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Jean-Pierre Porret (Traducteur)
EAN : 9782253047308
159 pages
Le Livre de Poche (01/10/1988)
3.95/5   187 notes
Résumé :
Une vieille dame revient dans son village natal. Elle est richissime, le village est au bord de la faillite. Elle offre cent milliards contre la vie de l'homme qu'elle a aimé et dont elle veut se venger... sacrifice que le maire propose à ses concitoyens en ces termes : « Que tous ceux qui, d'un cœur pur, veulent réaliser la justice lèvent la main. »

Voilà la force, le coup de génie de Dürrenmatt. On sait que le miroitement de l'or aveugle et corrompt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Cette pièce en trois actes de l'auteur suisse Friedrich Dürrenmatt m'a parfois évoqué le petit roman biographique L'Or de son compatriote Blaise Cendrars et bien plus encore Un Ennemi du peuple d'Henrik Ibsen.

En effet, il y est beaucoup question d'argent, d'une petite communauté, en l'occurence une petite ville de province, et d'un empêcheur de prospérer en rond. L'intérêt réside évidemment dans la réaction de la communauté vis-à-vis dudit " gêneur ".

Qu'en est-il ici ? La petite ville de Güllen frise la faillite totale : autrefois plutôt prospère, elle a vu toutes ses activités industrielles ou économiques péricliter ou s'effondrer. Toutefois, un espoir demeure…

Claire Zahanassian, jadis née Wäscher et pauvre à Güllen puis à présent veuve et héritière d'un richissime homme d'affaire, accumulant les remariages avec des hommes célèbres après en avoir plumé un certain nombre d'autres. On annonce la visite de la désormais vieille mais opulente dame en sa très minable et très miséreuse ville natale de Güllen.

Chacun espère donc énormément des libéralités de la rentière. On attend en particulier beaucoup de l'entremise d'Alfred Ill qui fut en son temps le petit ami de Claire Zahanassian avant qu'elle ne quitte le village. Des rumeurs prétendent qu'elle en était, à l'époque, follement amoureuse. Mais qu'en est-il à présent ?…

Et si la vieille dame était venue faire une proposition indécente à l'endroit de quelqu'un ? Qu'en penseraient les habitants ? Quel parti adopteraient-ils si leur prospérité en dépendait ? Voilà le coeur du questionnement de la pièce.

En ce sens, cela pourrait éventuellement rappeler le film Proposition indécente avec Robert Redford et Demi Moore même si le dilemme moral est ici bien différent comme vous le constaterez si vous décidez de lire et/ou de voir cette pièce.

De quelles compromissions sommes-nous capables collectivement, juste pour de l'argent ? Un pays aussi avancé écologiquement que l'était le Canada il y a quinze ans est-il capable de faire machine arrière, de sortir du protocole de Kyoto juste parce qu'il vient de trouver le moyen d'extraire du pétrole et du gaz de son sous-sol ? Ça m'étonnerait. Des guerres ultra-meurtrières se déclarent-elles juste pour asseoir les intérêts économiques de quelques gros industriels ? Peu crédible, vous avouerez…

Oui, j'ai du mal à le croire car l'Homme, oui l'Homme, ce sommet de l'évolution biologique a su s'extraire de son avidité primitive et de sa condition de bête affamée. Il vaut beaucoup, beaucoup mieux que ça car il est tout pétri, constamment irrigué de cette belle et grande et suprême valeur, que l'on nomme Morale et qui toujours le maintient fermement sur les rails de la décence. N'en doutons pas…

Bon, d'accord, à l'extrême, extrême rigueur, il arrive parfois qu'on maquille un tout petit peu la loi, qu'on change les règles de façon infinitésimale, qu'on tourne très légèrement la tête et qu'on regarde ailleurs au moment de valider une décision pas jolie, jolie. Mais entre-nous, c'est franchement rare, et on n'irait jamais jusqu'à tuer quelqu'un, voyons…

Sauf peut-être si la démonstration était faite et avérée que le quelqu'un en question fut vraiment méprisable, un genre de terroriste déguisé ou même un authentique terroriste, un Che Guevara au moins, plus tout à fait un homme en somme, un bon débarras pour la planète. Bon et puis si tout le monde y gagne…

