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EAN : 9782226445629
104 pages
Albin Michel (01/04/2020)
4.04/5   56 notes
Résumé :
Ils venaient de l'arrière, ils venaient des villes. La veille encore ils marchaient dans les rues, ils voyaient des femmes, des tramways, des boutiques ; hier encore ils vivaient comme des hommes. Et nous les examinions émerveillés, envieux, comme des voyageurs débarquant des pays fabuleux. Eux aussi nous dévisageaient, comme s'ils étaient tombés chez les sauvages.

Journaliste et engagé volontaire, Roland Dorgelès s'attaque au récit de la guerre à so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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A peine fini ça recommence ! Après une publication pléthorique durant la dernière décennie, on pensait en avoir terminé avec les commémorations de la Grande Guerre en bande dessinée… Or, moins de deux ans après les dernières célébrations du centenaire, voici que paraît l'adaptation d'un monument de la littérature et du cinéma de guerre : « Les Croix de bois » de Roland Dorgelès (qui participa également à l'écriture du scénario du film de Raymond Bernard en 1932) par JD Morvan et Facundo Percio sous la houlette de Martin Zeller aux éditions Albin Michel.

S'il n'y avait pas eu le confinement, cette adaptation serait parue chez le même éditeur cent-un ans jour pour jour après le roman qui rata de peu le prix Goncourt (gagné par Proust) et obtint le Femina. Ce titre étendard, premier des cinq prévus cette année, marque aussi le retour à la BD chez Albin Michel. Mais quel peut-être l'intérêt de publier un énième album sur la Grand Guerre ? Est-il encore possible d'innover sur un thème aussi balisé et exploité ?

On notera qu'il ne s'agit pas d'une simple adaptation mais d'une véritable recréation. JD Morvan modifie, en effet, profondément la structure de l'oeuvre source. Alors qu'on avait 17 chapitres tous titrés qui présentaient des « scènes » du quotidien des soldats sans réel lien entre elles, non datées, non localisées, afin de leur conférer une portée exemplaire et universelle, le scénariste choisit un développement quasi linéaire et situe les actions principalement à Neuville -Saint-Vaast en Artois et à Hermonville dans la Marne. Il ramasse le roman sur un peu plus de six mois : le héros arrive en novembre 1914 et meurt en juillet 1915. Il remanie donc profondément le récit afin d'offrir au lecteur un véritable récit de guerre et non plus de simples saynètes.

L'album commence in medias res sur le champ de bataille et confronte héros et lecteur aux combats puis reprend, en flash-back, le début du roman : l'insouciance initiale du héros Gilbert Demachy étudiant en droit engagé volontaire qui part la fleur au fusil et la besace en moleskine blanche en bandoulière avant d'être accueilli de façon moqueuse par les vétérans. La juxtaposition de ces deux épisodes met en évidence ce qui est une des clés et des visées du roman : Demachy pensait - suite à ses lectures des quotidiens- que la guerre était simple et facile mais il se heurte à la violente réalité. Dorgelès, le journaliste, témoigne sans fards de ce que fut vraiment la guerre dans tous ses aspects. Les deux bédéistes font de même en opposant par ce montage le fantasme de l'arrière à la réalité. Leur choix de couverture le souligne également : on y voit un ciel rouge sang , des croix de bois brisées par le souffle des obus et un poilu en uniforme bleu horizon qui ne va pas triomphant au combat mais se tient, au contraire, accroupi, prostré et passif, en attendant une accalmie ou peut-être la mort.

