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EAN : 9782070143986
368 pages
Gallimard (02/01/2014)
3.4/5   46 notes
Résumé :
'Pour les enfants, la sexualité est un grand livre invisible. Chacun d'entre eux déchiffre cette part du monde en improvisant son propre alphabet. Que devient cet alphabet? Avant qu'il ne soit trop tard, j'ai voulu raconter comment l'abstraction du sexe, pourtant si concrète dans le corps et dans les perceptions, s'est imposée à l'enfant que je fus. Pendant plusieurs mois, j'ai compilé des notes sur un carnet, concernant la sexualité en général, son insatiable mystè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Arthur Dreyfus - Histoire de ma sexualité – roman
-nrf - Gallimard (21€ - 363 pages)

Dans le chapitre d'ouverture, Arthur Dreyfus confie ses hésitations à aborder un sujet si intime, tout en restant pudique et les conseils de son éditeur. Il ne cache pas ses doutes, le moment de découragement où il faillit renoncer à ce projet.

Arthur Dreyfus n'aura pas attendu, comme Dominique Noguez d'avoir passé la cinquantaine pour faire son coming out. Si Dominique Noguez annonçait dès la première phrase qu'il allait « essayer de tout dire », la phrase qui retient l'attention dans ce roman est en fait la dernière, mise en exergue sur le bandeau: « J'ai voulu tout dire, pour qu'il ne reste que les secrets. » L'auteur prend soin de préciser que ce récit est un subtil mélange de vrai et de faux, afin de « protéger le vrai ». Contrairement à Alex Taylor dont le père accepta son orientation sexuelle, Arthur Dreyfus nous dévoile les obstacles auxquels il fut confronté. Pas facile de se documenter sous le manteau. Il recueille les mises en garde de son entourage quant à la publication d'un tel sujet. On devine les craintes, les réticences d'une mère qui redoute que son fils livre en pâture sa vie sexuelle et en filigrane sa vie familiale.
Ne courait-il pas le risque de « détruire la famille »?

Arthur Dreyfus nous installe au comptoir de ses souvenirs et nous révèle une succession d'anecdotes ( le bouche à bouche de la leçon de secourisme ) avec un zeste d'auto dérision, des réflexions cocasses dues à la candeur et l'innocence de l'âge. Il relate son éveil à la sexualité assez précoce, la découverte de son corps ( masturbation dans la baignoire), ses premiers émois, «  câlinades », ses expériences avec des filles, sa solitude. Son père souligne son goût pour se travestir, « enfiler des robes », se parer de bijoux, dès trois ans, y voyant déjà une transgression.
Arthur Dreyfus revisite des scènes qui mettent en évidence son attirance pour les garçons ou des adultes ( son professeur de musique) et sa fascination pour la nudité. On devine le préadolescent, indéterminé, taraudé par une multitude de questions, qu'il va éclaircir en autodidacte, surfant sur les sites interlopes, ce qui va alerter la mère. Il connaîtra les déceptions, les ruptures, la trahison.
Il autopsie cette période « avant-déni », tentant de se persuader qu'il était normal, mais troublé de constater qu'il aimait « les trucs de gays ». Il décline ses fantasmes, ses fréquentations, ses désirs fous, les élans charnels avec ses amants, et dévoile sa conception de l'amour. Il souligne son mal-être lié au fait de ne pas se sentir compris.
D'aucuns seront peut-être choqués par ce livre gay friendly où l'auteur décrit des scènes d'amour ou plutôt de sexe , d'onanisme,de façon assez crue ( «  fist fucking »).

Son enfance ancrée à Lyon le conduit à une diatribe corrosive sur cette ville qui même si elle rejoint la vision de Julien Gracq risque de lui valoir quelques détracteurs.
L'auteur a choisi une architecture au contenu éclectique qui peut déboussoler.
Les listes ( comme celle des défauts du narrateur ou les « 32 signes de prestance ») rappellent celles de Charles Dantzig. Se côtoient des extraits de presse, du journal intime, une lettre, des citations, des aphorismes,les conseils d' « une coach en séduction », une pièce allemande , des bribes de conversation, jusqu'à une devinette à l'adresse du lecteur. S'y ajoutent des réminiscences de voyages scolaires ou en famille. Une telle compilation fait penser aux miscellanées de Mr Schott.

