée, qui pose les bases du "roman graphique" ; l’expression d’ailleurs commence à être utilisée à la fin des années 1970, à l’époque où Spiegelman dessine ses planches.
10. Les versets sataniques
Salman Rushdie
3.54★ (1710)

"Je doute que ceux qui me condamnent aient lu une seule ligne de mon livre" : cet homme de lettres traqué, c’est Salman Rushdie, dont Les Versets sataniques sont accusés, peu après leur parution en 1988, de ridiculiser le Coran. En transformant ces versets en objet politique et diplomatique, le scandale est ainsi venu masquer le véritable propos du roman, bien plus provocateur que blasphématoire. Tout commence par l’explosion d’un avion en plein vol, suite à une attaque terroriste. Seuls deux passagers survivent : Gibreel, célèbre acteur indien et Saladin, immigrant indien anglicisé et doubleur de voix. Mais rester sur Terre a un prix : tandis que Gibreel se mue progressivement sous les traits de l'archange Gabriel, Saladin semble inexorablement prendre ceux du Diable. Entre rêve et réalité, les deux protagonistes vont devenir les acteurs d’un récit métaphysique et foisonnant, questionnant aussi bien la frontière entre le Bien et le Mal que le choc des cultures. Livre-monde en forme de combat contre le fanatisme et l’injustice, Les Versets sataniques ne laissèrent pas le monde arabe indifférent. En 1989, l'ayatollah Rouhollah Khomeini publie une fatwa condamnant à mort Salman Rushdie et ses éditeurs. Quelque trente ans et une vingtaine de tentatives d’assassinats plus tard, l’écrivain continue d’être la cible d'extrémistes musulmans, défendant inlassablement la liberté d’expression.
11. L'Acacia
Claude Simon
4.22★ (449)

Lorsqu’il publie L'Acacia en 1989, Claude Simon est âgé de soixante-seize ans. Lauréat du prix Nobel depuis quatre années (1985), il a alors derrière lui une longue carrière d’écrivain, commencée aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale et certains de ses livres, de La Route des Flandres (1960, aux yeux de beaucoup son chef d’œuvre) aux Géorgiques (1985, qui lui vaut peut-être le Nobel), presque tous publiés aux éditions de Minuit, comptent parmi les pièces maîtresses de la littérature du 20e siècle. Styliste hors-norme, s’adonnant volontiers à l’ekphrasis au détour de ses romans, Simon aura plus que ses contemporains, bouleversé, dynamisé la structure romanesque sans que ses lecteurs puissent pour autant le comprendre à travers les codes du Nouveau Roman. Il est ainsi parfois considéré comme un auteur difficile à lire. Plus accessible que la plupart de ses textes précédents, œuvre de maturité, L'Acacia est sans doute le roman qui permet au plus grand nombre de se confronter à l’œuvre simonienne. A travers l’évocation de l’histoire familiale, on retrouve dans ce livre nombre des motifs de l’œuvre de Claude Simon : la trace du père disparu pendant la Grande Guerre, la déroute de 1940, les tantes de l’écrivain issues de la paysannerie du Jura, la petite noblesse du Sud-Ouest et une construction romanesque qui épouse le chaos du 20e siècle.
12. Passion simple
Annie Ernaux
3.59★ (3962)

A la fin des années 1980, Annie Ernaux vit une passion avec un homme marié, se soumettant entièrement à son désir et à ses disponibilités. Obsédée par l’attente, elle consigne scrupuleusement chaque événement, chaque sensation qui la traversent, dans une forme d’indifférence au monde. Journal clinique d’une passion dévorante et annihilante, Passion simple est violemment réel, à la fois intime et sec, sans cesse tendu par une exigence de vérité. Annie Ernaux y déploie sa grande entreprise littéraire - dissoudre le “je” pour le muer en “nous” - et invente l’autobiographie impersonnelle, imbriquant mémoire individuelle et mémoire collective.
13. Amkoullel, l'enfant Peul
Amadou Hampâté Bâ
4.32★ (1946)