Cette couverture n'est pas sans rappeler le graphisme de Jacques Tardi mais cette parenté ne concerne nullement le contenu de la bande dessinée qui s'éloigne complètement de l'oeuvre de son prédécesseur. En effet, pour ménager des moments de pause et de rire, JD Morvan intègre des pages que Dorgelès avait enlevées avant le passage à la censure tels les chapitres « la boule de gui » ou « les permissionnaires » ou intégrées dans d'autres de ses romans dont « le Cabaret de la belle-femme ». Il reprend ainsi une scène de travestissement ou de bataille de boules de neige. Ces scènes de farce offrent un contraste frappant avec celles des combats et en accentue toute l'horreur. Enfin et surtout, il fait intervenir de façon très originale le romancier Dorgelès qui devient l'un des personnages de la BD. L'incipit du roman n'est transcrit qu'à partir de la page 17 de la bande dessinée ; auparavant, en plus de la scène de de combat, elle développe des éléments de la vie de Dorgelès dans une sorte de prologue : on le voit ainsi demander son appui à son rédacteur en chef, un certain Clémenceau, pour aller à la guerre alors qu'il en est exempté pour raisons de santé. Cette mise en abyme avec l'introduction du personnage Dorgelès transposant ses expériences dans la fiction sous de multiples identités - Larcher, Demachy et même Sulphart - permet d'étoffer le « vécu » des êtres de fiction grâce à celui de leur auteur (Morvan réutilise ainsi la correspondance authentique de Dorgelès et de sa maîtresse Mado) et donne une magnifique profondeur à ceux -ci. C'est une superbe, originale et passionnante relecture qui suscite également une interrogation sur les rapports de l'art au réel en accordant autant de place à la genèse et à la réception du récit qu'au récit lui-même.
Ce feuilleté de significations est rendu lisible pour le lecteur par des codes couleurs et des styles graphiques différents dévolus à chaque strate du récit. Les pages biographiques sont ainsi réalisées en couleurs sourdes où domine le bleu gris dans un style très ligne claire tandis que le monologue intérieur de l'écrivain est placé dans un cartouche jaune pâle. Les pages originelles du roman adoptent, quant à elles, un style beaucoup plus expressionniste au fusain dans une bichromie où domine l'ocre qui rappelle la boue des tranchées et les ajouts de pages expurgées restent dans le même style qui peut rappeler certains croquis de Bofa surtout pour les expressions de personnages. La voix off de Larcher y est placée dans des cadres blancs qui se détachent de la page et la typographie choisie rappelle la police de caractère d'une vieille machine à ruban. le passage d'une strate à l'autre s'effectue parfois sur une phrase (on voit Dorgelès taper à la machine le récitatif qu'on vient de lire) ou dans une « surimpression » cinématographique : on part d'une attitude de Dorgelès en couleur et dans la case suivante on retrouve la même attitude donnée au personnage de fiction, Demachy ou Larcher, en bistre. Outre la clé de lecture ainsi fournie, on peut voir dans ce procédé un hommage à l'adaptation cinématographique de Raymond Bernard qui en usait abondamment.

Cette traduction graphique n'est pas pour autant une trahison. Dans les récitatifs, Morvan, comme dans ses récentes adaptations des romans de Boris Vian, cite de longs extraits du roman. Les dialogues en sont repris également avec toute l'attention que l'écrivain portait à la retranscription des parlures et niveaux de langue des uns et des autres et surtout la visée de l'oeuvre source est respectée. Il ne s'agit pas, en effet, dans « les Croix de bois » de faire preuve d'idéologie ( « le feu » de Barbusse montrait que c'était le prolétariat qui payait un lourd tribut à la guerre, chair à canon envoyée en première ligne, tandis que les riches planqués s'enrichissaient encore davantage à l'arrière) mais de présenter la guerre dans toute son horreur sans la glorifier et de souligner aussi les élans de solidarité qui pouvaient avoir lieu. le scénariste rend parfaitement le sentiment d'attente interminable, d'ennui et de fatalisme qu'on trouve dans le roman tandis qu'avec les chapitres ajoutés il souligne la mixité sociale que créent les tranchées et le sentiment d'incompréhension ou d'abandon que ressentent les Poilus une fois revenus à l'arrière.

Le découpage est extrêmement signifiant et le traitement pictural frappant. Dans les pages « ligne claire », Percio fait preuve d'un grand souci de documentation tant pour les épisodes se déroulant dans le Montmartre de l'arrière, les portraits d'après nature de Dorgelès , Clémenceau, Albin Michel ou Madeleine que pour l'arrivée au front. Dans les pages de combats, le dessinateur manie l'ellipse pour ne pas être redondant dans l'horreur et n'en devient que plus percutant par sa sobriété. Il nous offre tout de même des cases hallucinées avec des soldats aux allures spectrales qui rappellent le triptyque « La Guerre » dans de pleines pages somptueuses. le Mont calvaire est présenté comme un paysage lunaire à la manière d'Otto Dix dans ses eaux fortes de 1924. Parfois les traits des officiers sont distordus comme émanant d'un cauchemar expressionniste sous le pinceau de Munch. Il joue aussi avec les codes de la bande dessinée en sortant des cases et en intégrant pleinement les onomatopées au dessin. Son trait vibrant, à l'épaisseur plus ou moins marquée permet de varier l'intensité des émotions. A priori « C‘était la guerre des tranchées » et « La grande guerre de Charlie » me paraissaient inégalables, or le dessin de l'argentin Facundo Percio n'est nullement en reste !

