L'auteur, comme son compatriote
Robert Walser, représente une grande étoile au firmament littéraire suisse.
Qui n'a, en effet, pas lu ou vu de
Friedrich Dürrenmatt son impressionnant "
La visite de la vieille dame" et tremblé en lisant ou voyant son "
La promesse" ou encore froncé les soucils à la lecture de sa satire du bolchevisme "La Chute d'A" et de son conte philosophique "
La Panne" ?
"
La promesse" est une histoire à suspense original d'assassinat de gamines et d'une enquête obstinée. Il y a eu 2 versions cinématographiques, une en 1958 titrée "Ça s'est passé en plein jour" avec Heinz Ruhmann, Gert Fröbe et
Michel Simon et un remake en 2001, intitulé "The Pledge" par
Sean Penn avec Jack Nicholson, Benicio del Toro et Patricia Clarkson. L'auteur a, par ailleurs, collaboré au scénario de la première version.
Je crois avoir tout lu ou presque de cet écrivain d'un talent extraordinaire qui pouvait se faufiler avec la même aisance apparente à travers les genres les plus divers. Seul "
Grec cherche Grecque" m'a causé des problèmes .... pour le trouver et finalement, j'ai dû me résoudre à en lire la version allemande.
Friedrich Dürrenmatt a qualifié lui-même ce roman comme une "Prosakomödie", ou une comédie en prose, un qualificatif historiquement réservé à "L' Avare" de
Molière.
Selon un critique littéraire du "Daily Telegraph" de Londres, seul maître
Dürrenmatt réussit à écrire le récit d'un petit aide-comptable, qui du jour au lendemain devient riche et estimé, sans que cela ne devienne ridicule ou aberrant.
C'est cependant ce qui arrive à son héros, Arnolphe Archilochos, d'âge moyen et à embonpoint, qui travaille au service des forceps à la fabrique de machines "Petit-Paysan SA". Il dévoue un bon bout de son temps libre à propager l'évangile selon les néopresbytériens orthodoxes, une secte un tantinet obscure importée des États-Unis.
Arnolphe n'a pas du tout le physique d'un Grec, mais cela s'explique par le fait qu'un de ses ancêtres a péri à Nancy, à côté de son seigneur, Charles le Hardi ou le Téméraire (1433-1477), en livrant bataille contre les troupes de la coalition lorraine et suisse.
En fait, une situation digne d'un
Dürrenmatt et de son esprit imaginatif où sûrement l'ironie ne fait pas défaut. Et ce n'est que le point de départ, car Arnolphe encore vierge a décidé de prendre femme. Avec l'aide de la secrétaire de la compagnie, Frau Bieler, il s'emploie à rédiger une annonce dans ce but, qui au bout de nombreuses modifications et corrections, se résume à "
Grec cherche Grecque ".
La rencontre entre Herr Archilochos, entretemps devenu le directeur puissant d'une société de canons atomiques, et la femme de ménage Chloé Saloniki, vaut son paquet de cacahuètes. Pour Arnolphe, à qui tout réussi, il n'y a effectivement pas de raison que cela ne marcherait pas avec la belle Chloé, quand bien même si elle est un peu pute, mais au grand coeur !
D'après le professeur
Armin Arnold de l'université de Ratisbonne en Bavière et conseiller chez le géant Siemens, il y a en littérature allemande que très peu de livres qui peuvent rivaliser du point de vue humour avec cette histoire de
Friedrich Dürrenmatt. Humour, un terme que l'auteur lui-même a défini comme "le masque de la sagesse".
Friedrich Dürrenmatt, né près de Berne en 1921 et mort à Neuchâtel en 1990, est un authentique touche-à-tout artistique. Outre les romans cités et quelques autres, il a été metteur en scène et a écrit des pièces (parmi lesquelles "L' Édification de la Tour de Babel"), des scénarios de film et des essais (sur
Albert Einstein,
Václav Havel etc.), tout en faisant de la peinture.
Le scénographe d'origine Azerbaïdjanaise, Emile Salimov, a, en 2015 au Vingtième Théâtre de Ménilmontant, adapté cette oeuvre à la scène et en a fait une épopée luxueuse mélangeant théâtre et comédie musicale. Dans cette grande farce le rôle d'Arnolphe était incarné par le comédien Thierry Ferrari.
Si vous souhaitez faire plus ample connaissance avec un esprit atypique, baroque et bizarre, je vous conseille la lecture du livre d'
Ulrich Weber : "
Friedrich Dürrenmatt ou le désir de réinventer le monde" paru en 2005.
Moi, en tout cas, il m'a fait doucement rigoler et je regrette seulement que ce roman ne compte que 156 pages !