“En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.” Cette formule proverbiale d’Amadou Hampâté Bâ est une excellente introduction à son œuvre et en particulier à ses mémoires, Amkoullel, l’enfant peul, merveilleux exemple de conte africain. Amadou Hampâté Bâ a milité toute sa vie pour faire connaître les traditions de l’Afrique, d’abord sous l’égide de Théodore Monod qui a été son directeur à Dakar, puis à travers l’Institut des Sciences humaines de Bamako qu’il a fondé en 1960 et enfin au sein de l’Unesco où il a été élu au sein du conseil exécutif pour représenter son pays, le Mali. Ce premier tome de ses mémoires retrace, dans une langue imagée et fluide, avec tout son talent de conteur, l’histoire de sa famille, de son enfance et de son adolescence et, à travers elle, l’histoire du peuple Peul. Un peuple nomade, attaché à ses troupeaux, religieux, fier et courageux, qui s’est sédentarisé au cours des siècles dans plusieurs régions d’Afrique, du Soudan au Mali. Récit épique, mais aussi plein d’humour et de tendresse, ces mémoires sont à la fois l’occasion de découvrir la mère de l’auteur, Hadidja, une femme forte et courageuse, et un pays colonisé où les représentants de l'Etat française se révèlent être parfois bienveillants, curieux et respectueux de la culture africaine, parfois bornés, violents et méprisants. Fresque historique foisonnante de détails et d’anecdotes, histoire romancée d’une grande famille peul et de son destin mouvementée, Amkoullel, l’enfant peul, est un plaisir de lecture qui donne à voir et à entendre l’Afrique dans toute sa richesse et sa diversité.
14. Le matin des origines
Pierre Bergounioux
4.06★ (46)

Extraire l’enfoui, retrouver l’impression, traquer l'éblouissement premier du sentiment de l'existence, faire advenir l’image du réel que le temps, l'habitude ont confié aux limbes, c’est à quoi s’emploie Pierre Bergounioux dans Le Matin des origines. Instant inaugural, splendeur des commencements, vérité "après quoi le reste n’est qu’intermède". De ce Lot lumineux, découvert dans ses premières années, la maison rose en particulier domine et hante sa mémoire et ses rêves ; elle revient d'ailleurs comme un leitmotiv auréolé de bonheur dans plusieurs autres écrits de l'auteur. Grâce à elle et à ses environs immédiats, à ses couleurs, aux odeurs qu'elle recelait, à ses habitants, s'est éveillée une sensibilité qui nous vaut assurément ce très beau texte ; celui-ci parvient à restituer quelques-uns de ces moments de l’enfance où l’on sent avant de penser.
15. Extension du domaine de la lutte
Michel Houellebecq
3.66★ (6216)

“Une théorie complète du libéralisme, qu’il soit économique ou sexuel”, c’est ce qu’élabore Michel Houellebecq dans son premier roman en partie autobiographique, déjà provocateur et controversé. Refusé par tous les éditeurs, Extension du domaine de la lutte est pourtant aujourd’hui une œuvre culte, symbole de la déréliction du monde moderne et du mâle occidental. Chez Houellebecq, la vie oscille entre le bureau et les supermarchés, à l’image de ses deux héros, cadres moyens dans une entreprise informatique, bientôt dépêchés en province pour former leurs collègues à un nouveau logiciel. D’échecs en échecs, ils font l’expérience d’un monde cynique et déshumanisé, dominé par le libéralisme sous toutes ses formes. Ils sont l’aliénation, la violence, la solitude affective et la misère sexuelle. Avec eux, Michel Houellebecq a donné forme au désenchantement du monde.
16. Le retour des caravelles
Antonio Lobo Antunes
3.91★ (120)