Autre raison d'être surpris: le choix des prénoms des personnages: Cactus, Am, Mr Citron, Cirque, Primeur, Salopard... Si Arthur Dreyfus dit, à la moitié du roman, prendre « de moins en moins la parole », il la donne à des anonymes aux noms insolites (Nez, Sombre, Silhouette, Bateau...). D'autres sont dissimulés sous il ou elle.
Arthur Dreyfus pratique avec générosité le name dropping.
On reconnaît des auteurs dont il se nourrit comme Miomandre, Herbart, Anaïs Nin, Guibert, Trenet et parmi les contemporains:M.Riboulet, P.Mauriès, N.Herpe.
Il convoque aussi ses figures tutélaires que sont Bataille, Cocteau, Wilde.

Dans ce roman, l'auteur aborde des questions de société: « l'hypersexualisation des enfants » ou les jouets sexistes, le transexualisme. Au café du temps, les clients devisent sur la mémoire des souvenirs: « Dépit que le temps passe si vite ».
Il mène aussi une réflexion sur l'écriture et aborde l'impact d'un livre sur celui qui lit. Il s'étonne du « pouvoir qu'on accorde aux livres » et laisse le lecteur juger si ce troisième roman est «  voyeuriste, exhibitionniste, nombriliste ». Selon Christian Bobin, peu de livres changent une vie. Mais quand ils la changent, c'est pour toujours.
Son objectif est d' « écrire des livres différents pour se forcer à changer soi-même ».

Autre originalité: la brève biographie de l'auteur, le dessinant en creux ( passion de la magie), avec au final « la mauvaise conscience du chat quand il vient de griffer... ».

Un mot récurrent ne devrait pas avoir échappé au lecteur: la BEAUTÉ, car l'auteur reconnaît que « le sexe dans l'enfance » représentait pour lui « un objet esthétique ». A croire que comme Michelle Tourneur la beauté «  assassine » celui qui la croise.

Le lecteur sera sensible à ce besoin de réconciliation avec ses parents, une fois la
déflagration encaissée, un vrai « choc sismique » qui les laissa démunis. Arthur Dreyfus nous émeut, nous touche dans sa façon d'obtenir le pardon de sa famille et de leur dire son amour. La lettre envoyée au père, mâtinée de gratitude, réussira-telle à aplanir les différends? Être publié dans la collection blanche sera-t-il la monnaie d'acquittement, le sésame de l'apaisement? L'enfant rêveur n'est-il pas devenu écrivain? Tout aussi bouleversant , le texto de la mère, transpirant de complicité, empreint de regrets et de culpabilité, qui clôt le roman par une vibrante déclaration d'amour fusionnel au narrateur, «  l'homme de sa vie ». L'aurait-il oublié?