Bref, une tragicomédie bien grinçante, assez plaisante à lire mais qui ne m'a pas non plus transporté d'allégresse. Intéressante toutefois. Bien entendu, ce n'est là que l'opinion d'une vieille dame, c'est-à-dire, bien peu de chose dans la balance, surtout si des intérêts supérieurs sont en jeu…
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Au concours des villes sinistres, amochées par les ravages de la pauvreté, Güllen obtiendrait sans doute un bon classement. La pièce s'ouvre sur un tableau qui fait sourire par l'intensité de son côté «misère de misère» : Seul plaisir qui leur reste, les hommes regardent passer les trains, survivent grâce aux allocations chômage et à la soupe populaire, ils végètent, regardent l'huissier passer, qui vient pour la saisie de l'Hôtel de Ville.
Pourtant ce jour-là, l'espoir renaît : ils attendent la milliardaire, leur Clara, leur Clairette, ils l'ont vu grandir, ce serait bien le diable s'ils ne parvenaient pas à lui faire cracher ses millions.
Mais – misère de misère ! - la charité, ce n'est pas vraiment le truc de la vieille dame, ce qui la fait vibrer, ce serait plutôt une bonne grosse vengeance, un projet de type:
« le monde a fait de moi une putain, et maintenant j'en fais un bordel. »
La vieille dame parviendra-t-elle à faire des Gülleniens des putains prêts à vendre leur morale et la vie d'un des leurs en échange de cent milliards? La petite ville en viendra-t-elle à adopter l'adage «Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût lucratif, on a fait que ce qui est lucratif fût juste.»?
 
Dürrenmatt nous renvoie une image peu reluisante de nous-mêmes, mais, comme l'a brillamment montré Nastasia, évidemment trèès éloignée de toute réalité et bien sûûr plus du tout d'actualité - ce serait inimaginable qu'aujourd'hui on laisse, par exemple, notre pays se rendre complice de crimes de guerre en vendant des armes à l'Arabie Saoudite. Je ne sais même pas pourquoi cette drôle d'idée a pu me passer par la tête. Et d'ailleurs, on ne va pas ergoter sur un détail vu que d'une façon générale au moins, on vit dans un système hautement civilisé où il serait inconcevable de voir la recherche du profit passer avant les valeurs humaines non?

N'empêche, une pièce intéressante !
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Si un professeur de théâtre ne nous avait pas demandé de lire "La Visite de la vieille dame" dans le but de nous faire travailler le texte de la pièce, je ne l'aurai probablement jamais lue, ni même découverte. En effet, je n'avais absolument jamais entendu parler de ce monument de noirceur et de son auteur, le prolifique romancier et dramaturge suisse Friedrich Dürrenmatt... Même si je ne suis pas certaine de poursuivre plus avant mon exploration de la bibliographie de ce dernier, je ne regrette pas cette lecture même si elle m'a mise très mal à l'aise... Cependant, si je veux être pleinement honnête, je crois que c'est ce même sentiment de malaise qui m'a fait aimer "La Visite de la vieille dame" et son ton aussi cynique que vitriolé, l'intelligence provocatrice de son propos, son audace...

Autrefois prospère, la petite ville de Güllen est aujourd'hui au bord de la faillite. La banqueroute a fermé les usines, ruiné les commerces, privé de pain et de feu les foyers même les plus aisés et la bourgade ressemble aujourd'hui à ces villes industrielles désaffectées et laissées pour compte, amochées par le béton et l'abandon, ravagée par la paupérisation... Pour ses habitants, il n'y a plus guère d'espoir de voir couler à nouveau des rivières de miel et de lait dans la ville, plus d'espoir de sortir de ce marasme gris, gluant dans lequel chacun semble s'enfoncer... Il y a bien le maire de la ville qui bataille encore mais sans trop y croire...