"Lorsque Vasco de Gama arriva en autocar à Vila franca de Xira..." : ainsi débute l’un des chapitres du Retour des caravelles, dans lequel António Lobo Antunes nous conte le retour des rapatriés d’Afrique au lendemain de la décolonisation. L’auteur affuble ces colons débarquant dans un pays qui n’est plus le leur et dans une ville (Lisebone, forme ancienne de Lisbonne) qu’ils ne reconnaissent pas, du nom des héros du passé (navigateurs, écrivains...) qui ont fait la gloire du Portugal. Tels des revenants, ils sont les returnados. Les époques se télescopent, les anachronismes fusent dans ce roman baroque où les thèmes du désastre, de la décomposition et de la déglingue sont omniprésents. Les héros fatigués attendent un sauveur providentiel en la personne du Roi Sébastien, mort en croisade au Maroc… António Lobo Antunes, grâce à la force de ses évocations et à la qualité de ses images, livre un texte singulier sur l’histoire du Portugal, avec un mépris de la chronologie qui ne doit pas décourager les puristes. Son écriture témoigne de son talent jamais démenti de grand écrivain.
17. Truismes
Marie Darrieussecq
3.08★ (2457)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’entrée de Marie Darrieussecq en littérature n’est pas passée inaperçue ! Dès sa parution, Truismes a tout du roman monstrueux : désinhibé, vulgaire, abject… avec un sens particulièrement réjouissant du politiquement incorrect. Dans un monde incertain, la narratrice connaît une drôle de métamorphose, qui la voit se muer progressivement en truie. Bientôt plus attirée par les patates crues que par la charcuterie, elle nous raconte l’évolution d’un corps qui ne lui appartient plus, entre désir d’humanité et instinct animal. En jouant sur l'esthétique de la métamorphose, Marie Darrieussecq met l’intime et le féminin au cœur de son propos. Ce corps déformé, désiré, rejeté, aliéné, c’est celui de toutes les femmes, que la société modèle et marchandise à l’envie. Truismes est bien plus qu’une parodie tragi-comique, c’est le récit de la brutalité de l'espèce humaine.
18. Dora Bruder
Patrick Modiano
3.73★ (4008)

En attribuant à Patrick Modiano le prix Nobel de littérature en 2014, l’académie suédoise saluait justement “l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation”. Cette inépuisable quête mémorielle et identitaire, Dora Bruder en est sans doute l’une des représentantes les plus émouvantes. On pourrait dire que l’histoire de Dora Bruder débute le jour où Patrick Modiano découvre la petite-annonce faisant état de sa disparition, publiée dans le Paris-Soir du 31 décembre 1941. Dès lors, le romancier n’a qu’une obsession, retrouver sa trace, à la manière d’un enquêteur rassemblant scrupuleusement les indices. Partant des lieux où la jeune fille a vécu, il reconstitue peu à peu l’histoire de cette jeune adolescente juive, de sa fugue dans le Paris de l’Occupation à sa déportation à Drancy. Le récit se fait à la fois prospection et introspection, hanté par l'absence, l'effacement et la propre enfance de Modiano. Le travail du romancier, nous dit-il, est inséparable de la mémoire. La littérature entière est réminiscence, magnifique et insoluble.
19. Être sans destin
Imre Kertész
4.34★ (1760)

En 2005, dans son discours pour la réception de son prix Nobel, Imre Kertesz raconte que le directeur du mémorial de Buchenwald lui a récemment envoyé un document attestant de sa mort dans ce camp le 18 février 1945. Son principal roman, Etre sans destin, raconte l’enchaînement des événements qui conduit un jeune adolescent juif jusqu’au quasi anéantissement dans un camp nazi. Le récit se déploie de manière linéaire avant et après la vie au camp, en passant par le jour où il est arrêté et le jour où, devenu totalement invalide, il croit être conduit vers l’extermination. C'est ce jour-là que les autorités du camp le déclareront mort. Il prendra progressivement conscience qu’une organisation secrète du camp l’a pris en charge et tente de le guérir. Roman de l’absurde dont le style rappelle celui de l’Etranger de Camus, Etre sans destin nous plonge dans les mécanismes du totalitarisme qui changent un homme à peine constitué en un objet, un simple numéro qui n’a d’autre choix que de suivre les événements d’un point de vue extérieur, même quand ceux-ci, décidant de ses jours, le concernent au plus haut point. Beaucoup moins explicatif que Si c'est un homme de Primo Levi, ce roman pourra dérouter ceux qui cherchent à comprendre comment fonctionnaient les camps de la mort. Mais c'est leur absurdité, leur implacable inhumanité que l'on perçoit avec plus de force.
20. Les Émigrants
W. G. Sebald
4.31★ (363)