Arthur Dreyfus, auteur multicarte, signe un roman , à la veine autobiographique,
audacieux, ambitieux, dense, dérangeant, qui peut faire office de plaidoyer pour la différence et la tolérance. L'auteur y bouscule les tabous, soulève les questions liées à l'homosexualité. 363 pages immersives dans l'intimité du narrateur.
Une confession profondément troublante qui marqua cette rentrée de janvier 2014.
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Sous ce titre très vendeur, se cache un livre assez déroutant qui navigue entre expérience littéraire, fragments du discours amoureux, autobiographie romancée et journal intime. On pourrait penser que l'auteur raconte sans fard sa vie sexuelle à la façon crue d'une Christine Angot ou comme un Pennac qui n'aurait retenu de son corps que son sexe et son cerveau. Mais pas du tout ou pas complètement. C'est en fait tout autre chose qui nous est proposé ici, comme d'ailleurs nous laisse entrevoir le bandeau rouge qui accompagne le livre et qui reprend la dernière phrase du livre : " J'ai voulu tout dire pour qu'il ne reste que les secrets".
C"est sur cet aphorisme qu'est bâti ce roman, parce que malgré la forme un peu particulière qu'il prend, c'est bien d'un roman qu'il s'agit. Et de là découlent la surprise, l'intérêt, le rire, l'agacement mais jamais l'indifférence.
Pour situer l'objet, Arthur Dreyfus parle de son enfance en soixante-trois petits chapitres, comme autant de moments balisant son avancée dans le monde troublant du sexe. Entre chaque souvenir, sont intercalés des citations de ses amis ou amants ou connaissances, des morceaux de ses auteurs de prédilection, des remarques personnelles, toutes tournant autour du sexe mais aussi du roman en train de s'écrire. Pas forcément en relation avec les propos précédents, elles semblent être placées là, à la fois comme une respiration dans l'évocation d'un passé un peu étouffant mais aussi pour justifier la forme particulière que prend le roman voire tracer en creux le portrait actuel de l'auteur.
En tant que lecteur, il m'a fallu bien vite oublier la parfaite maîtrise de son roman précédent pour me plonger dans ce carnet de croquis et de notes. Les chapitres sur l'enfance, qui ont une vraie forme romanesque, sont pour moi les plus intéressants car d'un accès immédiat, mais ont surtout comme projet de nous parler de la sexualité des enfants, sujet casse-gueule parce jugé ambiguë dans notre époque de frilosité. Là, Arthur Dreyfus fait preuve d'un vrai regard de romancier et décrit les pulsions enfantines, les peurs, les découvertes, les envies avec une précision jamais voyeuse. Que l'on soit hétéro ou gay, quand on est un garçon, les approches de la sexualité ont le même goût d'interdit et d'ignorance, les expériences sans être similaires sont de même nature, mélange de curiosité, d'attirance et de débat intérieur. Tous ses souvenirs, vraisemblablement passés par le filtre du roman, sont drôles, gonflés aussi. Il brosse un monde où famille et relations amicales façonnent petit à petit cet adulte en devenir, l'une dans l'aveuglement tranquille d'une vie balisée et les autres comme inspirateurs d'expériences anatomico/sensuelles.
L'autre partie, cette succession de petites phrases, de citations m'est apparue tout d'abord un peu agaçante. Ca sent le copinage, le réseau gay parisien intello. On a l"impression que c'est écrit pour quelques initiés, quelques amis à qui on adresse un discret clin d'oeil parce qu'ils font partie du réseau "Arthur Dreyfus". Certains ont même droit à un hommage un peu plus appuyé en les faisant apparaître sous un surnom assez évocateur (J'ai la naïveté de croire qu'il y a moins de fiction dans cette partie là...). Et puis, entre une remarque sur le fist-fucking et une sentence perfide d'un vieux travesti, surgissent les interrogations de l'auteur sur ce qu'il est en train d'écrire. Est-ce bien raisonnable de casser son image de jeune prodige idéal en parlant de son homosexualité ?
La suite sur le blog

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Autofiction dont le but initial était de parler la genèse de sa sexualité, de l'enfance à l'adolescence, de la découverte de son homosexualité. Il rassemble des souvenirs et se mets à détailler l'histoire de l'écriture de ce roman dont on ignore la part de la fiction.
A mis chemin entre I Remember de Joe Brainard pour les anecdotes amusantes et Tricks de Camus pour ce qui est du trivial.
Il inclut les remarques de ses proches qu'il désigne par des noms ou des expressions les représentant, c'est original, drôle et surprenant au début quand on prend le surnom pour un mot de la phrase.
Au milieu du livre, j'ai ressenti une lassitude après l'enthousiasme du début, trouvant que tout cela faisait un peu trop catalogue.
Au final, un livre drôle qui peut permettre de mieux comprendre l'homosexualité de ses enfants, mais malheureusement aussi peut être desservir sa cause, la faisant à tord passer pour une déviance vu les passages répétés sur le fist.
J'ignore si le manque d'auto-censure est de la provocation, un acte marketing ou de la naïveté de la part de son auteur.
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« On frappe à ma porte. Instinctivement, je réponds : « Je suis aux toilettes. » Perplexe, ma mère entre. » Et nous la suivons, bien qu'à y penser, nous ayons été conviés à lire ce qui ne serait qu'un « roman », nous répètent Arthur Dreyfus, son éditeur, sa grand-mère, - celle-ci, soucieuse que cet élément de langage, qui estampille bel et bien la couverture, face l'article. Non, Madame, votre petit-fils est un coquin !