Non il n'y a plus d'espoir... A moins que... Une lueur peut-être, très loin au bout du tunnel, une lueur qui débarque en ville par le train de onze heures vingt sept. Cette lueur a pour nom Claire Zahassian. La vieille dame aujourd'hui richissime et qui doit sa fortune à sept mariages successifs est de retour dans la ville qui l'a vu naître et grandir. Elle a bien changé, d'ailleurs, la petite Claire qui courait pieds nus, libre et fantasque et la voilà aussi bardée de millions que de visons, nanti de son pâle époux du moment. le salut de la ville viendra peut-être de cette femme que le maire, l'épicier et le professeur, promus comité d'accueil, voient déjà comme une bienfaitrice, une bonne fée un peu abimée. Bien sûr qu'ils espère lui soutirer ses millions, d'autant qu'elle a elle-même laissé entendre que ce serait possible... Les millions de la vieille sauverait la ville et ses habitants, vous pensez. Que ne feraient ils pas les braves gens de Güllen pour cet argent? Alors, ils écoutent la Zahanassian. Religieusement. Dévotement.
Et quand elle annonce que oui, elle leur versera des millions, c'est le ciel qui s'entrouvre jusqu'à l'énoncé d'une condition pour le moins impolitiquement correct: en échange de son or, elle veut une vie. Elle veut et elle ordonne que quelqu'un tue l'épicier, Alfed Ill. Celui qui fut autrefois son fiancé la mit alors enceinte avant de l'abandonner et Claire veut sa vangeance.

A partir de là, c'est l'escalade, pour le pauvre Alfred Ill d'abord, qui convaincu du soutien de ses concitoyens se retrouve aux prises avec l'attitude de plus ambiguë envers lui de ces derniers; pour les villageois qui oscillent, hésitent entre la morale et l'appât du gain; pour les spectateurs/lecteurs enfin qui insistent avec impuissance, dégout et fascination à la montée de la tension qui envahit peu à peu la pièce jusqu'à en rendre l'atmosphère étouffante, oppressante jusqu'à l'insupportable...
Le malaise s'installe peu à peu et s'allie étrangement à une forme d'humour très noir, très cynique qui nous offre alors des passages proprement jouissifs. C'est étrange, c'est audacieux et c'est furieusement inconfortable. Oui on rit, on applaudit la dénonciation de l'avidité et de l'individualisme de la société, mais finalement, qui sont ces personnages veules, fauves, avides, âpres au gain, prêts à tout, hypocrites si ce n'est... nous? Qui peut dire comment nous réagirions face à un tel dilemme? Qui pour oser prétendre qu'une vie vaut mieux à nos yeux que des millions? Bien sûr, on aimerait tous être purs, réfléchis... Bien sûr... Mais qui sait vraiment?
Alors oui, cette pièce en trois actes est grinçante et jouissive, corrosive et arrosée de vitriol, réjouissante et engagée mais elle est aussi profondément dérangeante et c'est aussi ce qui en fait le sel.
Et puis ce rythme, ces entrées et sorties de scène virevoltantes.
Et puis cette vieille dame qui telle un chat jouant avec des souris tire les ficelles du drame qui se joue sous ses yeux, ce drame déguisé en farce grotesque.
Et puis cette scène qui termine l'Acte II où l'angoisse est à son comble.
Et puis ces réplique qui font mouche autant que sens.
Et cette chute, cette chute génialissime qui dit en quelques répliques toute l'hypocrisie du genre humain prêt à cacher derrière de pauvres idéaux falsifiés et une morale inattaquable ce qu'il a de pire. Cette chute, cette fausse morale martelée par le maire et le professeur...

Sombre, inconfortable, cynique mais terriblement lucide et encore plus intelligent.
A lire, à voir.


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Décidément, j'aime beaucoup l'écriture, le style et l'humour de Dürrenmatt. Quel talent dans la mise en scène de cette pièce, dans la création de ses personnages tous plus loufoques les uns que les autres, dans ses décors oscillants entre Jardin d'Eden et habitat des Misérables et dans cette intrigue grotesque.
J'ai dévoré ces trois actes me délectant de cette folie absurde. Il est malin ce Dürrenmatt !

Et puis, vers la fin ressortent quand même de grandes questions existentielles : Jusqu'où l'humain est-il capable d'aller pour avoir de l'argent ? Jusqu'où peut-il être créatif pour se donner une parfaite bonne conscience ? Peut-on vivre une vie entière avec un sentiment de vengeance qui parasite nos choix ? Et moi, dans cette situation, qu'aurais-je fait ?

Je ne suis pas habituée à lire des pièces de théâtre. Ce deuxième essai, après "Les Physiciens" de ce même auteur, m'a totalement convaincue. C'est sûr, j'en lirai d'autres ! Et puis, je tenterai d'aller voir cette pièce au théâtre. Je me régale d'avance imaginant Mme Zahanassian, autoritaire, dégoulinante d'autosuffisance, dans ses habits de parvenue clinquants et rutilants.