S’il est une œuvre hantée par la destruction et ses fantômes, c’est sûrement celle de W. G. Sebald, qui restitue avec une rare puissance le souvenir des disparus. Ses livres sont autant d’objets inclassables, mêlant montage de textes et d’images, véritables révélateurs d’une mémoire oubliée. Les Emigrants est à la fois le récit et le fruit de cette saisissante machine à explorer le temps. A partir de traces minutieusement recueillies, l’écrivain raconte le destin de quatre personnages marqués par l’exil et la disparition. La matière de cette reconstruction, ce sont les témoignages, les images et les lieux, qui forment peu à peu la carte sensible de ces vies déracinées. Ces histoires singulières sont tissées de souffrances, de déchirements, de silences. En donnant une voix à ces hommes jetés à travers l’Europe, Les Emigrants télescope les époques comme les territoires, et résonne particulièrement aujourd’hui.
21. Stupeur et Tremblements
Amélie Nothomb
3.69★ (51998)

Lorsqu'elle est embauchée chez Yumimoto, Amélie croit qu'elle a trouvé un paisible emploi de traductrice. C'est sans compter sur sa terrible incompétence et son incroyable incapacité à se conformer aux règles tacites qui régissent les rapports humains dans une entreprise japonaise... Récit de la "foudroyante chute sociale" de son héroïne, Stupeur et tremblements est l'arme fatale pour convaincre les sceptiques qu'Amélie Nothomb n'est pas qu'un personnage médiatique. On y trouvera son puissant sens du rythme, son talent particulier pour les images-choc, son humour acidulé et sa capacité à instiller une dose d'angoisse métaphysique dans ce qui se contente pourtant à première vue d'être une savoureuse chronique des mœurs japonaises.
22. L'Inceste
Christine Angot
2.67★ (604)

Impudique, nombriliste, obscène... Beaucoup n'ont toujours pas pardonné à Christine Angot d'avoir écrit L'Inceste. Pourquoi un tel choc, au-delà du tabou que brise ce texte dont le sujet principal est, en dépit de son titre, une histoire d'amour avec une autre femme ? Sans doute n'avait-on encore jamais écrit sur soi à la manière de Christine Angot. L'écriture, faite de retours incessants qui évoquent Marguerite Duras, place le lecteur au cœur d'une spirale névrotique. Lire L'Inceste est une expérience nécessairement inconfortable, et c'est là sa force : jamais l'autofiction n'avait encore placé le lecteur dans une telle situation. Cette manière crue, qui emprunte autant à la psychanalyse qu'à la structure erratique du journal, n'est ni celle de Guibert ni celle d'Ernaux ; c'est une nouvelle écriture autobiographique, presque violente par son impudeur, qui ouvre la porte à toute une génération d'écrivains. La gêne persiste, vingt ans après ; mais le sentiment d'avoir affaire à une œuvre qui change toutes les règles demeure également.
23. Le Cri du sablier
Chloé Delaume
3.94★ (405)

A l'origine il y a le drame, l'assassinat de la mère par le père, qui se suicide aussitôt. L’événement laisse Chloé Delaume, alors enfant, aphone, aphasique. Plusieurs décennies plus tard, l'écriture devient le moyen de laver la souillure, de tuer enfin figurativement l'image du père. Longue profération, Le Cri du sablier bouscule les mots, les transforme en matière mouvante, magmatique, à même de faire sentir les répercussions sans fin de l'onde de choc provoquée par le crime paternel. D'une profonde singularité, l'œuvre de Chloé Delaume transforme le matériau personnel en geste mythologique, ce qui en fait un des projets autobiographiques les plus fascinants de notre époque.
24. Persepolis
Marjane Satrapi
4.54★ (7000)

Fille unique d'une famille aisée et progressiste, la petite Marjane n'apprécie pas du tout les changements que lui impose en 1980 la révolution islamique iranienne : port du voile, séparation des filles et des garçons... Du haut de ses dix ans, elle observe les adultes autour d'elle. Enflammée - elle se rêve prophète ! -, elle voudrait participer aux manifestations. Mais, les emprisonnements des amis et des proches se multiplient et, bientôt, la guerre avec l'Irak éclate. "Dessiné à hauteur d'enfant", Persepolis connaît dès sa sortie, en 2000, un succès exceptionnel pour une bande dessinée, tant en France qu'à l'étranger. L'histoire attachante de cette fillette et de sa famille est servie par un graphisme particulièrement expressif, en noir et blanc.
25. Une histoire d'amour et de ténèbres
Amos Oz
4.11★ (906)