Dans la présentation du nouveau département bande -dessinée, Martin Zeller précisait que la maison voulait axer sa production sur « l'écriture dessinée » . Et l'on peut dire que ce coup d'essai est un coup de maître. En effet, il ne s'agit pas finalement d'un simple ouvrage de plus, mais d'un ouvrage clé qui permet de rappeler avec sobriété : l'horreur des conflits, la nécessité de témoigner et aussi - en cette période où l'on a eu tendance à les oublier voire à les sacrifier durant le confinement- l'importance du rôle des artistes pour traduire notre monde et écrire l'Histoire pour les générations futures, tout en contribuant à faire de la bande dessinée un art majeur (pour ceux qui en doutaient !) .



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Une adaptation intelligente et un récit poignant sur la première guerre mondiale.

Les Croix de bois est un roman de Roland Dorgelès ayant pour cadre la guerre 1914-1918. Cette bande dessinée n'en est pas tout à fait l'adaptation. Elle reprend des passages du roman en y additionnant des éléments de la biographie de Roland Dorgelès.

Jean-David Morvan a réussi à imbriquer ces deux récits avec une parfaite symbiose, un vrai travail d'orfèvre. Pour différencier les deux, le graphisme utilise deux bichromies différentes, noir et ocre pour les passages du roman, et noir et bleu horizon pour la biographie, mais les deux s'imbriquent judicieusement, Demachy étant l'alter ego de Roland Dorgelès dans le roman, les deux personnages se confondent parfois, pour bifurquer quand Roland Dorgelès obtiendra un poste moins exposé.

Le graphisme de Facundo Percio est aussi très intéressant, s'inspirant de croquis réalisés par des soldats durant cette guerre, je pense à Jean-Julien Lemordant, Mathurin Méheut ou Léon Broquet et tant d'autres encore. le trait est réalisé au fusain ou autre technique sèche, agressif et brut, laissant deviner des moments furtifs, pris sur le vif, réaliste et plein de mouvement, de terre, de boue et de souffles (celui du froid, des explosions, et le dernier souffle…).

Le texte de Dorgelès est beau et riche, de dimension tragique et poétique, le graphisme de Facundo Percio le met bien en valeur, le montage que propose Jean-David Morvan lui donne encore une dynamique supplémentaire. Ce n'est plus seulement un récit sur la guerre, mais cela devient alors un récit sur le témoignage lui-même, tout aussi poignant.

Jean-David Morvan, que je n'attendais pas dans un registre aussi grave m'a impressionné. C'est un récit tragique et fort, sur la réalité, celle de cette guerre, et de l'horreur qu'elle fut. Cette bande dessinée est une belle réussite.
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En 1919, alors qu'il est journaliste au Canard enchaîné, Roland Dorgelès publie l'un des plus grands romans de la littérature française sur la Première Guerre mondiale, Les croix de bois, fruit de son expérience sur le front.
Cet album, signé J d'Morvan et F Percio, réalisé d'après ce chef-d'oeuvre et la vie de son auteur lui rend un bel hommage.
Le choix des couleurs pour différencier le monde des soldats en guerre et celui des civils s'avère judicieux.
L'ocre qui rappelle la boue des tranchées et des terres labourées par les obus donne de la puissance au récit.
La violence des combats, sans profusion d'éclats sanguins, est néanmoins parfaitement ressentie dans chaque dessin. On pourrait presque penser et c'est là tout le talent du dessinateur, que ces planches ont été réalisées en temps réel au coeur du conflit.
Une belle façon de (re)découvrir une oeuvre et un écrivain cent ans après.
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Possédant le roman de Roland Dorgelès, qui prend les poussières sur mes étagères (il n'est pas le seul), j'ai décidé de le découvrir au travers de l'adaptation en bande dessinée.

Ma première impression ne fut pas bonne, tant les dessins me déplurent d'emblée.