Un excellent moment de lecture !
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Il y a une parenté frappante dans les sujets de Gottfried Keller (Die Leute von Seldwyla), de Dürrenmatt (La Visite de la vieille dame) et de Max Frisch (Andorra), ainsi que dans la manière de les traiter. Tous les trois sont suisses. C'est d'un microclimat très spécifiquement suisse qu'ils parlent, et il faut avoir au moins un peu vécu là-bas pour le reconnaître. Ah, et puis quand même, il vaut mieux les lire en allemand. Parce que c'est très différent. La tonalité est différente. Il y a une ironie grinçante typiquement suisse-allemande qu'on ne peut pas réellement reproduire en français.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
LE PASTEUR : L'enfer est en vous-même. Vous êtes plus âgé que moi et vous croyez connaître les hommes ; mais on ne connaît jamais que son propre cœur. Vous avez trahi une jeune fille par amour de l'argent ; vous en concluez naturellement que les hommes sont prêts à vous trahir aussi pour de l'argent. La raison de nos craintes est en nous, dans notre cœur, dans nos pêchés. Si vous admettez cette vérité, vous aurez la seule arme efficace pour vaincre votre tourment.

Acte II.
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L'ADJUDANT : Mon cher Ill, cette affaire n'est pas si simple. Examinons le cas posément. La dame a fait à la ville de Güllen la proposition de donner cent milliards en échange de - vous savez ce que je veux dire. C'est exact ; j'y étais. Mais ce n'est pas un prétexte suffisant pour que la police agisse et s'en prenne à Madame Zahanasian. La loi est formelle.

ILL : Il y a provocation au meurtre.

L'ADJUDANT : Attention, Ill, attention. Il n'y aurait provocation au meurtre, que si le projet de vous faire assassiner avait été pensé sérieusement. C'est clair ?

ILL : Il me semble.

L'ADJUDANT : Eh bien ? Il est impossible de prendre l'offre de la dame au sérieux ; parce que le prix de cent milliards est exagéré, vous êtes obligé d'en convenir. Pour une chose semblable, on offre cent mille ou deux cent mille, mais certainement pas davantage, croyez-moi. Cela prouve une fois de plus que tout ceci n'est pas sérieux. Et même si ça l'était, alors ce serait la dame que la police ne devrait plus prendre au sérieux, car il serait prouvé qu'elle est folle. Compris ?

ILL : Folle ou pas folle, son offre reste une menace pour ma vie. C'est pourtant logique.

L'ADJUDANT : Pas du tout. Vous ne pouvez pas être menacé par un projet, mais seulement par la mise en oeuvre de ce projet.
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CLAIRE ZAHANASSIAN : La charité, Messieurs ? Les millionnaires peuvent se l'offrir. Avec ma puissance financière, on s'offre un ordre nouveau à l'échelle mondiale. Le monde a fait de moi une putain ; je veux faire du monde un bordel. Si on tient à entrer dans la danse et si on n'a pas de quoi casquer, il faut y passer. Et vous avez voulu entrer dans la danse. Les gens convenables sont ceux qui paient.

Acte III.
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CLAIRE ZAHANASSIAN : J'aime les hommes en maillot et culotte courte ; ils ont l'air si naturel.

Acte I.
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La raison de nos craintes est en nous, dans notre coeur, dans nos péchés. Si vous admettez cette vérité, vous aurez la seule arme efficace pour vaincre votre tourment.
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Videos de Friedrich Dürrenmatt (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Friedrich Dürrenmatt
"Dans un bois des environs de Zurich, la petite Gretl Moser vient d'être assassinée à coups de rasoir. Confronté au terrible regard d'une mère dévastée, le commissaire Matthias promet de trouver le meurtrier. La police arrête un potentiel coupable, qui avoue avant de se suicider, mais Matthias est persuadé que le véritable tueur court toujours. Hanté par cette affaire, il décide de le traquer seul, en lui tendant un piège aux conséquences tragiques. Une promesse est une promesse, mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?"
La Promesse de Friedrich Dürrenmatt, dans une nouvelle traduction d'Alexandre Pateau, à retrouver en librairie.
+ Lire la suite
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