Dans Une histoire d’amour et de ténèbres, l’auteur convoque tous les personnages de son enfance, parents et grands-parents, famille, voisins et amis, en re-créant un monde disparu. Il mêle son présent au souvenir des siens, européens convaincus ayant fui l’antisémitisme pour s’installer à Jérusalem, où l’émigration ne ressemble pas au paradis annoncé (intellectuels polyglottes condamnés à parler un hébreu hésitant, à exercer des tâches ingrates, à vivre dans un certain dénuement…). Ce texte inclassable, à la structure complexe, composé de récits enchâssés, d’épisodes drôlatiques et de scènes émouvantes ou pathétiques, mêle la chronique intime et l’Histoire. Le suicide précoce de la mère d’Amos, souvent évoqué au cours du roman, clôt ce récit magistral d’une enfance aux premiers jours de l’Etat hébreu.
26. Sarinagara
Philippe Forest
3.93★ (255)

En 1997, dans L'Enfant éternel, Philippe Forest a raconté l'insupportable et inconcevable douleur de voir mourir sa fille de quatre ans. Le titre de ce livre de deuil impossible était emprunté à Mallarmé qui lui aussi perdit un enfant. Installé avec sa femme au Japon, Philippe Forest se tourne à nouveau vers des auteurs qui ont traversé l'extrême douleur : le poète Kobayashi Issa et le romancier Natsume Sôseki ont perdu leurs enfants. Le photographe Yamahata Yosuke a été le premier, le 10 août 1945, à Nagasaki, à photographier les corps calcinés. Si le chagrin ne s'efface pas, Philippe Forest trouve pourtant ("sarinagara" en japonais) au Japon une forme d'apaisement. Le Japon, écrit-il, "fut pour nous le pays d’après, celui où survivre à la vérité reprenait un sens, où il ne s’agissait plus de choisir entre le souvenir et l’oubli mais où l’oubli devenait la condition mystérieuse et nouvelle du souvenir."
27. Beaux seins, belles fesses : Les enfants de la famille Shangguan
Mo Yan
3.83★ (666)

Lorsque Shangguan Lushi donne enfin naissance à un garçon, après avoir élevé sept filles, c’est une véritable délivrance pour toute la famille. Jintong, par sa veulerie et son indécrottable manie d’être accroché aux seins de sa mère, ne sera certes pas à la hauteur des attentes de la famille ; mais lui et ses sœurs traverseront ensemble cinquante ans d’Histoire de la Chine contemporaine, affrontant mille épreuves infligées à la famille. Rocambolesque, parcourant toute la gamme du registre épique au burlesque, Beaux seins, belles fesses dresse le portrait au vitriol d’un pays en proie à toutes les formes de violences. Conjuguant au folklore de la Chine rurale quelques touches de réalisme magique qui lui ont souvent valu d’être comparé à Cent ans de solitude, ce roman-fleuve, malgré sa forme baroque et monumentale, reste toujours à hauteur d’homme et rend un hommage puissant à un peuple balloté par les cahots de l’Histoire.
28. L'intérieur de la nuit
Léonora Miano
3.80★ (276)

Même si elle vient assister sa mère, qui est en train de mourir, Ayané n’est pas la bienvenue dans son village natal. Elle, qui a quitté son pays pour la France, peine à y retrouver ses racines. Tandis qu’elle cherche sa place dans ce monde qui la rejette, une sanglante révolte contre le pouvoir politique en place s’organise... Dans ce pays d’Afrique imaginaire, c’est le spectre des génocides et des guerres civiles qui plane. Ayané devra faire face à cette menace sourde tout en tentant de se réapproprier les codes qui régissent ses relations avec les autres femmes du village. A la confluence des représentations occidentales de l’Afrique et de l’authenticité des coutumes camerounaises, Léonora Miano prend à bras le corps, dans le magistral premier roman qu'est L'intérieur de la nuit, les enjeux politiques nés de la brutalité des colonisations et interroge avec acuité la place des femmes dans les sociétés traditionnelles.
29. Kafka sur le rivage
Haruki Murakami
4.21★ (13140)