Les couleurs des uniformes français, presque blancs, les tons brunâtres des décors, passant ensuite sur les uniformes des soldats… bref, les dessins et moi n'allions pas être des grands copains. Il ne me restait plus que le scénario.

Mais que venaient-ils faire dans cette galère ?

Le jeune Dorgelès avait été réformé deux fois pour raison de santé, mais il voulait aller à la guerre, alors il demanda à Clemenceau une lettre de recommandation. Tout le monde, à ce moment-là, la pense courte… La guerre ne sera pas courte et ça, ils ne le savent pas encore.

Lorsque nous arrivons à la partie consacrée aux souvenirs d'enrôlement du journaliste Dorgelès (son nom de plume), les dessins sont différents, plus agréables à regarder, mais une fois que l'on repasse avec son héros, Gilbert Demachy, les dessins redeviennent ceux du début.

Durant tout l'album, il y aura des alternances entre les couleurs brunes et celles qui tireront plus vers le bleu/gris.

N'ayant pas lu le roman, je ne peux pas dire si l'adaptation est fidèle ou pas (*). Hormis les graphismes qui m'ont déplu, j'ai apprécié le reste.

L'adaptation n'est pas faite que de combats, mais d'un habille mélange de ce que fut la vie de milliers de Poilus durant cette guerre : disputes, rires, abattement, moral à zéro, gouaille entre les soldats, les plus anciens qui mettent les plus jeunes au parfum, latrines communes, bouffe de merde, la boue, les poux, les erreurs qui coûtent en vie, les marches harassantes, les vivants qui se protègent derrière des morts…

Pas de censure dans cette bédé, comme il y en avait à l'époque et après la fin de la guerre.

La couverture en dit déjà long : ce n'est pas un soldat super-héros et digne de la propagande qui est représenté, mais un soldat recroquevillé sur lui-même, tentant d'échapper à la Mort, le tout sur un fond de ciel rouge sang, avec des croix de bois brisées et une explosion en arrière-plan.

Si les politiciens (et les galonnés) de l'époque voyaient ça, ils hurleraient, eux qui voulaient montrer le soldat français en vainqueur de l'infâme soldat teuton. Au moins, ceci est plus réaliste que ce qui était imprimé et publié dans les feuilles de choux de l'époque.

Dorgelès dû censurer son roman avant sa publication chez Albin Michel.

Il y a assez bien de texte, la lecture ne se fait pas en une seule fois, il a de quoi nourrir son esprit et j'ai pris mon temps pour la découvrir, tout en sachant que je louperais malgré tout des détails. Puis, il y aura des cases sans texte, parce que les mots ne serviraient à rien.

Une adaptation fort poignante.

(*) Ce n'est qu'arrivé à la fin de la bédé que j'ai appris que celle-ci comportait des scènes qui avaient été coupées lors de sa parution en roman, ainsi que des scènes de vie de l'auteur, Roland Dorgelès.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Il y a peu de romans français valorisant le théâtre dramatique, sanglant, tragédien se situant sur la période de la Première Guerre mondiale, surnommée La Grande Guerre. Les romans français sur ce terrain sanglant, véritable boucherie ne se comptent pas, par dizaine, ceux qui ont vécu cela le raconte si bien, mais d'autre plus a l'aise dans l'écriture, le raconte de façon plus dramatique c'est le cas de Roland Dorgeles, ce n'est pas un grand poète comme Victor Hugo, mais un auteur qui était comme ces personnages de fiction dans le roman Les Croix de Bois, le témoin de cette Grande Guerre, Rolan Dorgeles à vu tuer la plupart de ses camarade, certains étaient des salauds, et d'autres des gens bien : salauds ou gens bien, cette guerre, comme toutes les autres d'ailleurs, ne fait pas de sentiment, le bien ou le mal, tous les deux sont confrontés à la mort.
Contrairement au chef-d'oeuvre du réalisateur plasticien Raymons Bernard, fils de l'auteur juif Tristan Bernard, son film Les Crois de bois pour des raisons de compréhension, son héros est Gilbert Demachy, excellente interprétation de Pierre Blanchar, mais dans le roman, il n'y a pas vraiment de héros, sauf dans l'avant-dernier chapitre "Le retour du héros" où Dorgeles désignait un des personnages les plus importants de son roman, Suffart avec le narrateur et un autre, les trois survivants de cette Grand Guerre dont la compagnie (a) était décimée en pleine forêt sue la Route de Paris une attaque défensive et violente par les Prussiens.