La plume est agile, et avec le ton qui a fait son succès dans le Livre qui rend heureux, allez, Arthur Dreyfus tient des propos qu'Alain n'aurait pas désavoués. Bien que « de nature sexuelle », ses souvenirs qui vont jusqu'au début de son adolescence – après, point de salut – sont livrés avec tellement de (fausse) candeur mais surtout de maîtrise, que le texte est artistiquement érotique.

C'est tout simplement drôle. Une preuve ? A propos de Cyril Collard, la mère d'Arthur, bourgeoise lyonnaise : « Il paraît qu'il aimait se faire uriner dessus. Dans l'ordre de mes priorités de vie, ce n'est pas la première chose qui me viendrait à l'esprit. ».

Paru dans Blake 63
Lien : http://tmblr.co/Z4Dxcn1EvdXna
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Merci monsieur Dreyfus pour cette descente vertigineuse dnas un récit que l'on sent être intime sans jamais tomber dans la vulgarité. Une magnifique écriture au service d'un exeptionnel numéro d'équilibriste. Peut-être que c'est ça la littérature !
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Aussi, lorsqu'au dernier jour de classe verte, sous une tente en Lozère, vêtu de ma plus belle chemise à manches courtes, je me mets au défi de "sortir avec une fille", je prends une décision sincère. Tous les garçons connaissent le tourbillon de la langue dans une autre langue. Le lendemain, j'en fait le serment, j'aurai aussi tourbillonné.
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On peut être heureux partout dans le monde, sauf à Lyon. Pas une ville en France ne condense autant de laideur, de mauvais goût et d'étroitesse d'esprit que Lyon.
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Les cinq premières idées venant à l'esprit du père lambda apprenant l'homosexualité de son fils :
mon fils se fait enculer.
Mon fils suce des bites.
Mon fils est-il celui qui se fait enculer?
Mon fils suce-t-il beaucoup de bites?
Qu'est-ce que j'ai fait?
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SI le sexe n'était que cela - toi nu dans mes bras, la respiration du cœur roulée entre les cuisses, l'immobile chaleur, la lente lumière du jour - , je m'en contenterais mille fois, plusieurs milliers de fois.
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Quand tu évoques la durée d'un couple gay, c'est comme les chiens, il faut multiplier par 7.
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Videos de Arthur Dreyfus (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Arthur Dreyfus
Lecture magique et musicale par l'auteur accompagné de Philippe Beau, ombromane Festival Paris en toutes lettres
Première Guerre mondiale dans la région de Besançon, un garçon de 14 ans est sous le feu des bombes. Blessé, il se réveille dans la cave de son « sauveur », un savant fou qui pratique des greffes abominables. Or le jeune homme découvre une proéminence qui sort de son nombril… Une main ! Récit fantasque et fantastique, aussi drôle que troublant, fable sur la différence et la monstruosité, ce roman-journal est mené tambour battant dans une langue riche et raffinée. Ce soir, Arthur Dreyfus nous invite dans son livre d'une drôle de façon : par une lecture accompagnée de musique, de magie et d'ombres chinoises proposées par les merveilleuses mains de l'ombromane Philippe Beau.
« Cette troisième main, qui va mener mon personnage vers le pire comme le meilleur, sauver sa vie puis l'anéantir, incarne cette bête tapie en chacun, dont nous avons besoin pour vivre et pour créer, et qui demeure notre seul véritable et inévitable ennemi. Elle est invisible. J'ai voulu lui donner un corps. » Arthur Dreyfus, La troisième main
À lire – Arthur Dreyfus, La troisième main, P.O.L, 2023.
Son : Axel Bigot Assistante lumière : Hannah Droulin Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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