Les héros d’Haruki Murakami franchissent souvent une frontière qui sépare le monde réel d’un monde parallèle où ils recherchent une vérité qui n’appartient qu’à eux... Kafka sur le rivage est peut-être son plus beau roman, qui joue sur ce passage d’un monde à l’autre, dans un registre à la fois tragique, poétique et ironique. Deux quêtes initiatiques s’y mêlent, celle d’un jeune adolescent abandonné par sa mère, poursuivi par une terrible prophétie, et celle d’un vieillard, qui sait parler aux chats et dont l’apparente candeur masque une sagesse singulière. Au bout de leur voyage, se trouve la porte qui sépare deux mondes, le nôtre et un monde fantastique, symbolique et spirituel. Tissant étroitement réalisme et fantastique, culture occidentale et culture japonaise, l’écriture limpide, inventive et extrêmement poétique de Murakami absorbe totalement le lecteur dans son univers si particulier. Humour, amour, sagesse, folie, tous les ingrédients d’une trame romanesque d’une extraordinaire créativité sont réunis dans ce roman jubilatoire. Il faut plonger complètement dans ces histoires enchevêtrées de nos deux héros pour en apprécier toutes les trouvailles, en décrypter tous les symboles et continuer d’en imaginer le sens que l’auteur, avec une très grande maîtrise, suggère mais laisse ouvert. Quelque soit le sens que chaque lecteur leur attribuera, le souvenir de la merveilleuse bibliothèque Komura où trouve refuge le jeune Tamura, ou celui des rencontres du vieux Nakata -chats, fantômes ou humains- laisseront en lui une empreinte durable, souriante et mélancolique... Auteur japonais aux influences occidentales prégnantes, Murakami est nourri de musique, de littérature et de philosophie. Volontairement anti-conformiste, refusant de faire entrer la littérature dans des cases, mêlant tous les genres, il a créé une œuvre particulièrement foisonnante, parfois déroutante, mais toujours passionnante.
30. 2666
Roberto Bolaño
4.23★ (1420)

Avec 2666, l’écrivain chilien Roberto Bolaño nous offre une étourdissante chevauchée dans les mondes d’hier et d’aujourd’hui tendue vers d’inévitables apocalypses où l’histoire – la grande – qu’elle soit celle des Aztèques, de la Seconde Guerre mondiale, de la traversée contemporaine de la violence en Amérique latine ou du combat des Black Panthers est le théâtre d’expériences confuses, multiples et précaires où l’individu se trace une route indécise. Actrices et acteurs tantôt jouets de forces impondérables ou brillants, par éclats, de leurs singularités, qu’ils soient professeur d’université, boxeur malmené, général priapique d’armée en attente de déroute, baronne aux vies aventureuses, journaliste-détective sur les pas d’assassinats de femmes inexpliqués… entrecroisent leurs destins. Figure de cette composition carnavalesque, Benno von Arcimboldi, écrivain à l’existence douteuse construite sur les emprunts, totem à l’horizon qui régule les espoirs et les désirs, est une pierre d’angle prolifique car "il est nécessaire qu’il y ait beaucoup de livres, beaucoup de beaux sapins, pour qu’ils veillent du coin de l’œil le livre qui importe réellement, la foutue grotte de notre malheur, la fleur magique de l’hiver". 2666 est l’ultime signature romanesque de Roberto Bolaño. L’œuvre est inachevée par le décès de son auteur. Elle en tire peut-être une subtile vaillance qui suspend l’épuisement, laisse de l’air et fait poésie.
31. La Route
Cormac McCarthy
4.06★ (14771)

On ne sait pas vraiment ce qui s'est passé, ce qui a jeté l'homme et son jeune fils sur les routes. Toujours est-il qu'ils marchent, depuis des années, en direction du sud. Ils poussent un caddie où sont rassemblées leurs affaires. Ils ont froid et faim. Il leur faut trouver les moyens de survivre dans ce pays dévasté, d'échapper aux autres hommes qu'ils croisent parfois et qui sont de potentiels anthropophages. Dans cet environnement hostile, l'amour mutuel entre le père et l'enfant reste la dernière barrière face à la barbarie. Roman post-apocalyptique à l'écriture envoûtante, La Route ravive chez le lecteur une angoisse primitive et le marque durablement.
32. Le village de l'Allemand ou le journal des frères Schiller
Boualem Sansal
4.05★ (1067)