Dans le roman le personnage principal est Suffart, un vétéran solitaire, sans attache à part sa femme qui fout le camp avec négociateur un Belge, se retrouve blessé dans un camp militaire, quand il apprend que ses camarades, les seuls amis qu'il avait, été tous morts par une batterie de marmites (obus), les enterrent vivant, d'autres ce sont des membres de leur corps détaché… Roland Dorgeles ancien journaliste, contrairement à son confrère l'Allemand Erich Maruia Remarque pour cet autre chef-d'oeuvre littéraire sur la Première Guerre mondiale" À l'Ouest rien de nouveau" donnait sa vision de ce conflit de jeunes soldats croyants à l'idéalisme d'un vieux professeur qui n'acceptait la défaite de la guerre d'avant. le roman de Remarque dénonçait la stupidité de cette guerre par de vieux gâteux poussant avec une extrême nervosité que c'est le devoir de toute la jeunesse Allemande de s'engager dans ce conflit sanglant… Quant à Roland Dorgeles, il reste neutre, il ne fait pas d'exception entre deux ennemis de nationalité différente en montant un humanisme sans engagement politique, sauf pour un chapitre "Le Monde Calvaire" où chacun des acteurs du roman discute avant l'attaque offensive "Qui à commencer cette guerre" au front, tous se posait des questions…

Ce n'est pas un roman drôle, mais si Dorgele ne parle pas uniquement de la Camaraderie, tous sont égaux devant cette Guerre : jeune et vieux sont embarqués qui fit des millions de morts dans les Tranchées, peut-être moins que La Gripe Espagnole faisant plus de mort en 1918.

Les Crois de Bois montrent tous ses inconnus morts durant les batailles, leurs croix certaines sans nom jalonnent les chemins du destin, le rendez-vous vers la mort.

Les deux derniers chapitres sont les plus forts, le Retour du héros, où le personnage central du roman revient chez lui à Lyon, il se considère comme un paria, un amputé de la France, un homme sans attache, se considérant comme un étranger, pour lui revenir à la civilisation est difficile, car il est un incompris, pour lui, ses vrais amis sont ceux qui étaient dans sa compagnie et morts sur des champs de bataille, mais avec une pointe finale optimiste de ce chapitre.son héros Sulphart dit à son intervenant qui le jaugeait de haut « J'trouve que c'est une victoire, parce que j'en suis sorti vivant… », son témoignage qui raconta plus tard à travers son héros imaginaire, mais réaliste sous la plume de Roland Dorgelès.
Le dernier chapitre "Et c'est fini", le narrateur du roman fait une grande thèse dont un extrait est le résumé que j'ai cité plus haut…
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La première conséquence morale de la guerre, pour beaucoup de jeunes gens, fut de leur révéler une fraction d'humanité dont tout les séparait.
Avant la caserne, qu'avaient-ils fréquenté ? Uniquement leurs compagnons d'études, de plaisir ou de travail, toujours recrutés dans le même milieu.
Le jeune bourgeois ignore le peuple comme le fils d'ouvrier ignore la bourgeoisie et, le plus souvent, ils se dénigrent sans se connaître. Avec la guerre, tout cela change.
Ces étrangers vont pouvoir s'observer l'un l'autre. Et dans des circonstances où l'on ne peut pas tricher.
À tout instant, c'est une nouvelle épreuve, devant la fatigue, devant le danger, devant la mort, brave ou lâche, franc ou fourbe, bon ou mauvais. Pas de faux semblant, pas de supercherie dans ce grand confessionnal que furent les tranchées. (P.15)
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C'est vrai, on oubliera. Oh ! Je sais bien, c'est odieux, c'est cruel, mais pourquoi s'indigner : c'est humain ... Oui, il y aura du bonheur, il y aura de la joie sans vous, car, tout pareil aux étangs transparents dont l'eau limpide dort sur un lit de bourbe, le cœur de l'homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond ...