A l’origine, il y a deux frères, Rachel et Malrich, nés d’une mère algérienne et d’un père allemand. Elevés ensemble dans une cité de banlieue parisienne, l’aîné a réussi son intégration sociale là où l’autre ne jure que par la révolte. Dès les premières pages du récit, pourtant, Malrich nous apprend que Rachel a mis fin à ses jours. Le fondement de cet acte, inexpliqué et violent, se trouve au croisement des journaux intimes des deux frères, entre secret familial et barbarie collective. Au cœur du Village de l’Allemand, il est une voix qui s’élève : celle, brûlante et insoumise, de l’écrivain. En reliant la Shoah (sujet tabou en Algérie), la guerre civile algérienne et la situation des banlieues françaises, Boualem Sansal trace une histoire frontale des grandes ignominies. Du nazisme à l’islamisme, tous les fanatismes font des ravages : il y a urgence à les dire, les dénoncer, les combattre.
33. Roman
Vladimir Sorokine
3.86★ (83)

Qui est le véritable héros de Roman de Vladimir Sorokine ? Est-ce Roman, jeune avocat qui décide de quitter la ville pour revenir habiter chez son oncle et sa tante, qui l'ont élevé ? Ou bien est-ce le roman russe lui-même, et son histoire tumultueuse qui accompagne celle de la Russie ? On se demande parfois, à lire les délicats troubles amoureux de Roman et sa vie dans une campagne russe désuète, si on n'est pas égaré chez Dostoïevski, Pouchkine ou Tolstoï. Mais en transportant soudainement son texte sur le terrain d'un roman contemporain sec et teinté d'absurdité existentielle, Sorokine finit par retourner toutes les attentes. Dans une effarante explosion de violence finale, il signe l'acte de décès du genre romanesque et dynamite les défenseurs nostalgiques d'un "âge d'or" du roman russe. Un acte de vandalisme qui redonne un sérieux coup de fouet à une littérature perçue comme déclinante.
34. Que font les rennes après Noël ?
Olivia Rosenthal
2.82★ (489)

Comment renouveler aujourd'hui la forme du roman ? Olivia Rosenthal, au fil des textes, apporte ses propres réponses à cette question avec un dispositif qui mêle la matière romanesque au documentaire. Dans Que font les rennes après Noël ?, c'est l'histoire d'une jeune femme docile, passionnée par les animaux, qui se trouve entrecoupée de témoignages techniques donnant à entendre les voix d'un éleveur de loups, d'un boucher ou encore d'un soigneur animalier. Animaux sauvages ou d'élevage, de laboratoire ou de zoo jettent des éclairages nouveaux sur le récit central, dans un jeu de miroirs sans cesse renouvelé. Qui est libre, qui est en cage ? Qui est civilisé, qui est sauvage ? Atteignant la maîtrise parfaite de cette forme hybride qui lui appartient, Olivia Rosenthal écrit un grand roman sur le désir humain et le passage à l'âge adulte, hanté par ses interrogations sur l'animal en nous.
35. Viva
Patrick Deville
3.42★ (402)

Sans s’y être croisés, Malcolm Lowry et Léon Trotsky ont marqué le Mexique des années 1930. L’un y est exilé, l’autre y mène la vie déréglée qui inspira son chef d’œuvre, Sous le volcan. Tous deux incarnent une certaine idée de la révolution, et sont au centre de Viva, fresque érudite hantée par le souvenir vénéneux du roman de Lowry. Patrick Deville y élève le name-dropping au rang d’art et fait comparaître autour de Trotsky et Lowry un choeur de fantômes - de Frida Khalo à Antonin Artaud ou André Breton. Après Kampuchéa et Peste et Choléra, Viva affirme son talent particulier pour faire de fils anecdotiques épars un canevas total, une toile qui tire le roman vers une forme d’essai historique à l'échelle du monde, et à la mesure du désir d’absolu de deux hommes qui nous crient “qu’à l’impossible chacun de nous est tenu”.
36. Terminus Radieux
Antoine Volodine
3.52★ (661)

Cette fois-ci, c'est la fin. La Deuxième Union soviétique et son rêve de fraternité planétaire ont échoué. La guerre s'est accompagnée de catastrophes nucléaires. Dans cet univers post-apocalyptique, quelques êtres survivent et errent à travers les steppes. Sont-ils encore vivants ? Rien n'est moins sûr. Dans les romans de Volodine, la mort se confond avec la vie et les rêves. Le temps et l'espace peuvent s'allonger ou se rétrécir. Comme dans les mythes et les contes, un personnage peut prendre l'apparence d'un animal. Pourtant, rien ne semble plus réel que cet univers imaginaire d'une singulière cohérence où l'on se surprend à rire au milieu du désastre. Antoine Volodine est un grand sorcier.
37. Boussole
Mathias Enard
3.30★ (2175)

Alors que l’obscurité se fait sur Vienne, Frantz Ritter se prépare à une nuit d’insomnie. Tenu éveillé par son obsession pour l’insaisissable Sarah, ce musicologue entraîne le lecteur vers l’Orient, au gré d’un brillant voyage artistique et historique. Mathias Enard, dans le tourbillon d’érudition qu’est Boussole, dessine les contours d’un monde aux mille et une splendeurs et n’entreprend rien de moins qu’une petite histoire des relations entre Orient et Occident. Musiciens, écrivains, peintres ou historiens peuplent cette fiévreuse insomnie d’amour, avec pour point commun leur passion pour l’Est. Les fantasmes de déserts infinis et de sables d’or des orientalistes du 19e siècle se mêlent alors à l’âpre réalité : la rupture de liens séculaires entre les peuples et la destruction de patrimoines inestimables… Le chant d’amour qu’est Boussole se propose d’œuvrer à une réconciliation sur l’autel de l’art et de la sensualité.
38. Envoyée spéciale
Jean Echenoz
3.52★ (1247)

Une bande de barbouzes quelque peu désorganisés, un général sur le retour qui rêve d’un dernier grand coup, une jeune ingénue qui n’a rien demandé, et certainement pas qu’on l’envoie jouer les mouchardes en Corée du Nord… Tous les ingrédients sont là pour renouer avec la veine du roman d’espionnage rocambolesque, premier amour de Jean Echenoz. Plus de vingt ans après Lac ou Cherokee, Echenoz démontre à nouveau sa virtuosité narrative : dans la folle machine qu’est Envoyée spéciale, tout - et, à l’occasion, n’importe quoi - peut alimenter le moteur de l’action. Interventions furtives du narrateur, deus ex-machina insensés, clins d’œil auto-référentiels insistants... Pastiche goguenard et retors, Envoyée Spéciale conjugue la malice pince-sans-rire du jeune Echenoz à l’impeccable maîtrise stylistique de l’œuvre de maturité.
39. Les anges radieux
William T. Vollmann
2.71★ (43)

Sur tout le continent américain, la guerre fait rage. Face à un groupe d’hommes dont l’intention est d’électrifier le globe, les insectes résistent, bien décidés à asseoir leur hégémonie. Entre uchronie et science-fiction, Les Anges radieux fait le portrait acide d’une humanité insectoïde, et émiette l’Histoire américaine - de la conquête de l’Ouest à l’explosion de la Silicon Valley - pour mieux la disséquer. Chez Vollmann, le dispositif narratif - baroque voire labyrinthique - compte autant que le récit en lui-même. La réalité se fait instable au gré de la narration, glisse entre les doigts comme une anguille ou se trouve soudain prise de convulsions. Critique du capitalisme, du rêve américain et du tout-technologique, opposé à un imaginaire libertaire lui aussi sur le déclin : William T. Vollmann brasse et malaxe les grands thèmes du roman américain contemporain dans une forme qui ne se fixe aucune limite, tutoyant dès ce premier roman les grands aînés que sont Thomas Pynchon ou Kurt Vonnegut.
40. Article 353 du code pénal
Tanguy Viel
3.99★ (2737)

Martial Kermeur a-t-il eu raison de se faire justice lui-même ? Dans le bureau du juge d’instruction, il déplie et démêle son cheminement vers le jour où il a jeté à l’eau Antoine Lazenec, promoteur immobilier responsable de sa ruine, et l’a regardé se noyer. Dans son témoignage livré en huis-clos, se mêlent la débâcle intime et celle de toute une région éreintée par la crise : Kermeur, ancien ouvrier de l’arsenal de Brest, se fait malgré lui la voix de tous ceux qui restent démunis face à ceux qui mènent le jeu. Parabole sociale et politique en même temps que réflexion sur la notion de justice, Article 353 du code pénal peint en nuances de gris mais dans une langue toujours verte, marquée par une oralité qui confine parfois à un lyrisme inattendu, une société sclérosée dans laquelle la responsabilité du Mal ne saurait être personnelle.
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