On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacer lentement dans le cœur consolé de ceux qu'il aimait tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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Dehors, la nuit aux aguets écoutait la tranchée. Elle était tranquille ce soir-là.
On n'entendait ni le sourd ébranlement du canon, ni le sec crépitement de la fusillade.
Seule, une mitrailleuse tirait, coup par coup, sans colère ; on eût dit une ménagère lunatique qui battait ses tapis.
Autour du village, c'était le lourd silence des campagnes frileuses. Mais soudain, sur la route, un bourdonnement s'éveilla, grossit, roula vers nous, et les murs se mirent à trembler ... Les camions.
Ils roulaient pesamment, avec un bruit cahotant de ferraille.
Les autobus, naguère, passaient ainsi sous mes fenêtres et me tenaient éveillé, tard dans la nuit.
Comme je les détestais, en ce temps-là !
Sans rancune, pourtant, ils revenaient me voir dans mon exil. Comme autrefois, ils faisaient tressauter mon demi-sommeil, et je sentais trembler les murs. Ils venaient me bercer.
Est-ce drôle, on n'entend pas leurs durs cahots sur le pavé, ce soir, ni les vitres qui tremblent, ni le passant attardé qui appelle ...
Leur bruit ne fait plus qu'un ronron dans ma tête qui s'endort ... Ils grincent, ils cahotent, ils sont passés ...
Adieu, Paris ...
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- Ils ne cognent plus ... Ils doivent bourrer la mine !
- C'est fini. C'était trop beau ... Une vie d'insouciance, de joie quotidienne. Un jour, quelqu'un frappe : "Pan ! Pan ! C'est la vie. - Mais je ne vous connais pas. - ... tant pis, c'est votre tour !" Elle vous a mis une pioche et un fusil entre les mains, et creuse bonhomme, et marche bonhomme. Et crève bonhomme ...

Toc - Toc - Toc - Toc - Toc

Nous tendîmes tous le cou, anxieux, ayant peur de nous tromper.
Non !
La pioche avait bien repris.
Elle cognait.
Oh ! Ce qu'on put l'aimer, un instant, cette horrible pioche !
Elle creusait.
C'était la grâce.
On ne bourrait pas encore la mine, on ne mourait pas encore.
Mais il restait deux jours et une nuit.

- Quelle heure qu'il est t'y ?
- Il a dix minutes de retard.
- J'espère qu'ils n'ont pas décidé de nous laisser là jusqu'à ce qu'on s'éparpille.
- Me voilà avec la relève, les aminches !
- Alors, ils creusent une mine en-dessous ? ... On est sûr de sauter, tu parles, quatre jours ...
- Y'a pas de raison ...
- Regarde, nous autres, on y est bien resté ...
- C'est long, ces trucs-là ...
- Faut pas s'en faire.
- En route, bonne chance, mes petits.

Sans le lieutenant qui allait en tête d'un bon pas, nous aurions peut-être couru.
On avait peur de ce calvaire blafard, que les fusées mettaient parfois à nu.
Peur de ce danger qu'on sentait derrière soi, tout près encore.

- Les pauvres gars, j'ai peur pour eux ...

On franchit la rivière sur un pont tanguant, fait de barques et de tonneaux.
Le canal passé, on entrait dans le bois et la fraîcheur vous tombait sur les épaules comme un manteau humide.
Cela sentait le printemps mouillé.
Quelque part, un oiseau chantait, ne sachant pas que c'était la guerre.

... [BOOM] ...
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Cachée dans les hautes herbes, la tranchée ennemie se devinait à peine, derrière la toile barbelé des araignées de fer.
Les Allemands ne tiraient plus, et leurs canons même se taisaient.
Seuls quelques 210 essoufflés passaient très haut, avec un glouglou de bouteille qui se vide, et allaient tomber sur le village, empanachant les ruines d'un lourd nuage d'usine.
Des morts, il y en avait partout : accrochés dans les ronces de fer, abattus dans l'herbe, entassés dans les trous d'obus.
Ici des capotes bleues, là des dos gris. On en voyait d'horribles, dont le visage gonflé était comme recouvert d'un masque épais de feutre moisi.
D'autres étaient charbonneux, les yeux déjà vides : ceux des premières attaques.
On les regardait sans émotion, sans dégoût, et quand on lisait un numéro inconnu, au col de la capote, on se disait simplement : "Tiens, je ne savais pas que leur régiment avait donné ...".
C'était la bataille sans ennemis, la mort sans combat. Depuis le matin, que nous nous battions, nous n'avions pas vu vingt Allemands.
Des morts, rien que des morts.
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